S’imposant à la fois comme un archétype du genre et un annonciateur des westerns crépusculaires à venir, le film de Ford marque la fin d’une époque pour le genre et plus largement pour la carrière du réalisateur (à savoir son avant dernier western).
Le film traite de la fin de l’Ouest et de ses figures, qui rentre dans l’ère moderne avec l’émergence du chemin de fer et la mise en place de la loi, la fondation du pays se formant sur les mythes qui le constituent, d’une légende sur lequel s’est fondé l’Amérique, entraînant une passation de pouvoir entre deux hommes, opposés par leurs points de vues idéologiques et leur rivalité à propos d’Hallie.
Le film aborde le rapport à la violence de la nation américaine et la naissance de la démocratie américaine, ainsi que les sacrifices qu’elles impliquent, entraînant l’échec de certains à atteindre leurs buts de la manière qu’ils voulaient.
Après tout l’histoire de Ransom Stoddard s’articule sur un double constat d’échec, le fait qu’il ai été obligé de s’imposer par la violence (lui qui est porté sur le pacifisme et le respect de la loi) et également la révélation que sa réussite repose sur un mensonge, reléguant Tom Doniphon aux oubliettes, véritable héros et perdant de ce duel.
Doniphon décide de se sacrifier, à partir du moment où il sait qu’il n’a plus sa place dans ce monde en pleine évolution, de se salir les mains pour que Stoppard n’ai pas à le faire, sachant pertinemment qu’il en récoltera les bénéfices, lui qui semble plus adapté à ce nouvel ordre en accord avec ses principes et sa vision du monde.
Doniphon le fait en pleine connaissance de cause, il sait qu’il n’a plus rien à perdre car il appartient déjà au passé.
C’est ainsi que s’établi un monde de justice fondé sur une injustice, Doniphon n’étant jamais reconnu pour l’importance de son rôle, qui aura permis à Stoddard d’être ce qu’il est devenu et d’obtenir ce qu'il voulait, à savoir le marriage avec Hallie et la reconnaissance de la communauté.
Les quelques rares qui restent et qui connaissent la vérité sont d’autant plus accablés face au décès de leur vieil ami, la culpabilité et les regrets les rongeant peu à peu, ce qui accentue l’aspect mélancolique de l’oeuvre, à la fois pessimiste et désabusée, le rendant d’autant plus touchant.
Le réalisateur fait preuve d’une maîtrise indéniable du cadrage, l’aspect assez classique formellement étant contrebalancé par la modernité du scénario, faisant toujours preuve d’un sens du détail et de la caractérisation qui montre l’humanité des personnages, grâce aux acteurs principaux qui sont tout simplement parfaits dans leurs rôles respectifs (qu’il s’agisse de James Stewart, John Wayne, Lee Marvin ou encore de Vera Miles).
6/6