dans l'absolu, je comprends pourquoi le milieu aime tant les biopics. ce sont des ip sans droits à payer, et ça a un intéret général : je suis bien persuadé qu'un peuple se soude autour d'une culture et de valeurs communes, et qu'une nation se construit autour d'une mémoire partagée et de ses grands hommes. par les temps qui courent, c'est évidemment utile donc, et je pense que les scolaires emmenés par paquebots entiers voir simone, ça a fait du bien au pays.
mais enfin, tout ça est quand même intrinsèquement chiant comme la mort, et il y a une poignée de contre-exemples pour montrer que ça peut donner quelque chose artistiquement, mais la forme hégémonique actuelle rend l'exercice assez impossible.
je voulais à la fois voir la forme actuelle du biopic à gros budget français, je connaissais au final peu l'abbé pierre à part les trois trucs évidents (emmaus, l'hiver 54, l'activisme jusqu'à la tombe), et je me demande comment le cinéma peut aider à réparer le pays autrement qu'en racontant la très sympathique histoire de migrants arrivant dans un village et contribuant à sauver le club de rugby local - sous la houlette d'un boomer un peu rustre mais au grand coeur, donc ça s'est imposé.
j'y ai un peu cru au début. j'ai bien perçu que le scénario enquillait des scènes assez vides et illustratives, mais la surenchère formelle faisait sympathiquement illusion : une photo tape à l'oeil mais qui tranche avec la platitude habituelle et plutôt belle, du fric partout ça permet une da soignée, et un style un peu michael mann - un peu terrence malick - c'est farfelu mais pourquoi pas, je me disais que le mec était fondamentalement conscient de la voie de garage artistique que constituent ces projets et avait décidé de forcer le destin.
puis non, en fait. la belle photo est toujours là, il essaye toujours de joliment filmer les choses, mais quand on rentre dans le vif du sujet ça devient tellement une caricature de ce qu'on pense avant de le voir que c'est impossible. il faudra à un moment arreter d'en faire une punchline éculée et qu'un journaliste se lance vraiment dans l'aventure, demande à une ia de lui écrire un scénario d'après 3 bouquins biographiques sur une personnalité, et comparer le résultat avec le biopic existant. et vraiment, je ne peux pas imaginer que ce sera très différent de ce truc : une fiche wiki enchainant les dates et les gros événements, racontés dans des scènes courtes, sans aucune sorte de vie, totalement illustratif et sans âme ni nuance ni complexité.
à part le fait qu'il a ken, on ne sait fondamentalement rien de lui, de sa personnalité, de ses failles, rien, aucun ajout par rapport au personnage médiatique, aucun insight, rien.
aucune contexualisation politique ou sociale, on est dans l'aventure d'un seul homme.
aucun élément ni sur sa foi, ni sur l'importance de l'eglise catholique dans la charité française (on a l'impression qu'il a inventé le concept là), aucune allusion à cette tradition des prêtres rouges qui ont joué un rôle important et ont quasi totalement disparus.
bref, aucun des thèmes induits par l'histoire ne sont traités, pour se concentrer sur un portrait naturellement hagiographique, se concentrant donc sur ce qu'on sait globalement déjà - je n'ai appris qu'une petite poignée de choses alors que je ne savais quasiment rien.
je pourrais citer d'autres problèmes - ces scènes courtes et n'ayant aucun rapport avec la réalité tellement elles réduisent de grands mouvements en 4 phrases de dialogues font que tout sonne globalement faux, comme ces plans très courts au début où aucune vie n'est captée tant tu sens le geste précis fait en 20 secondes entre action et coupé mais n'ayant aucun mouvement autour. le maquillage de lavernhe vieux est assez spectaculaire - il lui ressemble vachement ! - mais sinon il est assez ridicule et en fait des caisses, la musique pompière on dirait une blague, et les petites excentricités stylistiques qui apparaissent une seule fois au bout d'1h20 de film c'est rarement heureux (un split screen qui sort de nulle part, des gros titres de journaux en surimpression sur l'image...).
je vais regarder hiver 54 pour me confirmer ou m'infirmer mon intuition que se concentrer sur un seul événement, une seule période est beaucoup plus porteur - la comparaison sera intéressante. ici l'hiver 54 c'est 11 minutes de film dans une succession de plans et de scènes caricaturales et vides, c'est impossible.
enfin bon bref les biopics c'est pas mon truc.
