SPOILERS.
J'ai bien aimé. C'est peut-être le fait de ne le découvrir que maintenant, mais j'ai pas du tout été gêné par le cachet 80, ou par l'impression de film qui aurait vieilli (ça me le fait de moins en moins d'ailleurs, c'était la même chose y a quelques mois avec Manhunter de Mann). Peut-être que c'est une vision déformée, mais j'ai vraiment le sentiment que Verhoeven assume et exploite complètement la laideur de ces années-là (qui sont déjà derrière lui), qu'il en fait un élément de son film : par exemple, dans les échanges du couple au tout début du film, j'ai l'impression qu'on explore la vision du couple telles que les pubs et certains films ont pu la définir durant cette décennie. Entre la laideur et la vulgarité traînante de la situation initiale, et la laideur exhibée et soulignée des bas-fonds de Mars, il y a un face à face fertile.
Verhoeven a pas la chair romantique : c'est concret, ça suinte, ça mute, ça saigne, c'est laid. S'il y a une dimension onirique à l’œuvre (le mars rouge-violet, qui semble être un gros néon de plus), le regard est d'abord matérialiste, ce qui est assez paradoxal pour de la SF, avec toujours ce rapport à la nudité et à la violence décomplexé, presque indifférent. Cette espèce de sécheresse se retrouve aussi dans ce scénar qui frappe très fort dès le début en coupant sous les pieds du spectateur la réalité de sa situation initiale, en atomisant l'image du couple heureux très rapidement. Pendant sa première moitié, le film parvient à toujours nous donner l'impression qu'on va tôt ou tard être à nouveau retourné comme une crêpe, qu'on va à nouveau nous remettre en question. Mais sur la fin, quand le film choisit à demi-mot l'option du "et si tout ceci n'était qu'un rêve", cette course de l'intrigue retombe de manière un peu molle. Globalement, une fois le couple parti à l'aventure sauver la planète, le film ne surprend plus des masses : l'impression que tout les éléments qui avaient été accumulés (sur ces corps difformes, sur la laideur du capitalisme de grand hôtel, sur l'incertitude du souvenir) méritaient un final autrement plus complexe et ambitieux.
C'est marrant, par ce côté très littéral / série B, par ses effets sommaires ou par l'acteur principal musclor un peu veau, puis par les thématiques forcément, ça m'a beaucoup fait penser à They Live! de Carpenter. Ça fait des années que la théorie célèbre le ciné des années 70, mais je commence vraiment à goûter au ciné US des années 80, à son efficacité cash, son côté basique et rudimentaire, sa capacité surprenante à raconter des histoires via l'imagerie Reagan la plus aseptisée.
Et le thème de Goldsmith est excellent, en passant.
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