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Chien enragé (Akira Kurosawa, 1949)
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Auteur:  Film Freak [ 29 Juin 2024, 13:06 ]
Sujet du message:  Chien enragé (Akira Kurosawa, 1949)

aka Stray Dog aka 野良犬 (chien errant)

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Dans le Japon d'après-guerre, un policier se fait subtiliser son arme. Son supérieur refuse sa démission et l'envoie à la poursuite du malfaiteur. Il mène son enquête dans les bas-fonds de Tokyo, où il côtoie la misère d'une population qui survit difficilement à la défaite de son pays.

L'âge d'or du film noir se termine à peine que Kurosawa en propre presque une interprétation post-moderne, sans détournement conscient de soi mais avec une vraie réflexion sur les archétypes du genre. J'ai toujours trouvé que Seven prenait la dynamique du buddy movie pour en faire une étude de points de vue dépassant le cliché de caractérisation et Chien enragé est un peu le proto-Seven.

L'enquêteur ici est pétri de culpabilité, sans cesse bienveillant, et même empathique avec son ennemi. La femme fatale ne l'est pas, c'est plutôt une victime, comme toute cette génération "d'après-guerre", terme cité dans le texte (et en français). L'habileté du scénario est de commencer presque in media res et de se faire des plus engageantes dans la première heure, à courir derrière le coupable, pluriel, et à remonter la piste d'un flingue perdu qui n'est qu'un pur McGuffin et l'enquête un prétexte forçant le protagoniste et le cinéaste à plonger dans la réalité du Japon de l'époque où, comme le révèle petit à petit la deuxième moitié, un même profil - vétéran de la guerre en l'occurrence - peut aisément basculer d'un côté de la loi comme de l'autre au vu des circonstances.

Et ça, ce n'est que le premier niveau de lecture. Une fois de plus, on peut projeter sur la culpabilité du héros et sur l'objet de ses recherches les analogies idoines à l'implication du pays dans la guerre et la quête effrénée du personnage se nappe d'une dimension autrement plus tragique au fur et à mesure qu'il énumère les balles venant de son arme ayant blessé des gens, comme un compte à rebours funeste et inéluctable, sa faute semblablement irrattrapable, inexpiable.

Comme ses modèles, Kurosawa témoigne de l'influence de l'expressionnisme allemand mais marque également l'esthétique de son empreinte, tant dans l'usage de la nature (le climat caniculaire étouffant, ce plan où le ciel domine les deux flics de ses nuages prêts à éclater, la poursuite finale et catharsis dans un espace vert) que dans ses compositions de cadre à trois personnages avec une forte profondeur de champ, gardant nets chaque acteur de la scène, chaque agent du nœud dramatique qui se joue, qu'il soit observateur ou interrogateur, qu'il fasse face à la vérité ou qu'il lui tourne le dos. C'est vraiment de la belle mise en scène.

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