Beau film en train de passer gentiment inaperçu, L’herbe du rat impressionne surtout par un érotisme que les circonstances forcent à dire sauvage, jouant immodérément du clair-obscur et du temps long des plans pour relever dans les corps le « noir mystère » et la seconde tremblante où tout se décide.
L’érotisme donc, et ses corollaires plus ou moins obligés : la mort, la photographie et la littérature, comme un poème surréaliste qui durerait 1h20 et n’aurait peur de rien, et surtout pas du kitsch ni du lyrisme, un peu comme le dernier Schroeter, le portugais en plus et les hululements crépusculaires en moins.
Mais comme on dit chez Studio, c’est un film « qui dérange à la fois par son côté expérimental à l’excès [va comprendre], sa surenchère de métaphores prétentieuses [une métaphore, ça n’existe que dans la tête du critique, si Bressane filme un rat caresser une femme, ça ne veut dire que ce que ça dit, et dans tous les sens] et son érotisme indécent [va comprendre]. » Sachant que le surréalisme sert aujourd’hui à légitimer n’importe quoi en général et les films belges en particulier, il n’est guère étonnant que ce film-ci, qui creuse le filon du côté du négatif, c’est-à-dire de la pulsion convulsive et de l’émerveillement délétère, fasse rire une époque qui n’aime rien tant que la psychologie de magazine et le romantisme scolaire. Tant qu’ils ont la bouche ouverte, crachez dedans, et puis courez au cinéma.
5/6