Die Große Ekstase des Bildschnitzers Steiner en VO
Walter Steiner, sculpteur sur bois, est champion de saut à ski. Mais il saute sans cesse plus loin que les limites prévues...
Un documentaire bulldozer de plus pour Herzog, décidemment fasciné par tout ce qui peut venir jouer à l'alien dans la définition qu'on se fait d'un être humain : figure toute simple, sympathique et sobre du grand dadais affable qui, une fois lancé en l'air, semble remettre en cause les lois de la physique. "On a atteint une limite", dit-il à peu près, "et bientôt ça va vraiment devenir dangereux". En atteignant les frontières de ce qu'un corps humain est censé être, le film se frotte constamment à la mort (images de chutes obsessionnelles, répétées en boucle) autant qu'il se projette dans le vide et l'abstrait, ralentis liquides et musique fantomatique, extirpé de la matérialité le temps de quelques secondes : l'extase.
C'est un bon résumé du style Herzog : réunir les éléments nécessaires, au risque d'être trop simple, trop facile (une jolie image + une jolie musique : j'ai un peu peur qu'à un moment cela finisse par me gaver chez lui), et risquer le tout pour le tout, tenter l'extase du spectateur, une sorte de saut de foi formel. Herzog se délecte du parcours de ce jeune homme un peu tragique, un peu maudit, qui tout en chérissant ses instants suspendus hors du temps et des autres, hors de toute contrainte, se doit en même temps d'être le type responsable et lucide, le conscient, celui qui pense à l’atterrissage et au danger, celui qui doit adapter son envol au retour parmi les vivants, limitant son trip pour s'adapter à des limites trop restreintes. On pourra j'imagine y coller toutes les métaphores que l'on veut (notamment un certain rapport à une société trop étouffante)...
Mais ce qui reste assez frappant, au-delà de la fan-attitude un peu gavante du réal, est le mélange de ces instants de suspension et d'une forme brute terre à terre, à deux pieds du reportage (ce que le film est par commande, d'ailleurs), Herzog se filmant parlant droit à la caméra, suivant l'évènement d'une manière presque journalistique. Tout comme l'homme-oiseau s'avère être un artisan du bois, le film maintient ce rapport distendu au maximum, jusqu'à créer un certain effet d'étrangeté, donnant d'autant plus de force aux échappées qu'elles semblent engendrées par le monde le plus concret qui soit.