aka Ms.45
Thana, une jeune femme muette violée deux fois le même jour, décide la nuit venue de parcourir les rues sombres de New York en tuant de son callibre .45 tous les hommes qui l'approchent
Motif très simple que Ferrara et Nic St John tiennent jusqu'au bout, dans une succession de petites séquences exécutées avec un fétichisme propre à créer de l'icône "Girls and guns" de haut vol. Pour autant difficile d'y voir une simple superbe bande de cinéma d'exploitation, quand bien même ce plaisir est totalement là. La répétition initiale du viol, ainsi que le décalage permanence de perception de l'héroïne, offrent un clair tremplin en dehors du genre, ou même de la simple mais efficace ironie d'un Death Wish. N'ayant jamais de mots sur le traumatisme, ni d'analyse rationnelle à exposer, le film gagne au fil de son évolution en étrangeté, au delà de la morale ou du geste politique féministe (le film est admirable à ce niveau). Comme souvent chez Ferrara la catharsis se casse la gueule, et l'engrenage où tombe Thana est d'autant plus passionnant et attachant qu'elle peine à communiquer, à rendre immédiatement perceptible son ressenti. Sans être pour autant un fantôme fantasmagorique comme dans La mariée était en noir.
Le film doit beaucoup à la prestation dense de Zoe Tamerlis Lund (plus tard co-scénariste camée de Bad Lieutenant), et son visage faussement poupon, tuant et changeant à volonté d'apparence sans qu'il soit fait d'exposition préalable à l'écran. M.S 45 est un vrai modèle d'exécution, ramassé, loin de la relâche du Fear City qui suivra ; dans la lignée de Driller Killer, Ferrara y percute un New York de petits artistes dépeints sur un plan égal à celui des petites frappes des coins de rues miteux (lui même fait deux caméos ambigus et déguisés dans le film). La tuerie de la fête finale qui revisite un peu celle de Carrie, ou le détournement de l'image iconique du Manhattan d'Allen dans une scène "intimiste" de monologue peuvent témoigner de cette volonté de ne pas brosser non plus le 7ème art d'alors dans le sens du poil, que ce soit dans la figure romantique ou l'intellectualisme. Les victimes de fait sont par ailleurs toutes d'une classe sociale différente, sans qu'on tombe pour autant dans un jeu de massacre initialement programmé, tant l'aléatoire surgit, et tant les identités sont décidément floues et se recomposent en permanence dans le New York de Ferrara.
Un seul bémol pour moi,
