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De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)
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Auteur:  Tom [ 17 Mai 2012, 22:11 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Mouais... Je trouve que ça commence à devenir un peu roublard Audiard.

J'ai l'impression d'une banale histoire (frappe repentie, handicap surmonté) simplement coloriée "à la Audiard", parée des habituels éclats d'images et de sensations microscopiques, mais tout ça me paraît tout de même très "plaqué" par-dessus une intrigue dont il ne sait pas vraiment quoi faire.

Le scénar est pour tout dire assez nul, ou en tout cas charcuté : malgré les thématiques et les arcs scénaristiques surlignés au stabylo, on a souvent du mal à en saisir la cohérence, de comprend où ça va (puisque le film semble vouloir sortir du sentier ultra-balisé que proposerait le pitch de lui-même). Ces louvoiements font qu'on sent souvent Audiard obligé de ramener les gros moyens - je pense notamment à la fin (même si je sais qu'elle adaptée, mais faut voir dans quelle non-structure c'est mal amené) - pour pouvoir péniblement faire avancer son récit. Plus globalement, on le sent pas très à l'aise pour agencer l'histoire du couple et celle de la paternité, qui n'arrivent jamais à converger correctement, ni même à se faire face. Si Audiard nous fait le plaisir d'expédier ce qui teindrait du programme établi (le parcours entre l'accident et le retour d'un goût en la vie, les histoires de boxe écourtées), le cliché ressurgit parfois soudainement de manière encore plus cash pour faire avancer le récit au tractopelle (la discussion nulle à table en mode "je suis quoi pour toi ?", la rencontre au bar et le verre dans la gueule...) - et parfois on a juste le sentiment qu'il s'en fout complètement (la voix-off à maximes de la toute fin, facile et aussi ambitieuse qu'une fiction d'étudiant - je trouve Audiard tellement mauvais quand il s'autorise des trucs comme ça, dont il sait que ça passera, mais dont il ne peut qu'avoir conscience que c'est complètement bateau).

Alors certes il y a quelque chose au travail : ça se présente comme "un film de corps", mais justement un peu à la premier de la classe, en s'attardant laborieusement sur les muscles sans en tirer grand chose, sinon une complaisance un peu gênante, pour les deux raisons que cible très bien Léo. Je trouve en fait que ça ne prend sa dimension que via les orques (grave sous-exploités) et ce qu'ils projettent sur le perso masculin : quelque chose comme une fascination sincère pour la grâce ambiguë des brutes. Ça reste rare.

Léo a raison, le film est très peu émouvant (je ne suis pas une seconde rentré dedans), il manque de grosses scènes concernées qui claquent (la première scène de nage, peut-être ?) : ce dont parle Léo (un type va comprendre ce pourquoi ses mains sont faites) n'existe à mon sens pas concrètement dans le film, par exemple, sinon théoriquement, c'est un boulot qui reste à faire. L'ambition d'Audiard me semble de toute façon à présent tout à fait ailleurs, réduite à se fabriquer de jolis flashs isolés
la percée de l'orque hors du bassin, le gamin qui flotte sous la glace, les plans seuls qui ouvrent les différentes séquences comme des visions d'oracle...
, certes magnifiques et impressionnants, mais dissimulant mal que ce réalisateur est désormais moins capable de dessiner de grands mouvements d'ensemble à travers son film (sur ce terrain, et malgré de nombreuses maladresses, Sur mes lèvres était beaucoup plus à l'aise par exemple).

Je retiens une livraison toujours impeccable (si le ciné mainstream français pouvait en atteindre ne serait-ce que la cheville...), et de sublimes petites choses éparpillées partout. Mais encore plus que pour Un Prophète, j'ai l'impression qu'il ne risque absolument rien sur un coup pareil. Ça n'a que la gueule d'un film d'Audiard de plus.

Auteur:  Alabama [ 18 Mai 2012, 16:58 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Léo a écrit:
les mains d'Ali sont foutues, qu'elles sont brisées et qu'il ne pourra plus se battre. Or la séquence sur laquelle ce texte est placé raconte précisément l'inverse !
C'est idiot parce qu'il y avait la possibilité de raconter quelque chose de totalement tragique: Stéphanie a perdu ses jambes mais elle marche à nouveau alors qu'Ali a définitivement perdu ses mains même si elles ne sont pas amputées.


Je ne suis pas d'accord avec ça. Ce qu'il dit c'est qu'une jambe réparée, c'est réparé définitivement et que c'est aussi/plus solide qu'avant. Une main réparée, c'est réparé en surface mais tu n'es pas tranquille pour autant, tu vis avec la douleur et un jour, sans qu'on sache quand ça va lâcher à nouveau. Du coup, l'explication de la voix off sert à nuancer, en quelque sorte, les images de happy end de la fin. La famille cassée semble réparée et tout aller mais c'est au moment T et ça va finir par changer et en plus l'équilibre des pouvoirs est modifié et en mutation. Lui, il l'a sauvée et est la force mais encore temporairement car il va se casser "physiquement" à un moment donné. Elle, elle est cassée physiquement mais voie de reconstruction et de force et est en train de le sauver lui. Bref, cassé, en réparation ou réparé, ils continuent avec les douleurs et autres et font avec.



Bon ben moi j'ai beaucoup beaucoup aimé. Au moins un bon 5.

Auteur:  Arnotte [ 19 Mai 2012, 22:33 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Film un peu trop attendu, dans les deux sens du terme... Mini déception pour ma part, même si je ne peux qu'admettre que c'est magnifiquement réalisé, toujours bien dialogué, supérieurement interprété (Cotillard et Schoenaerts déchirent violemment, point barre). Et j'ai sincèrement été bluffé par les SFX des jambes. Très impressionnant.
Ce qui me gêne un petit peu c'est le côté un peu "attendu"... c'est un peu surligné par moments, il y a plusieurs scènes qui font un peu passage obligé: les tenants et aboutissants sont vite repérés, et les effets de mise en scène (soit gratuits sont trop voyants - dans le sens stabilossés) et autres métaphores viennent un peu alourdir l'ouvrage. L'émotion qui surgit à la fin (le coup de fil dans le couloir), elle émeut vraiment, elle fait du bien, mais là encore, elle est un peu trop attendue.
Je trouve que ça manque un peu de spontanéité: à force de trop vouloir maitriser son art, Audiard se fait moins percutant qu'il ne voudrait l'être.
Après, ça reste vraiment du beau cinéma, il y a plein de superbes scènes, de moments très beaux, le duo d'acteurs - je le redis - crève l'écran, et je reste fan du "regard" d'Audiard...

Donc voilà, c'est du beau boulot, mais j'ai mes petites réserves...

4.5/6 quand même

Auteur:  Arnotte [ 20 Mai 2012, 09:17 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Je reviens sur le côté "surligné"... Et cette fameuse scène du
lac gelé
, par exemple.
Fallait-il vraiment lui faire se casser les mains en brisant de la glace pour lui faire lui faire apprendre la responsabilité et lui faire prendre conscience qu'on n'aime que ce qu'on a peur de perdre? Paye ta double métaphore... Encore une fois, la scène est forte, flippante, mais
ce côté stabilo m'a gêné.
Un film (par certains aspects) similaire comme Une vie meilleure - que personne n'a été voir alors que c'est vachement bien - n'avait pas besoin de ce genre d'artifices pour raconter son histoire, par exemple.

Auteur:  Alabama [ 20 Mai 2012, 10:57 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Arnotte a écrit:
Je reviens sur le côté "surligné"... Et cette fameuse scène du
lac gelé
, par exemple.
Fallait-il vraiment lui faire se casser les mains en brisant de la glace pour lui faire lui faire apprendre la responsabilité et lui faire prendre conscience qu'on n'aime que ce qu'on a peur de perdre? Paye ta double métaphore... Encore une fois, la scène est forte, flippante, mais
ce côté stabilo m'a gêné.
Un film (par certains aspects) similaire comme Une vie meilleure - que personne n'a été voir alors que c'est vachement bien - n'avait pas besoin de ce genre d'artifices pour raconter son histoire, par exemple.


Je n'ai pas ressenti ça comme spécialement surligné perso, c'est bien passé et ça s'intègre bien.
Plus que le sens des responsabilités (il l'a déjà à beaucoup de degrés même si c'est pas le père de l'année, il bosse, il raccompagne Stéphanie, il l'aide à reinvestir sa vie après l'accident, après le clash avec sa famille il a essayé de mettre sa vie en ordre, il a renoué contact avec sa famille, il revoit son gosse, il n'a pas abandonné tout le monde, il a décidé de faire quelque chose de bien avec sa vie) j'ai eu l'impression d'un tournant dans son implication affective avec les autres. Il est plein de bon sens humain, de gentillesse, de belle personne, de délicatesse comme Stéphanie lui fait remarquer, mais il n'est pas doué avec les sentiments, les marques d'affection (le frère et la soeur ne s'embrassent pas par exemple et sont gênés "physiquement" aux retrouvailles) etc. Au moment du lac, on se rend compte qu'il a changé parce qu'il s'implique (même au prix de mains cassées qu'il ne sent même pas) émotionnellement, pour moi c'est la première vraie preuve d'amour "matérielle" pour un des protagoniste du films, et c'est juste après qu'il pleure au téléphone, demande de l'aide et se libère avec Stéphanie aussi.

J'ai bien aimé une vie meilleure aussi.

Auteur:  DPSR [ 20 Mai 2012, 11:07 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Arnotte a écrit:
Je reviens sur le côté "surligné"... Et cette fameuse scène du
lac gelé
, par exemple.
Fallait-il vraiment lui faire se casser les mains en brisant de la glace pour lui faire lui faire apprendre la responsabilité et lui faire prendre conscience qu'on n'aime que ce qu'on a peur de perdre? Paye ta double métaphore... Encore une fois, la scène est forte, flippante, mais
ce côté stabilo m'a gêné.
Un film (par certains aspects) similaire comme Une vie meilleure - que personne n'a été voir alors que c'est vachement bien - n'avait pas besoin de ce genre d'artifices pour raconter son histoire, par exemple.


Je suis bien d'accord

Il aurait du laisser le corps dériver et aller se faire un shaker de whey ce con v'était mille fois plus fort

Auteur:  Arnotte [ 20 Mai 2012, 12:22 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

lol

J'essaie d'exprimer ce qui m'a empêché l'adhésion totale au film - que j'aime beaucoup aimé malgré les réserves.

Auteur:  Abyssin [ 22 Mai 2012, 22:28 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Beaucoup aimé le film, Audiard arrive à réussir des scènes supra casse gueules (la première scène d'amour, le gosse et l'éclopé, la baignade) et à tirer quelque chose de formidable de ses acteurs. Ce serait du grand cinéma si ce n'était pas un peu trop froid et la fin avec le gosse frôle le mauvais goût.

5/6

Auteur:  Abyssin [ 23 Mai 2012, 12:37 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Un jour après avoir vu De rouille et d'os, le film vieillit très bien. Sur le moment, je regrette le relatif manque d'émotion mais il y a quand même des scènes qui comptent parmi les plus réussis du cinéma français de cette année. Je pense en particulier à toutes les scènes concernant l'handicap de Cotillard (surtout les scènes d'amour). Pas fan de l'actrice mais là elle a une présence.

Par contre concernant la fin:

Toute la partie en Alsace qui dure 10 minutes avec l'accident dans la glace de Sam, j'ai trouvé ça raté et inintéressant. On a l'impression qu'il s'agit juste d'un truc de scénario pour amener le coup de fil de la fin avec les retrouvailles d'Ali et Stéphanie. Juste des scènes fonctionnelles pour amener ce très beau moment

Auteur:  Alabama [ 23 Mai 2012, 14:11 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Abyssin a écrit:
Pas fan de l'actrice mais là elle a une présence.




Tout à fait et je l'ai trouvée belle alors que paradoxalement elle n'est pas vraiment à son avantage une bonne partie du film (cheveux pas propres et pas coiffés, teint gris et "pas maquillé" etc. Elle irradie quand même.

Plus que la scène d'amour, la plus belle scène de sentiment pour moi c'est quand elle refait ses gestes de boulot, assise sur son fauteuil, au soleil sur sa terrasse.

Auteur:  Film Freak [ 26 Mai 2012, 18:22 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Film en decrescendo qualitatif.
Le générique (sur)impressionniste donne le ton d'un film qui m'a paru montrer un Audiard amorçant une mise en scène plus sensorielle qu'à l'accoutumée, comme en témoignent tous ces ralentis, ces gros plans, ces flous, ces ombres, ces silhouettes, et cette photo - une fois de plus exemplaire de Fontaine - lumineuse ; et pendant un moment, la forme parvient à transcender un minimum le fond, relativement classique, surtout quand Ali et Stéphanie se découvrent encore, au travers d'une écriture assez juste et une caractérisation sans fard, sublimée par deux acteurs plus que convaincants.

Mais par la suite, je trouve que le récit, notamment dans l'arc "je réapprends à apprécier la vie", se banalise, ne surprend plus, pas même lors de son dernier acte expédié avec ses emmerdes qui s'empilent de manière un peu gratuites, avant une conclusion certes touchante mais finalement assez attendue, au même titre que le reste.

La scène au Marineland reste superbe toutefois.

3,5/6

Auteur:  Film Freak [ 26 Mai 2012, 18:29 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Arnotte a écrit:
Je reviens sur le côté "surligné"... Et cette fameuse scène du
lac gelé
, par exemple.
Fallait-il vraiment lui faire se casser les mains en brisant de la glace pour lui faire lui faire apprendre la responsabilité et lui faire prendre conscience qu'on n'aime que ce qu'on a peur de perdre? Paye ta double métaphore... Encore une fois, la scène est forte, flippante, mais
ce côté stabilo m'a gêné.
Un film (par certains aspects) similaire comme Une vie meilleure - que personne n'a été voir alors que c'est vachement bien - n'avait pas besoin de ce genre d'artifices pour raconter son histoire, par exemple.

Moi ce que je me suis dit surtout c'est "ça irait pas plus vite s'il essayait de casser la glace en sautant sur place plutôt qu'avec ses mimines?".

Auteur:  Art Core [ 26 Mai 2012, 22:45 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Question
que signifient les tatouages que se fait faire Cotillard? Un rapport à la boxe? Mais à part ça? Pourquoi le "E" à l'envers?

Auteur:  Film Freak [ 26 Mai 2012, 22:50 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Parce que c'est plus staïli.

Auteur:  Alabama [ 26 Mai 2012, 23:33 ]
Sujet du message:  Re: De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012)

Art Core a écrit:
Question
que signifient les tatouages que se fait faire Cotillard? Un rapport à la boxe? Mais à part ça? Pourquoi le "E" à l'envers?


C'est pas pour un genre de pied de nez à ses futures prothèses ? Comme une sorte de mode d'emploi rageur (rouge/vert des kickers version handicap adulte). Et du coup le E à l'envers c'est la jonction, comme si le mot était écrit dans l'autre sens sur la prothèse). Enfin bon, c'est ce que j'ai interprété vu que je me suis posé la même question.

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