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Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) https://forum.plan-sequence.com/oppenheimer-christopher-nolan-2023-t34092-60.html |
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Auteur: | Müller [ 31 Juil 2023, 10:26 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
Ouch. |
Auteur: | Baptiste [ 31 Juil 2023, 10:35 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
la définition même du traquenard |
Auteur: | Film Freak [ 31 Juil 2023, 10:51 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
Mdr c'est produit par Bataille et Fontaine ou quoi? |
Auteur: | Art Core [ 08 Aoû 2023, 09:55 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
Vraiment beaucoup aimé alors que le sujet me disait rien de spécial. J'ai absolument adoré le début, le montage impressionniste, les images abstraites, le montage déstructuré, je trouve dommage que le film abandonne ça assez rapidement pour une narration plus traditionnelle, je me suis mis à rêver à un biopic totalement déconstruit à la Munch de Watkins mais finalement ça ne sera pas tellement ça. Mais c'est tellement efficace, tellement profond dans l'écriture et tellement fascinant à l'image que ça ne fait rien et que je suis totalement emporté par ce (prévisible) autoportrait de Nolan en démiurge dépassé par sa propre création, qui va jusqu'à créer un véritable décor de cinéma en plein désert pour y assouvir sa soif de pouvoir (intéressant d'ailleurs comme on le voit peu à peu se détourner de la science pure pour ne devenir qu'un chef de chantier). Cependant comme beaucoup je trouve que ce qui succède à l'explosion de la bombe fonctionne vraiment, quitte à faire l'analogie, aux retombées radioactives sur le personnage. Intéressant mais forcément moins stimulant. Surtout qu'on comprend assez mal l'emphase mise sur ce personnage de Lewis Strauss ou du moins si on le comprend c'est plutôt maladroit (Nolan semble chercher à en faire le grand méchant du film). Ce qui reste c'est vraiment ce personnage absolument génial d'Oppenheimer où on aurait pu rêver meilleur interprète que Cillian Murphy tellement son regard glacial perdu et son physique frêle correspondent à ce que le personnage renvoie. Cette vie de regrets éternels où flottent dans son regard (notamment le génial dernier plan) une horreur indicible. La meilleure scène du film étant sans aucun doute celle du discours après Trinity avec les flashs qui viennent l'aveugler et les images d'horreur le hanter. On a vraiment le sentiment que c'est le climax donc je comprends que la suite peut décevoir ou du moins ennuyer (même si ce n'est pas mon cas). Mais ce qui m'a le plus passionné c'est encore une fois à quel point Nolan est en osmose avec son sujet, avec cette théorie de l'espace/temps. Tout le film est une étude là-dessus aussi bien dans son montage que dans ses décors où au désert de Los Alamaos succède cette petite pièce où il est interrogé comme son propre espace mental. La dialectique du corps et de l'abstrait (le sexe pour la première fois chez Nolan), le vent qui fait s'envoler le chapeau d'Einstein. Celle évidente également de la théorie et de la pratique. Tout cela s'incarne parfaitement dans la mise en scène du film, dans ce qu'il est décidé de montrer et comment. C'est vraiment passionnant, sans cesse stimulant. D'ailleurs une des obsessions du film qui revient souvent c'est ce gros pot de fleurs au milieu de la table lors de la rencontre des scientifiques avec Strauss. C'est un détail dérisoire mais Nolan insiste dessus à de nombreuses reprises, obligé de déplacer le pot de fleur (dont la forme peut évoquer le champignon atomique) pour pouvoir communiquer, pour pouvoir se regarder. J'ai adoré parce qu'au-delà su symbole il y a quelque chose de purement obsessionnel et impressionniste (on verra ce déplacement du pot de fleurs au moins trois ou quatre fois). La limite du film c'est aussi sa grande qualité, c'est que c'est purement nolanien et que le film en forme d'autoportrait peut déranger dans son discours finalement sur Oppenheimer lui-même assez attendu et pour le coup plutôt "standard". Un scientifique génial dépassé par sa création et qui vit une vie de regrets en devenant pacifiste. J'aime beaucoup l'acte initial de la pomme comme un avant-goût de ce qui arrive, où il y a un vrai trouble sur le personnage qui rêve de toute puissance mais j'aurais aimé que ça aille plus loin. Casting intégralement génial (meilleur rôle de Damon depuis longtemps, même si là encore je trouve le personnage trop sympathique) et si j'entends les critiques sur la misogynie présumée du film ou du moins sur le traitement des personnages féminins (Emily Blunt qui débarque dans la maison de Los Alamos et la première chose qu'elle dit c'est "il n'y a pas de cuisine"...) j'ai trouvé magnifique le personnage de Florence Pugh en une poignée de scènes. 5/6 |
Auteur: | Baptiste [ 08 Aoû 2023, 11:10 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
Art Core a écrit: si j'entends les critiques sur la misogynie présumée du film ou du moins sur le traitement des personnages féminins (Emily Blunt qui débarque dans la maison de Los Alamos et la première chose qu'elle dit c'est "il n'y a pas de cuisine"...) Perso je l'ai pris plutôt comme une description des rôles attribués de l'époque, pas comme un propos de Nolan... En réalité je vois mal comment on peut lui faire ce procès. Après c'est sûr que c'est un cinéaste qui met beaucoup en scène les hommes. Sinon bien vu le bouquet-champignon |
Auteur: | Art Core [ 08 Aoû 2023, 11:28 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
Oui mais la femme d'Oppenheimer était une brillante biologiste et c'est jamais vraiment dit. Même si elle montre beaucoup de force de persuasion dans la dernière partie, c'est un peu léger. |
Auteur: | Karloff [ 08 Aoû 2023, 11:55 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
Art Core a tout dit, il est le Nolan de ce forum. Bien vu, le bouquet, je le voyais plutôt comme un symbole féminin moi - et donc une critique des bonhommes qui se foutent sur la gueule. Dingue comme Pugh vole les scènes oui. |
Auteur: | Vieux-Gontrand [ 12 Aoû 2023, 21:34 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
J'ai mal dormi, la musique était trop forte Plus honnêtement, je suis mitigé, le film ne m'a pas semblé avoir d'idées de mise en scène particulièrement fortes, et repose beaucoup sur la musique, stridente, pour diriger le point de vue du spectateur (avec des effets prévisibles comme le silence assourdissant de l'explosion de Trinity, ou la texture de musique synthétique de film érotique M6 lors du dernier rendez-vous avec Florence Pugh). On n'échappe pas non plus aux travers du Wiki-film. Et un peu facile d'avoir ellipsé à l'image l'explosion d'Hiroshima, enfin bon je suis méchant là. Mais la dernière heure centrée sur le procès McCarthyste et le renversement politique infligé au personnage de Strauss, plus classique (Nolan laisse beaucoup de place aux acteurs qui assurent), m'a quand-même intéressé. J'ai l'impression qu'il y a de la part de Nolan une prise en compte, un peu bancale mais volontariste, de la crise ukrainienne, dans une optique plutôt pro-russe (ce qui est pour soi une mesure de défense ou un jeu de pouvoir national peut devenir une provocation ou une invitation a la surenchère de l'autre). L'argumentaire politique d'Oppenheimer rappele les analyses de Mearsheimer sur le déclenchement de la guerre actuelle, avec l'idée que l'on tend à confondre le cynisme machiavélien avec une idéologie, ce qu'il n'est, d'après eux, pas, il est à la fois en-dessous et au-dessus du politique, c'est un enfermement dans la moralité que l'on voudrait être un secret (car le seul fait d'avouer ses intérêts justifie la guerre, à la limite la parole est diplomatiquement plus grave que la violence intérieure à une société) face à la publicité du politique. J'ai aussi bien aimé l'idée que les personnages secondaires lâchent tout à coup Strauss (sans beaucoup de raisons, par scrupules) mais pour cela deviennent temporairement des premiers rôles, en braquant un peu le film, même s'il parodie alors Citizen Kane. La Classe Américaine n'est pas si loin lors des 10 dernières minutes (les plans qui éclaircissent le McGuffin du début où Einstein est totalement en mode monde de merde, voila le secret, mais ce presqu'amateurisme n'est pas antipathique). Reste une ambiguïté : à travers le personnage d'Oppenheimer le pouvoir politique ouvre sur les notions de fautes, de responsabilité et d'expiation, mais n'a pas pour autant réellement d'objet (la thèse du film est bien stabilotée : Oppenheimer est fort car il n'a pas d'idées, juste une identité : c'est Kagemusha, la peur en plus), d'où un décalage troublant en ce qui concerne Nolan : la mise en scène spectaculaire d'un propos au fond hyper-relativiste, où le lyrisme est simulé, ou plutôt invoqué (tel l'orage commode pour dramatiser la scène de l'essai avec pour seule conclusion un banal ça va bientôt s'arrêter au matin, c'est la saison). Il ne sert qu'à préparer et en même temps différer le jugement moral des personnages sur eux-même, qui est établi de manière particulièrement lapidaire (ce qui est le mérite du film) au moment où le film s'arrête. |
Auteur: | Vieux-Gontrand [ 13 Aoû 2023, 11:07 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
Pour le bouquet je ne crois pas qu'il s'agisse d'une métaphore du champignon atomique. Mais en le déplaçant Nolan abolit dans la scène une séparation entre avant-plan (acteurs principaux) et arrière-plan (personnages secondaires et observateurs, qui sont ici clairement les représentants du public dans le plan), impliquant tout le groupe et l'équipe de Fermi dans le choix de continuer le développement l'arme. A la fin du film, la démarche est inverse quand il s'agit de piéger Strauss : ses assistants opacifient les vitres de son bureau, derrière lesquelle se tiennent les journalistes, l'enferment dans l'avant plan - il est d'abord rendu invisible dans le plan par les personnages eux-même avant d'être politiquement annulé, comme si le film influençait par là l'histoire réelle. Je crois d'ailleurs que c'est le personnage de Rami Malek qui déplace ce bouquet lors de la scène où ils comprennent que l'URSS est dans la course, celui-là même qui décide de lâcher Strauss à la fin. Il y a un petit jeu où le contenu et les decisions politiques surgissent au moyen d'un changement d'orientation brusque imprimé par des personnages jusqu'ici traité comme des domestiques par les personnages principaux. C'est programmatique, car la toute première réplique qu' Oppenheimer adresse à Matt Damon remarque ce parti-pris narratif. C'est malgré tout un peu ambigu car ces personnages ont souvent une fonction de surveillance et de contrôle explicite - d'où une valorisation par Nolan d'un certain populisme technocratique - les personnages lâchent leur hiérarchie voire leur institution au nom de la vérité et de la décence morale, mais ne visent pas pour autant le pouvoir eux-même, et n'incarnent pas d'idéologie. Le personnage de Teller, le seul scientifique parmi eux, est le seul à payer moralement cette ambivalence. Par ailleurs en refusant les fleurs (et d'une façon générale, comme Oppenheimer, en refusant les intentions - possiblement révélatrices d' arrière-pensées auxquelles ils ne sont pas adaptés), le personnage de Florence Pugh indique qu'elle refuse aussi ce procédé de division puis de "division-fusion" de l'espace en cours de séquence (et par là-même qu'elle est trop "pure" pour être une espionne), sur lequel le film repose beaucoup. Par ailleurs elle subit les agissements des personnages cachés au fond du plan lors des scènes de filature. Plus profondément Nolan relie aussi honnêteté morale et phobie de recevoir (cf. le discours d'Einstein ou tout cadeau est une blessure pour l'autre et ne bénéficie qu'à celui qui le donne). La vérité se distribue, les intérêts s'échangent. Il y a pas mal de scènes dans lesquelles le deuxième personnage après Oppenheimer émerge brusquement des figurants, chez Chevalier notamment , ou de manière plus comique quand son premier étudiant Szilard, accomplit ce déplacement vers l'avant dans un lieu vide mais se retire aussitôt quand il comprend qu'il n'y a que deux personnes dans le plan (ce qui est compensé au plan suivant par une ellipse et un raccord sur une classe aux effectifs déjà bien nourris) - qui ont une importance dramatique, car Oppenheimer ne remarque pas trop Eltenton et échange très peu avec Fuchs, les vrais espions, qui sont en fait présentés au spectateur plutôt qu'au personnage. Le déplacement du bouquet est aussi peut-être tout simplement un gimmick pour que le spectateur repère l'importance de la scène. Strauss manipule l'existence de cette réunion pour insinuer que le refus de développer la bombe H était une stratégie faisant intentionnellement le jeu de Staline, d'autant mieux qu'Oppenheimer oublie de son côté beaucoup de choses, sur lesquelles le film boucle plusieurs fois. Il est vrai que les fleurs signifient alors l'explosion (le bouquet épanoui indique que la scène remonte à l'après-guerre et commande un flash-back dans le flash-back, venant de Strauss et traduisant sa vision, quand à l'opposé les quantités d'uranium à traiter sont figurées par des billes dans des vases vides, Oppenheimer n'agit que de façon prospective et n'a pas plus de passé qu'il n'a d'intérêts) mais de manière utilitaire et fonctionnelle, comme repères temporels plutôt que symboles de valeurs. |
Auteur: | Vieux-Gontrand [ 13 Aoû 2023, 15:53 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
Ce n'est pas tout a fait une mise en scène du devoir de mémoire, car c'est la mémoire fournie par le film qui devient elle-même la compensation d'une faiblesse morale (le film s'arrête lorsqu'Oppenheimer énonce un scrupule persistant, avec lequel il se confond comme le dit sa femme). Il y a bien une réplique (ou une prière d'Oppenheimer) à la fin du procès, avec l'avocat (qui osera montrer cette offense?), qui présente le film lui-même comme une réparation, qui déclenche d'ailleurs le retournement politique des assistants de Strauss. D'où l'impression assez étrange que le film médiatise en fait le réel et le jugement du présent pour ses propres personnages, là où on s'attendrait plutôt à ce que cela circule dans l'autre sens |
Auteur: | JulienLepers [ 14 Aoû 2023, 08:50 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
Bon, je suis un peu fort marri parce que je m'attendais au vu du sujet et après la bonne découverte de Tenet, sans compter que j'étais armé des textes en première page, à bien aimer le film mais ça n'était pas le cas. Un peu comme dans le premier message de Vieux-Gondtrand au-dessus (sans le paragraphe sur l’Ukraine où j'ai rien compris), j'ai trouvé que ça se basait beaucoup sur la zique et les bruitages et qu'il y avait un côté tout-ça-pour-ça à partir de l'inventeur de la Bombe A jusqu'aux horreurs du McCarthysme pour arriver à une vieille rancune de bureau. Oppenheimer est un film qui m'a foutu en apnée, j'avais l'impression d'être un de ces mannequins qu'ils utilisent pour les tests de bombe. Le casting est énorme, l'enjeu est énorme, la conclusion est énorme, la durée est énorme, le format est énorme. Les sous-titres auraient dû s'afficher en lettres géantes pour bien coller au reste. Mais cette frénésie d'infos, de plans, de lieux et de personnages m'a moins excité qu'abruti, et j'en suis sorti plus groggy que convaincu. Et puis, j'ai repensé au film plusieurs fois au cours de la semaine, particulièrement en comparaison avec d'autres œuvres, notamment le Barry Lyndon de Kubrick quant à l'opposition entre un réal démiurge supposé froid et intellectuel et la représentation de l'émotion (du désir et de l'amour notamment). Et en essayant de le replacer avec le reste de la filmo et son goût pour le jeu avec la temporalité, j'essaie de comprendre un peu son système. Bizarrement, le film de Nolan que m'a le plus rappelé Oppenheimer, ce n'est pas un qu'il a réalisé mais qu'il a produit, et pour lequel il a fourni l'histoire (et qui me semble plus proche de son style que de celui du réal) : Man of Steel. Dans les deux, on retrouve une narration éclatée entre le présent et le passé avec le parcours d'un héros de la nation qui doit accepté l'appel à utiliser ses dons pour le bien supérieur, malgré ses doutes, ceux de ses proches, et même ceux du gouvernement. Et si Superman finit en paix avec lui-même et devient le journaliste du Daily Planet que la tradition demande, Oppenheimer lui finit par contempler l'horreur qu'il a créé : la naissance d'un sauveur et celle d'un destructeur qui passent par des sauvetage et destruction dans les deux cas. La conclusion happy (Superman qui sourit) ou sad (Oppenheimer qui tire la gueule) tenant des conventions du genre auxquels leurs films respectifs se raccrochent in extremis. Mais dans les deux cas, ce qui m'a plutôt embrouillé, c'est que le parcours émotionnel du héros se déroule de façon classique alors qu'on place les événements dans le désordre : c'est-à-dire que si Superman ne se sent pas à sa place dans le monde des humains, on va voir un flash-back dans lequel le jeune Clark ne se sent pas à sa place au lycée ; son père adoptif lui demande de se planquer, on le voit se planquer ; à la fin, il accepte ses pouvoirs, le costume et devient le messie américain, et on aura un flash-back où son père adoptif lui dira "qu'il est appelé à faire de grandes choses" tandis qu'on voit le gamin avec une simili-cape faite à partir d'un drap familial, soit exactement l'inverse de ce que le précédent flash-back montrait : des parents adoptifs apeurés au fait que leur fils présente ses pouvoirs. Dans Oppenheimer, c'est un peu la même limonade. On suit un type qui part d'être un étudiant aux pulsions meurtrières à un scientifique qui va tout changer à un mec qui a fait une grosse connerie et qui s'en veut, tandis que tout le décorum politico-historique est lui dans le dawa complet (c'est ludique au début, mais 3h de Jeopardy sur le contexte des années 30, 40 et 50, comment te dire, Christopher...). D'où également la sensation qu'on évite de parler des choses qui fâchent ou qu'on les amoindrit (jusqu'à donner l'absolution à la punition du méchant via l'arrivée in extremis de Saint John Fitzgerald Kennedy, l'honneur des States est sauve) Et comme FF le rappelait en ouverture, il y a même une séquence où Oppenheimer endosse ses attributs vestimentaires classiques comme un super-héros endosserait son uniforme : ça doit être à peu-près au moment où Clark trouve le costume de Superman dans le vaisseau. Donc, ce que me semblent dire les films de Nolan en agençant de cette façon l'intrigue/ la raison, le parcours émotionnel/ la passion et le temps/le montage, c'est que l'émotion prédomine malgré tout sur la raison. Ce qui est étonnant vu que la réputation de ceux-ci a tendance a être l'inverse. On a toujours un parcours émotionnel du ou des héros qui avance à rebours de l'enchaînement rationnel d'événements, ou de façon éclatée, de façon à ce que la signification d'un moment vécu passe immanquablement par un souvenir précis. Pour Memento, c'est assez clair, le mec doit comprendre ce qu'il lui arrive mais tant qu'il n'a pas vu le film monté comme nous, il n'y comprendra rien ; pour la première partie de Batman Begins, chaque scène de l'entraînement de Bruce Wayne renvoie à un souvenir précis de son enfance (quand il est tombé dans la cave, quand ses parents se sont fait tuer, quand il s'est confronté à Falcone etc...) ; DiCaprio dans Inception résout son trauma littéralement en dormant, et où rêve et souvenirs se mêlent ; je ne me souviens plus trop d'Interstellar, mais quand même la 5e dimension c'est l'amour ; et dans Dunkerque, la cohésion nationale et humaine transcende les trois temporalités. D'où également le fait que Strauss reste bloqué à jamais sur plusieurs affronts (celui avec Einstein, et celui lors de la déposition) et qu'à chaque fois qu'il songe à Oppenheimer, ça lui saute à la gueule. D'où peut-être que je préfère aussi Tenet, puisque raison et émotion y vont de pair : vu que le parcours émotionnel du héros anonyme suit le déroulement de l'intrigue, puisque dans cette même intrigue il s'agit de repartir dans le film en sens inverse. Maintenant, pourquoi quelqu'un d'aussi attaché à l'implication émotionnelle fait des scènes de ménage ou de cul aussi tartes, c'est un autre sujet. |
Auteur: | Vieux-Gontrand [ 14 Aoû 2023, 09:31 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
Tu ne connais pas Mearsheimer ? Figure de l'école réaliste de politique internationale qui critiquait l'élargissement de l'OTAN depuis plusieurs années. Il y a un article de lui dans le Monde Diplomatique de ce mois-ci pour contrer la propagande de Kiev Sinon je voulais dire qu'il y a peut-être une analogie consciente chez Nolan entre l'argument d'Oppenheimer (avec lequel il semble s'identifier) Je ne développe pas la bombe à Hydrogène ce serait provoquer les Russes, pour moi c'est une arme défensive contre les nazis et on ne devrait pas proposer à l'Ukraine d'entrer dans l'OTAN, ce serait provoquer les Russes. Peut-être que les néo-conservateurs de la période Bush- Rumsfeld-Rice sont critiqués à travers le personnage de Strauss. J'ai l'impression que Nolan exagère un petit peu l'utilisation du reproche de ne pas développer la bombe H comme un alignement sur Staline (sans doute pour donner plus de poids au personnage de Teller). Comme il s'agissait d'un programme très coûteux, à la fois recherche et ingénierie, devant aboutir rapidement, Oppenheimer pouvait se défendre facilement sur ce point, en tout cas l'argument est faible. Et la question se posait de manière plus critique pour d'autres technologies (avions à réactions et missiles) où les USA étaient en retard . De plus il limitait aussi techniquement l'espionnage soviétique par son refus. |
Auteur: | JulienLepers [ 14 Aoû 2023, 10:22 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
Je pense que Nolan peut pas dire ouvertement ce qu'il pense sur le sujet, et qu'il était plus clair dans Tenet : "mieux vaut que ce soit nous (les gentils) plutôt que eux (les méchants) qui aient une arme de destruction massive." Le sentiment qui me reste après visionnage c'est que le film explique que : 1. la Bombe c'était une bonne idée si ça avait été utilisé sur les Nazis 2. C'est triste que les Japonais en ont pris deux sur le bec surtout parce que ça risque à nous (les gentils) d'arriver. Il met plein d'astérisques partout pour calmer le jeu (du type de la remarque en loucedé sur l'évacuation des Natifs de Los Alamos), mais c'est comme sa vision du McCarthysme : "oui, bon, ça a été une chasse aux sorcières dans un pays qui a ruiné des vies, mais en fait, c'était surtout le fait de jaloux et de menteurs et après y a eu Kennedy, donc tout est bien qui finit bien." Encore que, sur ce point, on sent qu'il fait aussi un parallèle avec la cancel culture : on ressort de vieux propos qu'on détourne, on demande de justifier toutes les actions d'une vie, on s’immisce dans des affaires privées et... mais attends voir, mon petit bonhomme... tu serais pas un peu de droite, Christopher ? C'est raccord avec The Dark Knight : "ce qu'il nous faut c'est un politicien qui inspire confiance, si possible blond aux yeux bleus" et "la surveillance c'est mal sauf si ça permet de repérer des terroristes", et sa suite : "occupy Wall Street, ça va cinq minutes" |
Auteur: | Vieux-Gontrand [ 14 Aoû 2023, 10:34 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
Je serai moins critique sur les intentions de Nolan. Je l'ai vu à Lille, et après 3 semaines il y avait pas mal de public, assez jeune. Même si son point de vue sur le McCarthysme est (forcément) partiel et réducteur, et déformé par des enjeux narratifs et projections, il transmet malgré tout quelque chose de cette histoire, complexe. Il decentre aussi un peu le focus sur la problématique politque de l'après-guerre qui est moins connue. En ce sens, même les aspects un peu naïfs du film (le début en mode documentaire National Geographic sur les Universités d'Europe, l'orage qui fait durer l'essai des plombes, ses hallucinations sur le flash, l'identification du point de vue de Strauss par le noir et blanc) se justifient. Honnêtement.qui connaissait le rôle de l'AEC et le personnage de Strauss (voire le rôle d'Oppenheimer) avant le film ? Il ne part pas non plus trop sur le hard science, mais perçoit que la subjectivité politique des scientifiques (ainsi que leur naïveté) peuvent être un problème et centre son film sur elle, ce n'est pas une démarche si simpliste que cela. |
Auteur: | Müller [ 14 Aoû 2023, 10:42 ] |
Sujet du message: | Re: Oppenheimer (Christopher Nolan, 2023) |
JulienLepers a écrit: Je pense que Nolan peut pas dire ouvertement ce qu'il pense sur le sujet, et qu'il était plus clair dans Tenet : "mieux vaut que ce soit nous (les gentils) plutôt que eux (les méchants) qui aient une arme de destruction massive." Le sentiment qui me reste après visionnage c'est que le film explique que : 1. la Bombe c'était une bonne idée si ça avait été utilisé sur les Nazis 2. C'est triste que les Japonais en ont pris deux sur le bec surtout parce que ça risque à nous (les gentils) d'arriver. Nolan n'a pas un propos original, ou plutôt personnel sur le personnage. Le film ne dit pas grand chose de plus sur Oppenheimer que ce qu'en disent les commentateurs et tisseurs de réalité qui en ont fait cette figure (faussement) ambivalente au fil des décennies. D'où en partie, je pense, tous ces efforts de mise en forme "nolanienne" là où n'importe quel autre réalisateur aurait fait du biopic à structure classique puisque tout a déjà été dit, et qu'Oppenheimer est une figure verrouillée culturellement pour les besoins d'un discours dominant dans lequel Nolan puise tout ce dont il a besoin (pour rappel, il adapte un livre). Et au passage, il me semble que les pertes civiles en Allemagne par bombardements sont au moins équivalentes à celles du Japon, et ce sans "l'arme absolue mais que contre les Nazis". |
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