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La Religieuse (Jacques Rivette, 1967)
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Auteur:  Mr Chow [ 22 Mar 2013, 12:14 ]
Sujet du message:  La Religieuse (Jacques Rivette, 1967)

aka Suzanne Simonin, la Religieuse de Denis Diderot

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Au XVIIIe siècle, Suzanne Simonin est cloîtrée contre son gré par ses parents qui la destinent à la vie conventuelle sans qu'elle en ait la vocation. [wiki]

La censure pour ce film à sa sortie (interdiction du scénario dans un premier temps, puis de la distribution, in fine interdiction aux moins de 18 ans) reste hallucinante au regard de ce que c'est : une adaptation sans grand génie du livre de Diderot qui n'a pas spécifiquement de plus-value à scandale, et ne rajoute qu'une conclusion en tableaux maladroite. La force de représentation du cinéma, et la peur qu'un public plus large soit touché de la part des autorités ecclésiastiques et du pouvoir Gaulliste ? On est quand même loin du Couvent de la bête sacrée :) Voir même du Narcisse Noir, allons-y, car aussi bien dans le sadisme que dans la tension sexuelle, c'est très soft, et même plus fâde que ce que nous fait ressentir l'ouvrage d'origine... Bravo Malraux qui couvre donc dans le ridicule complet une censure par procuration de Diderot deux siècles plus tard.

Comme il avait été refusé par les comités de censure en 63, Rivette avait fait porter son scénario par Godard au théâtre, avec Karina... On sent comme un héritage de tout cela à l'écran, dans le jeu des acteurs assez pénible et un univers monacal assez platement représenté. On est ni dans la nudité de Bresson, ni dans le cérémonial d'un Zinneman sur The nun's story... On passe d'un couvent au bleu ciel très gris, à un second plus chaleureux et printanier, mais limite la distinction est ici assez caricaturale. Je n'ai pas retrouvé en tout cas la vivacité et l'acidité que conserve encore le bouquin, écrit à la première personne (ici cette narration d'origine est rappelée juste le temps d'un plan)... mais il n'y a pas grand chose d'autre non plus à la place, j'ai souvent eu l'impression d'être devant une captation éducative objectivée pour l'ORTF (au-delà du roman, s'intéresser au contexte non subjectif, aux thématiques : à vos rédactions), le tout renforcé par l'intro pédagogique et quelques cartons assez nuisibles.

Il y a quand même une certaine recherche sur le son de la part de Rivette, qui place toujours du vent, des grillons ou des cloches, quand il ne laisse pas s'exprimer la musique dissonante de Jean-Claude Eloy. Jamais de silence pour Suzanne. Mais c'est à peu près tout ce que j'ai trouvé d'intéressant dans ce film quand même assez long... Karina n'est pas mauvaise, mais elle a du mal à faire oublier ses rôles chez Godard pour cette interprétation classique, ça pourrait servir le film mais en fin de compte elle donne peu de nuances au personnage.

Auteur:  Abyssin [ 16 Avr 2019, 18:01 ]
Sujet du message:  Re: La Religieuse (Jacques Rivette, 1967)

Moyennement d'accord avec le Monsieur Chow, je trouve tout simplement que c'est un des plus beaux films du cinéma français. D'une forme beaucoup plus classique que les autres Rivettes, le résultat n'en reste pas moins puissant dans cette terrifiante descente aux enfers que dépeint le cinéaste. La violence que subit Anna Karina, son aliénation causée par une logique institutionnelle toute bête qui va au-delà du destin d'une simple humaine dont on se contrefiche est assez glaçant. Composé en 3 actes, le film devient de plus en plus noir et recèle des trésors de perversités. Mention pour la troisième partie et le piège sexuel bien méchant qui se referme sur Anna Karina ou le sous-entendu bien trash de la drogue pour passer ses voeux de religieuse au début.

C'est assez terrifiant la manière dont Anna Karina, le corps, l'âme et la volonté, est pliée en deux de manière écrasante par la sainte institution tout au long du film. Cheminement bien douloureux qui prend aux tripes et là où Rivette fait des merveilles c'est dans la manière dont il filme ces couvent successifs : comme des dédales de couloirs bien horrifiques et bien craspecs (remarquable travail sur la photographie et le son). Sous son enrobage d'histoire classique (je connais mal Diderot), voilà un film pas du tout chiant et bien crade sur la noirceur humaine et l'institution catholique qui en prend plein la face.

Vraiment un must.

6/6

Auteur:  Art Core [ 19 Avr 2019, 09:28 ]
Sujet du message:  Re: La Religieuse (Jacques Rivette, 1967)

J'ai trouvé le film sublime et bouleversant mais je dois dire être aussi en partie d'accord avec Mr Chow, surtout pour cette dernière partie où le personnage de Karina par son ingénuité à ne pas comprendre le désir sexuel devient limite énervant. Et c'est vrai qu'il y a quelque chose de théâtral dans une mise en scène assez effacée mais d'une grande précision. Justement on est pas chez Bresson mais j'y retrouvé un peu son ascétisme, sa nudité comme dit plus haut même si ici on échappe pas à un certain artifice qui le rend parfois un peu paradoxal (par exemple les nonnes m'ont semblé pour la plupart très maquillées, notamment les yeux).
Mais oui le travail sur le son excellent, Karina espèce d'icône de pureté magnifique, cette impression de plongée de plus en plus profonde dans la servitude alors qu'au contraire les conditions extérieures sont de plus en plus favorables... Vraiment un très beau film. Je m'attendais à quelque chose d'un peu plus singulier de la part de Rivette, c'est vraiment son film le plus accessible sinon même populaire (il avait fait quasi 3 millions d'entrées) mais ça ne veut pas dire pour autant que j'ai été déçu.

5+/6

Auteur:  Tetsuo [ 20 Avr 2019, 15:54 ]
Sujet du message:  Re: La Religieuse (Jacques Rivette, 1967)

Abyssin a écrit:
Moyennement d'accord avec le Monsieur Chow, je trouve tout simplement que c'est un des plus beaux films du cinéma français. D'une forme beaucoup plus classique que les autres Rivettes, le résultat n'en reste pas moins puissant dans cette terrifiante descente aux enfers que dépeint le cinéaste. La violence que subit Anna Karina, son aliénation causée par une logique institutionnelle toute bête qui va au-delà du destin d'une simple humaine dont on se contrefiche est assez glaçant. Composé en 3 actes, le film devient de plus en plus noir et recèle des trésors de perversités. Mention pour la troisième partie et le piège sexuel bien méchant qui se referme sur Anna Karina ou le sous-entendu bien trash de la drogue pour passer ses voeux de religieuse au début.

C'est assez terrifiant la manière dont Anna Karina, le corps, l'âme et la volonté, est pliée en deux de manière écrasante par la sainte institution tout au long du film. Cheminement bien douloureux qui prend aux tripes et là où Rivette fait des merveilles c'est dans la manière dont il filme ces couvent successifs : comme des dédales de couloirs bien horrifiques et bien craspecs (remarquable travail sur la photographie et le son). Sous son enrobage d'histoire classique (je connais mal Diderot), voilà un film pas du tout chiant et bien crade sur la noirceur humaine et l'institution catholique qui en prend plein la face.

Vraiment un must.

6/6


Tu te rattrapes.

Auteur:  Abyssin [ 20 Avr 2019, 17:53 ]
Sujet du message:  Re: La Religieuse (Jacques Rivette, 1967)

Tu vois que tu peux aimer de bons films !

@Art Core : Moi ça passe comme crème l'incompréhension de ce désir sexuel quand tu lies ça à l'époque, l'éducation très prude de la fille, sa méconnaissance du sexe, etc... bref ça ne m'a plus gêné que cela.

Auteur:  Tetsuo [ 21 Avr 2019, 13:08 ]
Sujet du message:  Re: La Religieuse (Jacques Rivette, 1967)

Abyssin a écrit:
Tu vois que tu peux aimer de bons films !


Qui ? Moi ? Tu te fous de ma gueule ?

Auteur:  Abyssin [ 21 Avr 2019, 13:39 ]
Sujet du message:  Re: La Religieuse (Jacques Rivette, 1967)

:mrgreen:

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