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Yoyo (Pierre Étaix - 1965)
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Auteur:  Marlo [ 01 Aoû 2010, 10:55 ]
Sujet du message:  Yoyo (Pierre Étaix - 1965)

Enfin un film pour lequel l'adjectif "tatiesque" mérite d'être utilisé.
L'humour burlesque est toujours pudique, jamais vulgaire, avec un très grand travail sur les cadres, très soignés, et sur le son. C'est cependant beaucoup plus libre que Tati : la caméra est plus mobile (nombreux travellings), les effets visuels plus fréquents, etc. Chez Tati le cadre est pensé dans le but de placer plusieurs gags à l'intérieur ; ici la mise en scène est parfois le gag en lui-même, comme si elle était un personnage. Il y a aussi, mis à part une première demi-heure sans dialogues qui rend hommage au cinéma muet, notamment à celui de Keaton, une approche beaucoup plus naturelle. Les personnages parlent fréquemment (et sortent de vraies phrases, pas comme chez Tati, où les mots sont d'abord des bruits), les situations sont moins conceptuelles, et le personnage principal est ici quelqu'un d'assez normal, du moins bien plus que Monsieur Hulot. Il est intégré en société, a des amis, est attiré par les femmes, ...
Bref il me semble que ce n'est en aucun cas le film d'un Tati-bis, mais plutôt le film d'un auteur qui a tout compris à Tati mais qui avait ensuite ses propres choses à dire, avec sa façon propre de filmer. Excellent.
5/6

Auteur:  Art Core [ 09 Sep 2010, 20:07 ]
Sujet du message:  Re: Yoyo (Pierre Etaix - 1965)

C'est vrai qu'il est très difficile de ne pas penser à Tati en voyant ce film. On y retrouve le même burlesque pince sans rire, sophistiqué et discret et cette même inadéquation du personnage principal au devant d'une société qui avance plus vite que lui. Chez Pierre Etaix ce qui est fascinant c'est l'ambition de son film, sa mise-en-scène ample et ses nombreux mouvements de caméra, ses plans longs, ses décors composés, son travail minutieux sur le son mais aussi et surtout la richesse de ce qu'il raconte traversant la moitié du siècle et de l'histoire du cinéma, passant du muet (peut-être ce que je préfère du film, dommage que ce soit au début) au parlant puis, plus tard, à la télévision. Il crée un film composite qui s'égare un peu par moment et qui va un peu trop vite mais cette richesse le rend fascinant en permanence.

4.5/6

Auteur:  Tom [ 24 Mar 2011, 23:22 ]
Sujet du message:  Re: Yoyo (Pierre Etaix - 1965)

Une image ! Une image !

Image

Et le synopsis, si ça intéresse quelqu'un : Un riche jeune homme s'ennuie, seul et entouré de ses domestiques, dans sa demeure gigantesque. Un jour passe un cirque. Il reconnaît dans l'écuyère la jeune fille qu'il aime en secret et qui a disparu depuis plusieurs années. Il apprend de la jeune femme qu'il est le père de ce jeune garçon qui joue déjà au clown. Quand la crise de 1929 éclate, le jeune homme rejoint sa petite famille et tous les trois partent sur les routes comme cirque ambulant.


Bon moi en fait j'avais la trouille que ce soit virtuose mais sinistre. Tout en reconnaissant l'immense talent, j'ai toujours eu du mal avec Tati, avec Cocteau, avec la poésie qui s'impose autoritairement dans une insistance hystérique, regarde-c'est-poétique-RESSENS-MA-POESIE-OU-CREVE, ce qu'on retrouve dans le comique pointu et raffiné qui montre les muscles de façon très "grossière" justement (chaque idée bien mise en avant, comme sur un présentoir). Par ce biais, généralement, je vois ressurgir toute l'imagerie "vieille France" honnie, évincée formellement des films pour mieux y revenir via la pose satisfaite...

Et y a quand-même un peu de ça : les accélérés, le montage son cartoon, il y a une panoplie de petits trucs qui tiennent à distance, qui font la démonstration de la virutosité du gag plutôt que de le laisser prendre effet en douceur. Je pense au déshabillage de la chaussure, par exemple, poussé à un souci du détail rare (tous les contre-champs sur les filles, hyper soignés), mais qui doit se coltiner la musique cliché qui va avec. Ou le père qui voyant qu'il n'y a plus rien pour poser son verre, le balance en arrière - geste désinvolte qui se voit appuyé d'un gros bruitage de verre cassé qui surligne bien... On peut y rajouter les lourdeurs "d'auteur" (les références ciné appuyés, le discours éléphant sur la télévision...), et plus généralement une très nette conscience qu'a Etaix de son inventivité.

Mais globalement quand même ça passe, ça fonctionne. Je ris pas concrètement (après je ris rarement devant une comédie), mais il y a une telle densité de gags (minimum un par plan), ceux-ci sont tellement liés au découpage, dans une précision tellement inédite dans l'Histoire du cinéma français, que cette générosité façon flot constant pallie ce qui pourrait ressembler à une certaine distance froide. Plus généralement, il y a un réel génie de mise en scène, au-delà du comique, qui me laisse à penser que le talent d'Etaix n'y est pas forcément exclusivement rattaché : dans les meilleurs moments, le film sait instaurer une vraie douceur, respirer un brin, se faire moins démonstratif. La petite ballade chantonnée par personne qui accompagne la famille sur les routes, l'onirisme d'un château bouffé par la végétation, le silencieux cortège de l'armée piégée qui s'en va au loin, le gamin qui se réveille dans une voiture éventrée par les branches et qui en cueille tranquille les cerises... Surtout, l'humour et les gags d'Etaix, aussi Tatiesques soient-ils, reposent j'ai l'impression sur un principe qui leur est réellement propre : le fait que tout dans ce monde communique, dans un échange constant. Le plan par exemple où, en soufflant la poussière de la cheminée on en défonce le marbre, qui provoque l'envolée d'une nuée d'oiseaux, qui se confondent avec le bruit du train dans lequel on vient d'atterrir : lorsque le film, même en dehors de tout volonté humoristique, se laisse porter par cette énergie là (quand on soulève en passant une chaise pour faire descendre le petit Yoyo de sa caravane, comme une petite attention discrète en passant), il trouve une fluidité et un apaisement qui atténue la possible froideur de l'ensemble.

Je fais la fine bouche, ca reste impressionnant, et je préfère direct ça à Tati. C'est le premier Etaix que je vois.

Auteur:  Marlo [ 24 Mar 2011, 23:46 ]
Sujet du message:  Re: Yoyo (Pierre Etaix - 1965)

Tom a écrit:
Bon moi en fait j'avais la trouille que ce soit virtuose mais sinistre. Tout en reconnaissant l'immense talent, j'ai toujours eu du mal avec Tati, avec Cocteau, avec la poésie qui s'impose autoritairement dans une insistance hystérique, regarde-c'est-poétique-RESSENS-MA-POESIE-OU-CREVE, ce qu'on retrouve dans le comique pointu et raffiné qui montre les muscles de façon très "grossière" justement (chaque idée bien mise en avant, comme sur un présentoir). Par ce biais, généralement, je vois ressurgir toute l'imagerie "vieille France" honnie, évincée formellement des films pour mieux y revenir via la pose satisfaite...


Ouhla, c'est assez n'importe quoi ça (quel est le rapport entre Cocteau et Tati ?). T'as jamais vu "Playtime" (666666666/6) toi, je me trompe ? Ce que tu reproche à Tati, ça ne vaut que pour "Jour de fête", et quelques scènes de "Mon Oncle", à la limite, pas pour le reste. Niveau génie de mise en scène, "Playtime" se pose bien, et niveau précision des gags, je pense pour le coup qu'il est laaaaargement supérieur à "Yoyo" (pour moi, la scène du "Royal Garden" de "Playtime" est simplement inatteignable). Bon le fait d'en parler me donne envie de le revoir, je vais faire ça tout de suite ! :mrgreen:

Allez tiens, un des meilleurs "gags" (même si c'est pas vraiment un gag en fait) du monde :
http://www.youtube.com/watch?v=UblJAEvHpu8

Ca faisait longtemps que je n'avais pas fait de lobbying pour "Playtime".

Auteur:  Tom [ 24 Mar 2011, 23:57 ]
Sujet du message:  Re: Yoyo (Pierre Etaix - 1965)

Marlo a écrit:
T'as jamais vu "Playtime" (666666666/6) toi, je me trompe ?

Et ben si, HA !
Playtime me fait l'effet de grand cinéma parce qu'il y a une ambition monstre, mais que les buildings aient pris la place du quartier populaire change rien à l'affaire : j'ai toujours autant l'impression d'un humour "en démonstration", à l'effet glacial - le rapprochement avec Cocteau il est là (la façon dont, dans ce que j'ai vu de lui, les inserts poétiques sont aussi mis en avant, posés dans un écrin, bref, dans la façon dont il fait le spectacle de ses idées). C'est certes assez injuste pour Tati, que comme j'ai dit j'admire et dont je reconnais le talent, mais ca m'a presque jamais touché pour ces raisons là, tout comme Cocteau ou quelques autres (c'est pas exclusif à Tati). Pour le coup ton extrait est très parlant sur ce qui à la fois m'impressionne et m'insupporte chez lui, d'ailleurs.

Après, d'accord pour le Tati précis (je voulais dire que c'était rare en général dans le ciné français, pas que c'était exclusif à Etaix).

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