Nan guo zai jian, nan guo en VO.
La période de transition politique que vit Taïwan favorise l'émergence de petits malfrats en tout genre. Kao, Tete d'Obus et Patachou en font partie. À chaque fois que leurs affaires tournent mal, ils font appel à Hsi, leur ainé et protecteur, pour les sortir du pétrin.
Il y a pas mieux pour m'endormir que de me dépeindre un milieu de petits truands empêtrés dans leurs magouilles foireuses, personnages dont je me fous et pour lesquels je suis dans l'incapacité de ressentir quoique ce soit. C'est pratique, ça permet tout de suite de voir ce que le film a dans le ventre, s'il saura maintenir l'intérêt par ses seules qualités... Je n'ai jamais lu d'études sur HHH, je n'ai pas vraiment idée de ce qui rend son cinéma aussi beau et incarné ; ce qui fait par exemple qu'il peut faire une image cent fois vue (une voiture qu'on suit en reculant, plein phare vers nous, par exemple), et rendre ça neuf, doux ou violent. Peut-être cela vient de l'alliance d'une forme pensée au millimètre (les cadres qui se recomposent sans cesse à la perfection par d'invisibles mouvements de caméra) avec un style recréant une constante impression de désinvolture, débordant de vie et de spontanéité (le passage des chiens !), même quand il s'agit de décrire le rien foutre le plus total. On dirait presque du cinéma 3D, en fait : le son qui semble s'étendre sur toute la profondeur mais qui jamais ne vire au maniéré, les surexpositions aveuglantes ou les plongées au noir pourtant tout en délicatesse... comme on recréerait la "texture" des situations, un naturalisme transformé par le ressenti et l'humeur en cours. Le beurre et l'argent du beurre, quoi.
Ayant pour quasi unique point de comparaison Café Lumière, dans lequel je vois quelque chose comme un des plus beaux films de la dernière décennie, j'ai été surpris de voir le film à ce point découper sa narration, discussions et scènes de vies d'un côté, pénétrations de l'espace de l'autre : stases contre fluidité, tranquillité contre déploiement, ce va et vient constant, comme une respiration, est surprenant. L'impression que HHH oppresse ses personnages de vide et de rien, pour régulièrement leur redonner leur tribut d'air, de mouvement, et de légère euphorie. Mais il y a de toute façon toujours cette douceur générale : même dans les scènes noires et violentes, même dans le pathétique et le dépressif, même quand il englue ses persos, j'ai toujours l'impression de ce regard enveloppant, généreux, souverain. C'est juste que, par cette découpe, ça me semble... on va dire plus "jeune". Plus réveillé, et moins apaisé du même coup. Quelques passages plus ternes et des choix musicaux crispants entachent aussi un brin l'ensemble.
Bon, faut clairement que je vois plus du reste de sa filmo pour pas étaler les conneries. Mais c'est vachement beau.
