Ou Les Treize tueurs, Juusan-nin no shikaku en VO, The Thirteen Assassins en anglais...
Un seigneur, frère du shogun, abuse de son autorité pour faire régner la terreur partout où il passe, protégé de son statut. Un ministre décide de planifier son assassinat : 13 hommes, promis à la mort, seront chargés de la mission.
C'est bien. Je connais affreusement mal le cinéma japonais de cette époque, et je ne sais donc pas si la gueule de ce film est une particularité due à son réal, ou à la norme d'alors : j'ai trouvé ça en tout cas très bizarrement proche d'un certain style contemporain, cinémascope classieux et découpage affirmé, avec ses compositions élégantes et ses scènes-clé un peu fières (le morceau de luth, la traversée de la rivière, la scène au pont...) - comme un mix en mode Leone-Tarantino pour l'apparence superficielle, la façon de mener l'ensemble.
Ce qui travaille le film en profondeur est différent. Comme pour un sacrifice narratif, le hara-kiri qui lance le récit, effectué devant les portes closes de l'Etat, nous permet de les ouvrir et de nous laisser pénétrer de l'autre côté : d'un bout à l'autre du film, nous vivrons exclusivement cette histoire depuis les coulisses du pouvoir et de l'Histoire officielle, bien loin du peuple ou même en un sens de la politique. Le spectateur a beau être largué dans les premières minutes (120 noms à la seconde), l'objet du film apparaît de toute façon très vite comme purement stratégique, au-delà des raisons morales ou politiques invoquées. Les tueurs, qui offrent leur vie sans même savoir pourquoi, sont à l'image de ce ton général inattendu : un peu désintéressé et neutre, partageant simplement le quotidien calme de la confrérie dans l'attente, mis au service d'une stratégie comme fin en soi, comme une partie à jouer dans les règles de l'art.
Quand l'enjeu se joue à grande échelle, le film a des airs de RISK. Quand il se joue localement, il a la gueule d'un RTS. C'est surtout frappant dans la longue scène finale, combat à travers un enchevêtrement sans fin de ruelles volontairement dénuée de toute trace d'épique : sans musique, sobre voire un peu molle (réaliste dans l'affrontement), attaques trouées de fuites désordonnées ou de pause jaugeant du prochain placement à prendre... Le réal observe l'affrontement la tête froide, comme sur un grand plateau. L'insensibilité aux évènements y a quelque chose d'inhabituel, et finalement d'assez intriguant.
Le 13 tueurs se tient très bien, il a de la prestance, de la maîtrise, une note un peu particulière. Après, rien d'exceptionnel non plus, le film se suit assez froidement je trouve.