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Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)
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Auteur:  Film Freak [ 12 Juin 2024, 09:31 ]
Sujet du message:  Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

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Pour retrouver les braqueurs responsables de 26 attaques de banques, Johnny Utah, jeune inspecteur du FBI inexpérimenté et naïf, s'infiltre dans le milieu des surfeurs de Los Angeles.

Comment se fait-il qu'il n'y ait pas encore de topic pour ce film pourtant culte pour beaucoup?

Et surtout, comment se fait-il qu'il n'ait jamais été culte pour moi?

Comment ai-je pu passer à côté tout ce temps?

J'ai dû découvrir le film trop tard, du moins plus tard que les fleurons de la même époque qui eux sont entrés dans mon panthéon personnel, et j'ai dû lui redonner une chance il y a une vingtaine d'années sans être davantage convaincu par ce que je me souvenais être un polar un peu bateau en dépit de son délire surfeur (que je trouvais peut-être même vaguement ridicule).

Et bien j'étais complètement à côté de la plaque.

SPOILERS DE PARTOUT

Dès le départ, durant ce générique qui monte en parallèle des images au ralenti et contre-plongée des prouesses de ces figures chevauchant les vagues sur leurs planches et la violence frontale de l'agent du FBI tirant vers l'objectif pour dézinguer des cibles en cartons, Bigelow annonce la couleur de son programme, thématique comme esthétique. Elle nous présente deux rushs d'adrénaline mais sublime la liberté de l'homme dominant la nature d'un côté en lui opposant de l'autre la brutalité de celui qui abat des silhouettes factices.

Tout le parcours du protagoniste va consister à se défaire de ce conditionnement par l'autorité qui se manifeste de façon agressive pour atteindre la paix. Les meilleurs films de flic undercover me semblent être des histoires de quête identitaire. Et Point Break est moins l'histoire d'un flic enquêtant sur des braquages que celle d'un homme appelé à rejeter les normes sociales. C'est Fight Club avant l'heure en fait.

D'ailleurs, on peut aisément voir une lecture crypto-gay dans la relation entre Johnny Utah et Bodhi. On va pas ressortir l'analyse de Top Gun par Tarantino à chaque film de mecs de cette époque mais prendre l'acteur de My Own Private Idaho, lui donner une cible amoureuse au prénom unisexe - Tyler - et à l'allure androgyne et bâtir le récit autour d'une conversion à un mode de vie défiant les conventions, ce n'est certainement pas innocent de la part de Bigelow qui a fréquemment exploré la masculinité et les mondes d'hommes au cours de sa filmographie. En un sens, elle rejoue l'intrigue de Near Dark, remplaçant les vampires par des surfeurs et si le caractère charnel inhérent à la figure du suceur de sang n'est plus là, chaque excursion majeure dans laquelle Bodhi entraîne Johnny fait figure de coït à peine masqué, résultant à chaque fois en un orgasme pour Johnny. La description que fait Tyler de la façon dont le visage habituellement renfrogné de Johnny s'est soudain détendu après la session nocturne où il réussit enfin à surfer, c'est celle d'un dépucelage et le post-atterrissage du dernier saut en parachute voit nos deux personnages masculins se dépatouiller douloureusement du parachute comme d'une couverture, Johnny disant un truc genre "damn, Bodhi". Et la célèbre séquence où Johnny tire en l'air de frustration après avoir coursé Bodhi, j'en parle même pas, je pense que c'est assez clair.

Mais même sans ce sous-texte, le propos plus ou moins tacite du film me paraît assez évident, il est globalement verbalisé par Bodhi, dont le nom choisi (littéralement "éveil") est déjà suffisamment évocateur, comme les masques d'anciens Présidents qu'ils arborent pour voler de l'argent. Il fait rimer la liberté ressentie dans son sport avec son affranchissement du système. Lors du saut en parachute, le rapport au divin est évoqué, trivialement par l'un des autres membres ("Baiser avec les dieux! Y a rien de mieux!") et plus justement par Bodhi, qui dit qu'il n'y a rien de plus proche pour se sentir comme un dieu. En face, on a le supérieur de Johnny et Pappas au FBI, Harp (le toujours excellent John C. McGinley) qui est caractérisé de bout en bout comme l'incarnation humaines des règles, rigides et restrictives (interdisant même à ses employés de consommer du sucre, de la caféine ou du tabac). C'est ce système que doit quitter Johnny, ce monde de lois et de bureaux. Évidemment, comme dans Fight Club, le mentor finit par aller trop loin - tuer, c'est mal - mais, in fine, notre héros enlève son costard et jette son badge.

Invariablement, d'un point de vue formel, les scènes de surf et de voltige jouissent d'une illustration élégiaque (les nappes musicales planantes de Mark Isham jouant également leur rôle). Bigelow met en scène l'épanouissement du protagoniste et la communion avec la nature avec une qualité sensorielle qu'elle laisse naître de la durée tandis que les séquences au FBI sont des walk and talk nerveux et les scènes d'action (l'assaut de la maison, la course-poursuite) sont filmées à l'épaule, délibérément pas complètement stabilisées par Steadycam, et bien plus découpées, la violence du montage épousant celles de la scène.
D'ailleurs, alors que je m'attendais à un film encore marqué du fer rouge des années 80, comme beaucoup de films sortis au début des années 90, il se trouve en réalité à la charnière : la photo est incontestablement '80s (la fumée diffuse pour donner du poids à l'image dans certaines scènes, c'est a-bu-sé) mais la réa et le montage n'ont pas pris une ride.

Vraiment une incroyable redécouverte, dans la grande salle de l'UGC Normandie qui plus est. C'est mortel.

J'avais déjà prévu de découvrir The Loveless et Blue Steel (vu à moitié seulement) et de redonner une chance à Zero Dark Thirty lors de la rétro annoncée pour cet été à la Cinémathèque (et visiblement disparue des radars) mais maintenant je suis chaud et je me dis que je devrais limite même revoir ses films moyens des années 2000.

Auteur:  Mr Degryse [ 12 Juin 2024, 09:53 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

Tu fais plaisir.

Toujours aimé ce film découvert en salle à l'époque et déjà apprécié dès cet instant contrairement à toi. Je l'aurais bien revu sur grand écran.

Auteur:  Z [ 12 Juin 2024, 09:58 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

6/6 depuis longtemps, mais que j'aime davantage à chaque vision ; du pur cinéma, déployé sur nombre de séquences dynamiques, avec ce qu'il faut d'humour, d'ellipses, de grinta, de gravitas... Dans mon panthéon personnel du film d'action, avec T2, Speed, Die Hard et quelques rares autres.

Auteur:  Qui-Gon Jinn [ 12 Juin 2024, 10:06 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

Film Freak a écrit:
Et bien j'étais complètement à côté de la plaque.
Vraie question qui a l'apparence d'une blague mais qui est une vraie question: t'interroges-tu sur ces moult changements dans ton "biais de perception" qui ces derniers temps semblent arriver en cascade, et si oui les attribue-tu à un changement plus profond chez toi, et si oui lequel ?

Auteur:  bmntmp [ 12 Juin 2024, 10:07 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

J'avais bien (beaucoup) aimé le film mais c'est chaud de le prendre autant au premier degré.

Auteur:  Film Freak [ 12 Juin 2024, 10:16 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

Qui-Gon Jinn a écrit:
Film Freak a écrit:
Et bien j'étais complètement à côté de la plaque.
Vraie question qui a l'apparence d'une blague mais qui est une vraie question: t'interroges-tu sur ces moult changements dans ton "biais de perception" qui ces derniers temps semblent arriver en cascade, et si oui les attribue-tu à un changement plus profond chez toi, et si oui lequel ?

Better media literacy sans doute, maturité également notamment politique, goûts qui changent...y a souvent 20 ans de différence.
Et peut-être que j'apprécie davantage les détails dans des films plus classiques et que je suis moins à la recherche du concept original.

bmntmp a écrit:
J'avais bien (beaucoup) aimé le film mais c'est chaud de le prendre autant au premier degré.

Tu vois, lui il a zéro media literacy par exemple.

Auteur:  bmntmp [ 12 Juin 2024, 10:25 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

Film Freak a écrit:
Qui-Gon Jinn a écrit:
Film Freak a écrit:
Et bien j'étais complètement à côté de la plaque.
Vraie question qui a l'apparence d'une blague mais qui est une vraie question: t'interroges-tu sur ces moult changements dans ton "biais de perception" qui ces derniers temps semblent arriver en cascade, et si oui les attribue-tu à un changement plus profond chez toi, et si oui lequel ?

Better media literacy sans doute, maturité également notamment politique, goûts qui changent...y a souvent 20 ans de différence.
Et peut-être que j'apprécie davantage les détails dans des films plus classiques et que je suis moins à la recherche du concept original.

bmntmp a écrit:
J'avais bien (beaucoup) aimé le film mais c'est chaud de le prendre autant au premier degré.

Tu vois, lui il a zéro media literacy par exemple.



Comment expliquer que ce que tu as mis des années à comprendre, je l'ai compris d'emblée à la vision du film ? Après, en faire l'équivalent d'un Fight Club, c'est juste renvoyer le film dans les cordes d'un cinéma immature typique des 90's ; s'il s'agit de voir dans les deux films une apologie de Tyler Durden ou de Bohdi (qui irait juste trop loin) de leur ethos/lifestyle par rapport aux misérables pions, et s'ébaubir d'un peu d'homoérotisme, eh bien ça ne va toujours pas très loin et la media literacy est encore lacunaire. Si tu veux défendre les films, faut suggérer qu'ils sont plus compliqués que ça (critique de la masculinité et en même temps un tableau nuancé etc), ou plus simples (bon film d'action).

Auteur:  Film Freak [ 12 Juin 2024, 10:33 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

bmntmp a écrit:
Comment expliquer que ce que tu as mis des années à comprendre, je l'ai compris d'emblée à la vision du film ?

Cool. Mais je n'avais globalement jamais vu ces thématiques évoquées par ceux qui parlaient du film, le réduisant globalement à un excellent film d'action.

Citation:
Après, en faire l'équivalent d'un Fight Club, c'est juste renvoyer le film dans les cordes d'un cinéma immature typique des 90's

Le rejet des normes sociales est-il forcément signe de puérilité? Vous avez 4h.

Citation:
s'il s'agit de voir dans les deux films une apologie de Tyler Durden ou de Bohdi (qui irait juste trop loin) de leur ethos/lifestyle par rapport aux misérables pions, et s'ébaubir d'un peu d'homoérotisme, eh bien ça ne va toujours pas très loin

Alors relever l'homoérotisme et s'ébaubir, c'est pas la même chose. Merci de ne pas caricaturer mon message pour servir ton argumentation stérile.

Citation:
et la media literacy est encore lacunaire.

Éclaire-nous le khâgneux.

Auteur:  karateced [ 12 Juin 2024, 10:45 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

Vrai film de coeur, avec du coeur. Je l'aime d'amour ce film.

Auteur:  Arnotte [ 12 Juin 2024, 11:27 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

non rien

Auteur:  Müller [ 12 Juin 2024, 11:36 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

Film Freak a écrit:
Citation:
Après, en faire l'équivalent d'un Fight Club, c'est juste renvoyer le film dans les cordes d'un cinéma immature typique des 90's

Le rejet des normes sociales est-il forcément signe de puérilité? Vous avez 4h.


Oui.

Auteur:  Film Freak [ 12 Juin 2024, 11:37 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

Toi ça se voit t'as jamais surfé.

Auteur:  Müller [ 12 Juin 2024, 11:38 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

Franchement, si j'habitais en bord de mer je m'y serais mis.

Auteur:  Déjà-vu [ 12 Juin 2024, 13:26 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

Film Freak a écrit:
les séquences au FBI sont des walk and talk nerveux

D'ailleurs quand Reeves arrive, McGinley fait littéralement le tour des bureaux pour rien, c'est abusé.

Auteur:  Film Freak [ 12 Juin 2024, 13:30 ]
Sujet du message:  Re: Point Break (Kathryn Bigelow, 1991)

Le tour du propriétaire, on va dire. Mais effectivement.

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