L'histoire de cinq prostituees et d'un homme poursuivis par la police dans les ruines du Japon de l'apres-guerre ou le marche noir est roi.
J’ai trouvé ça bouleversant, une espèce de perfection dans la concision émane de ce chef d’œuvre, je vais être concis moi aussi car je suis encore tout remué par le film.
Chez Suzuki il est toujours question d’entre deux, d’un positionnement complexe et perpétuellement altéré entre le classicisme nippon et la modernité, période de tournage du film. Jamais ce positionnement n’a été aussi clair et puissant que dans ce film, cela vient surement du fait que chaque élément de la matière du film vient renforcer cette idée ; le jour et la nuit, le réel brut et l’abstrait, le documentaire social et le film érotique sulfureux, les couleurs ternes et les couleurs vives, kitchs et criardes… Tous les personnages sont enfermés dans cet entre deux de la société japonaise au prise de l’impérialisme américain, chaque idée renvoie donc à la parabole politique.
Rien de plus logique dans cette atmosphère d’oppression que les personnages principaux soient des femmes, des prostituées qui refusent désormais toute reconstruction amoureuse et familiale, hormis une qui cherche la construction et non la reconstruction, jamais marié elle est prise par l’obsession du retour en arrière historique et social… Le personnage le plus dans l’entre deux donc, qui n’appartient ni à l’avant ni à l’après… Elle tombe dans ce groupe de femmes aux règles tyranniques, coucher sans se faire payer est interdit, l’amour est donc quelque chose d’interdit, reste que la passion frustré qui va donné lieu à un érotisme logique lié à la transgression de cet interdit. Pour radicaliser la passion il faut en passer par la peur. Un grand film sulfureux.
En clair le film est donc l’entre deux parfait entre La Rue de la honte de Mizoguchi, son approche du milieu de la prostitution pour une description de la société japonaise, et les films érotique de Tatsumi Kumashiro, Masaru Konuma et Noboru Tanaka ; une parfaite réunion de la transgression des « règles » de la représentation et du classicisme… C’est parfait car on a vraiment l’impression de faire face à un personnage qui rêve d’un retour au classicisme. Incarnation parfaite de la douleur d’un pays, incarnation pleine de rage et tristesse.
Mon film favori de Seijun à ce jour.
6/6
