Dàlù (大路) en VO, The Big Road à l’international.
Un groupe de travailleurs bâtit une route, qui permettrait à l’armée de stopper l’invasion japonaise.
Bon c’est... inattendu.
Par quoi commencer... Peut-être par ce qui rend, d'emblée, le film invraisemblable : l’hybridité hardcore entre muet et parlant. C’est à la fois charmant et immanquablement foireux : aucun véritable travail sur la question, les bruits (souvent vagues) venant et s’en allant à leur guise, entre de longues plages de silence total. Des mouvements entiers de foule hurlante se déchaînent ainsi parfois dans le calme le plus complet, quand un petit objet qui tombe va produire un choc isolé. Rajoutez à cela un mix improbable de musiques plaquées et intermittentes (du classique qui passe en touriste, entre autres), les passages chantés qui s'invitent soudainement, des effets mickey-mousing comme même Disney n’oserait pas en faire, des collages involontairement parodiques (un avion qui s’écrase = un petit bruit tout sec)…
Sans vouloir une seconde faire de ces errements sonores une qualité ou un parti-pris conscient, on ne peut que constater l’étrangeté de leur effet le plus direct : un rendu complètement aléatoire du temps, façon flux tranquille pris d’accélérations ou d’arrêts soudains. Ce tempo imprévisible et distrait est pour le coup plutôt fidèle à l’esprit du film qui, sur le canevas pépère du récit à la gloire des travailleurs (hommes brisés réunis et ressaisis par le projet commun, persos secondaires sur-caractérisés et jeune leader charismatique, traître riche…), brode un ensemble d’une liberté de ton inespérée. Sun Yu semble en effet très rapidement s’emmerder et se lasser, et son projet change ainsi sensiblement de registre, de type de décor ou de genre à chaque séquence - le tout s'harmonisant au-delà de ces variations par l’irréalisme constant des péripéties, dans un esprit très "Club des cinq" où l’on va jouer aux espionnes infiltrées pour sauver les copains, où l’on descend un avion d’un petit coup de fusil, etc.
Évidemment, cela ne va pas sans approximations, et à une mise en scène souvent remarquable (toujours la même logique d’ennui à contrer : des idées, tout le temps, partout) répond un certain manque d’unité, et un foutoir omniprésent qui ne sait pas toujours bien gérer l’investissement du spectateur (je vous laisse découvrir la mort tragique ©Trinity d’un personnage qui expire en faisant une blague à la con). Tout le début, notamment, est assez long à trouver ses marques, et malgré quelques saillies inspirées, il faut attendre 20 bonnes minutes (jusqu’à l’arrivée au chantier et des filles, grosso-modo) pour que le film s’extirpe de l'a-peu-près ambulant. La suite, qui délaisse le travail sur le chantier pour tous les à-côtés possibles, est tout à fait enthousiasmante, très souvent surprenante (la sensualité des scènes à la rivière, la fin complètement
), et de plus soutenue par d’excellents acteurs. Voilà, ça vaut le coup et, question de droits libérés visiblement, le film a la bonne idée d’être disponible gratuitement et légalement ici : http://www.archive.org/details/the_big_road
Malheureusement, si l’encodage Mpeg2 est pas honteux (après, ça aurait clairement besoin d’une restauration), la copie a subi un 3:2 pulldown bizzaroïde (double ?) qui lui donne un air "vidéo" très désagréable à la vision (impression d’une image accélérée, comme sur certains écrans plats) : faut le corriger en supprimant les images inutiles (en utilisant un filtre ITVC – celui de virtualdub par exemple).