1941. suite à l'assassinat d'un officier allemand par un jeune militant communiste, pierre pucheu, le ministre de l'Intérieur auquel les pleins pouvoirs viennent d'être attribués, tente de faire voter une loi d'exception pour juger six autres militants...
mon dieu mais quel smash.
très amusant que je l’ai vu, par total hasard, la même semaine que le procès des 7 de chicago, parce que c’est plus ou moins le même film mais en corrigeant tout ce que je n’ai pas trop aimé.
déjà, de fait, c’est l’histoire française, donc ça m’intéresse plus. avec des petits trivias marrants : ça parle de l’acte de resistance / attentat commis par pierre georges, militant communiste plus connu sous le nom du « colonel fabien ». comme la place du colonel fabien donc, et « fabien » comme le prénom de l’actuel dirigeant du parti communiste nommé ainsi en hommage. et ça parle du procès bidon qui a suivi, qui a notamment condamné lucien sampaix, qui a plein de rues à son nom en France.
et plus largement, ça raconte la « section spéciale », une parodie de justice contrevenant à tous les principes du droit pour condamner les résistants (ou faire semblant de…) pendant l’occupation. le film suit une affaire spécifique, et on a donc toute une machine politique puis judiciaire qui se met en branle, l’instrumentalisation de la deuxième par la première, les rouages institutionnels et humains. et le tout aboutit vraiment à un truc totalement indignant mais au nom de la raison d’etat.
et mes griefs contre chicago sont tous absents ici. Il montre précisément les rouages de la machine. il a un regard acéré et sévère, mais il ne désigne pas *un* mec comme le mal : il montre un vaste chaine de collaboration (pun intended) chacun ayant ses motivations, certains font le mal en pensant agir au nom du bien, certains en se persuadant, certains sans vraiment se poser de questions, certains au nom d’un principe supérieur d’obeissance à l’état, certains dans un but politique affirmé et assumé. le scénario est construit sur ces successions de réunions où les décisions se prennent, descendent hiérarchiquement à condition que chacun y consente, dans des batiments officiels prestigieux, jouant sur le contraste entre ces lieux prestigieux et les comportements mesquins et terriblement humains dans ce qu’il y a de plus médiocre.
c’est d’une violence et d’une intelligence terrible, et ça parle évidemment d’un moment très spécifique, mais ce que ça dit et ça montre sur la réalité du pouvoir (et du devoir) est totalement intemporel, et tellement français dans le fonctionnement de l’appareil d’état qu’on ne doute pas que – sans comparer les faits en soi – il est évident que tant de choses continuent de se passer comme ça.
parce que un axe fondamental est bien l’"état de droit", le fonctionnement de la justice, les hommes qui jugent. c’est assez dévastateur, tant ça montre que tout ça est quand même une vaste blague à laquelle chacun se persuade de croire, l’instrumentalisation de tous les concepts pour satisfaire ses intérêts immédiats, le droit comme une pâte à modeler à qui on fait dire ce que l’on veut. là encore, sans comparer les choses, je n’ai pu m’empêcher de penser à des décisions récentes du conseil constitutionnel très manifestement dictées par le gouvernement au nom de principes de droit tordus dans tous les sens jusqu’à dire n’importe quoi.
c’est donc totalement passionnant, hyper intelligent, ça questionne mille chose. ça a eu le prix de la mise en scène à cannes 1975 (j’ai regardé la compet du coup, y a beaucoup de choses très très obscures c’est amusant) et c’est bien mérité. smash de mise en scène complet, entre les plans splendides, les quelques audaces stylistiques subtiles et payantes, les cadres hyper intelligents et réfléchis, la traduction visuelle des idées du scénario, des trucs de mise en scène hyper violents et intelligents, tout ça n’est pas tape à l’œil mais vraiment incroyable.
un dernier mot sur les acteurs, mélange d’inconnus parfaits et d’acteurs 70s parfaits (cremer hyper charismatique, pieplu médiocre, lonsdalle puissant…).
vraiment adoré, qui gon tu aimeras beaucoup aussi. c’est sur netflix.