Avec le temps, entre la déchéance de la carrière (hollywoodienne) de John Woo et la sortie du 3e - et supérieur - volet, réalisé par J.J. Abrams, j'avais oublié à quel point j'aimais Mission : Impossible - 2.
C'est clairement le moins bon de la saga, la faute à un scénario qui, plus encore que la première fois, semble presque complètement abandonner le concept de la série (une équipe, des masques, une feinte) pour une intrigue qui passe pour un mix de Thomas Crown (pour le vol et la romance) et James Bond (pour le Cruise-centrisme et l'action démesurée proéminente), avec une équipe réduite (Ethan, Nyah est pas vraiment dans l'équipe, Luther toujours aux ordis et le totalement oubliable Billy qui est juste un bête pilote et sous-sidekick comique), limitée globalement à de l'assistanat.
Le script semble être un mix de différents films (Les Enchaînés pour le pitch, GoldenEye pour la scène en bagnole, Darkman pour tout ce qui touche aux masques, jusque dans le détails de l'identité révélée par un pansement sur un bout de doigt coupé, etc.), même si j'aime bien le McGuffin ici (un virus plutôt que liste d'agents pas protégés).
Mais c'est du Woo de bout en bout, un film emphatique sur la figure du héros.
"Every search for a hero must begin with something that every hero requires : a villain." Première phrase du film, évoquant un virus et un antidote nommés Béllérophon et Chimère, illustrés ensuite dans le générique. D'emblée, Woo ancre son récit dans une dimension mythologique.
"In search of our hero, Bellerophon, we created a monster : Chimera."
Mais heureusement, le héros est là, Tom Christ. Pardon, Cruise. #dimensionmythique
Haha "film conçu à la gloire de l'acteur" ok mais ce sous-texte donne une dimension tout à fait pertinente au récit : le méchant veut ÊTRE Tom Cruise. Enfin, Ethan Hunt. Faire du méchant un ersatz du héros s'inscrit également dans la plus pure tradition bondienne. Mais surtout wooienne.
Sean Ambrose passe son temps à revêtir le visage de son ennemi (Face/Off est VRAIMENT pas loin), pour trahir ses amis, pour séduire sa meuf... La scène de confusion au coeur du film est assez forte, finissant avec Ambrose trahi, qui s'arrache le visage, avant de chialer.
Non seulement c'est l'épisode qui utilise le plus et le mieux les masques mais c'est surtout Woo qui s'approprie un des codes de la saga pour développer son propos sur la figure du héros. L'allure ne fait pas le héros. Qu'est-ce qui fait un héros?
Le motif du feu revient régulièrement à travers le film. Woo multiplie les plans dessus, comme s'il s'agissait du creuset dans lequel le héros devait être forgé.
Parce qu'en fin de compte qu'Ethan ne fait pas grand chose d'héroïque durant les deux premiers tiers du film. Après l'enfant qui faisait son Oedipe dans le De Palma (séduit par sa "mère", tuant son "père"), Ethan est ici un adolescent fougueux. Cheveux longs, casse-cou, nü metal.
Et, une fois de plus, c'est en ça que j'aime le film. Tout en étant une évolution du personnage, le film n'a rien à voir avec le précédent.
Mission : Impossible - 2 est totalement imprimé de la sensibilité de son auteur et substitue à l'intelligence froide et calculée du film théorique de De Palma une emphase de tous les instants, frisant le kitsch (wahlala tous ces zooms), c'est un film beaucoup plus caliente. À tous les niveaux.
Le romantisme exacerbé du eye contact sur fond (et amorce) de flamenco culmine en un remake de la poursuite-drague de Goldeneye transcendée par la chorégraphie de Woo en une véritable danse en bagnoles. Comme Bay, on kiffe ou on trouve ça ridicule pour les mêmes raisons.
Faire le con sur la falaise et recruter Nyah sont les seuls moments où Hunt est actif au début. Après, il se contente de bouder parce que le boss envoie sa meuf coucher avec l'ennemi de la cour de récré...ce qui rend également jaloux le meilleur pote de ce dernier! #cryptogay
Qu'il s'agisse du code couleur à fond dans les tons chauds, ou de la BO qui remplace la cacophonie maîtrisée d'Elfman par le lyrisme de Zimmer et Lisa Gerrard, on est vraiment passé d'un extrême à l'autre. Et Woo s'en donne à coeur joie, ne s'interdisant aucun excès. C'est le drama à donf tout le long (Nyah qui s'inocule le virus, DRAMA!).
Hunt ne peut devenir un héros qu'en passant à l'action. Il échoue à détruire tous les échantillons du virus au labo et doit donc se rendre dans le bunker pour descendre tous les méchants un par un. Le feu (et un autre symbole wooien à la présence totalement incongrue) l'adoubent.
L'abus total.
Pareil pour le plan du flingue dans le sable révélé par le vent et l'espèce de pichenette du pied d'Ethan qui fait s'envoler le flingue de manière improbable, permettant à Hunt de tuer Ambrose.
C'est un autre délire quoi.
Mais avant ça, il fallait encore que toute la testostérone accumulée explose dans un final qui fait d'une joute à moto le duel de deux phallus mécaniques qui se mettent soudain à bander et se termine dans un orgasme explosif, Hunt et Ambrose s'éjaculant l'un vers l'autre.
Et je dis ça sans moquerie, j'aime le film précisément pour tout ce qui en fait un film de Woo, too much compris. Excepté Face/Off, c'est son meilleur film US. Le film n'a pas le meilleur script ou les meilleurs set-pieces de la saga mais reste racé et n'est pas le moins incarné.
4/6
