Forum de FilmDeCulte
https://forum.plan-sequence.com/

We're all going to the world's fair (Jane Schoenburn, 2021)
https://forum.plan-sequence.com/all-going-the-world-fair-jane-schoenburn-2021-t35091.html
Page 1 sur 1

Auteur:  Art Core [ 10 Juin 2024, 16:15 ]
Sujet du message:  We're all going to the world's fair (Jane Schoenburn, 2021)

Image

C'est en découvrant la réception très positive du nouveau film de Jane Schoenbrun, I saw the TV glow que j'ai voulu rattraper son premier film, pas distribué en France (ni en salles, ni sur une quelconque plateforme). On est dans cette mouvance du cinéma d'horreur qui dépasse l'elevated horror pour aller plus radicalement vers le experimental horror à l'image de son illustre mètre étalon Skinamarink (on peut aussi penser à The Outwaters). Un cinéma d'horreur au récit minimaliste qui travaille la peur comme matière première plastique. Alors je n'aime pas beaucoup Skinamarink et ce film ci est quand même largement moins radical mais ça reste une expérience un peu abrasive et pas forcément évidente à cerner de prime abord.

Une jeune fille que l'on comprend rapidement seule et déprimée décide de participer à un challenge sur internet qui est supposé provoquer des modifications physiques et/ou mentales. Le film encapsule de manière très juste une véritable génération internet, que l'on pourrait rapidement appeler millenial mais qui semble ici plus sombre, les milleniale emo renfermés sur eux-mêmes. Cette jeunesse solitaire qui a grandi avec un écran devant les yeux et qui a appris à vivre uniquement à travers ce prisme renforcé évidemment par le confinement et qui est sans cesse à la bordure de troubles mentaux plus ou moins importants.

Ici le film oscille entre images filmées par le personnage principal, des vidéos internet où elle se filme d'abord faire ce challenge (première scène) puis où elle décrit plus ou moins ce qu'elle traverse, des images de vidéos youtube (le film là encore traduit extrêmement bien le côté "feed" avec ces enchaînements de vidéos vaguement liées entre elles, comme des portes d'entrées dans des intimités multiples) et des images de film plus traditionnelles (mais finalement assez rares). Le côté horreur est intimement lié là aussi à toute une mythologie internet, que personellement je maîtrise assez peu, les fameux "creepypasta" ce genre de légendes urbaines diffusé sur internet et qui prennent de plus en plus d'ampleur au fil du temps. Là le fameux challenge devient une espèce de récit mythologique avec ces règles, son lore, ses fictions etc... Du coup tout le film n'est que la synthèse finalement de ce que cherche le personnage principal. Se plonger dans une fiction horrifique au point d'y croire totalement pour essayer d'échapper à son quotidien maussade (une Amérique rurale profonde, mère absente, un père que l'on n'entendra que hors champ et que l'on ne verra jamais). Et ça c'est assez passionnant parce que le film nous interroge nous, peux-t-on finir par y croire.

Il y a quelques moments de flippe assez perturbants et je dois au film un des plans qui m'a fait le plus peur depuis très longtemps, un plan tout simple pourtant mais j'étais tétanisé
le personnage se film en train de dormir et soudain on la voit bouger, ouvrir les yeux et faire un sourire totalement dément.


Mais le film est très chiche en effets et le concept initial s'avère finalement plutôt décevant. Le personnage décrit des choses qu'elle ressent (donc que l'on ne voit pas) et on comprend finalement assez vite de quoi il s'agit (sous couvert d'un challenge internet elle s'enfonce dans une profonde dépression avec des troubles mentaux de plus en plus dangereux). Et je n'ai pas aimé la storyline sur le mec qui la trouve sur internet et qui prend soin d'elle. Je trouve que ça fonctionne pas très bien (la révélation finale tombe un peu à plat, surtout que le film n'a fait que jouer sur le mystère de ce qui allait se passer).

Bref c'est vraiment une expérience, le film est court même si assez lent et qu'il ne s'y passe quasiment rien (il n'y a que deux personnages de tout le film) et je trouve qu'il est assez passionnant dans ce qu'il raconte de l'époque, d'une certaine jeunesse contemporaine même si l'exécution n'est pas totalement réussie. Très curieux de voir son nouveau film.

4+/6

Auteur:  Müller [ 10 Juin 2024, 19:29 ]
Sujet du message:  Re: We're all going to the world's fair (Jane Schoenburn, 2021)

Nouvelle mouvance qui prend de l'ampleur petit à petit, avec plus ou moins de pertinence et de réussite. A force de m'y frotter, au moins autant par obstination que curiosité et malgré mon indulgence, j'en arrive à boucler la boucle de ce que je savais déjà : les creepypasta qui servent d'inspiration à ces jeunes auteurs sont toujours plus flippants que leurs films. La mise en forme filmique de ce lore lui-même inspiré des aspects les plus ludiques, ou en tout cas exploitables comme bases à une oeuvre de fiction, de toutes sortes de théories du complot, en atténue forcément l'impact pour une raison toute simple : être spectateur d'un film avec tout ce que ça implique comme attentes (formelles, narratives), et quand bien même ces attentes seraient subverties par une forme radicale (typiquement Skinamarink, qui ne fonctionne pas vraiment), est quasiment à l'opposé de l'effet escompté (trouble, malaise, familiarité nostalgique d'éléments non-cinématographique, impression de débordement/faux souvenir etc.) par cette sous-culture d'internet. Quand c'est sous forme de texte, c'est lu (donc pas regardé) avec le contrat tacite, pour que le texte fonctionne, qu'on se mette en mode "faisons semblant que c'est vrai" (procédé auquel le cinéma ne peut prétendre que péniblement avec le found footage qui ne fonctionne jamais aussi bien qu'avec le texte). Quand c'est sous forme de vidéo, c'est tellement anti-narratif qu'on est encore une fois aux antipodes de l'effet d'un film (Gemini Home Entertainment, c'est vraiment ce que j'ai vu de plus flippant en la matière, voici le lien du premier volet : https://www.youtube.com/watch?v=vyDvpwpRPM4&t=307s). La vraie experimentation horrifique n'a plus lieu au cinéma.

Bref, je l'ai pas vu celui-là, mais de ce que tu as l'air de dire sur l'aspect métaphorique d'une adolescence perturbée et isolée, je pense que je me contenterai de ton avis.

Auteur:  Déjà-vu [ 15 Juin 2024, 09:39 ]
Sujet du message:  Re: We're all going to the world's fair (Jane Schoenburn, 2021)

I Saw the TV Glow est dispo.

Auteur:  Film Freak [ 15 Juin 2024, 09:59 ]
Sujet du message:  Re: We're all going to the world's fair (Jane Schoenburn, 2021)

Y a deux séances au Champs-Elysées Film Festival semaine qui vient.

Auteur:  Film Freak [ 20 Juin 2024, 11:35 ]
Sujet du message:  Re: We're all going to the world's fair (Jane Schoenburn, 2021)

J'avais eu vent de la sortie US du film il y a deux ans via un ou deux critiques que je suis et je n'avais pas tout de suite capté qu'il s'agissait du premier long de l'auteurice derrière I Saw the TV Glow dont la réputation en festivals est des plus flatteuses.

Tout en craignant le Skinamarink bis, j'étais très curieux de voir cette première exploration dans le monde des écrans - en vrai, la deuxième, iel avait déjà réalisé un documentaire sur la figure du SlenderMan - et si l'expérience de manière générale n'a pas marché sur moi d'un point de vue purement sensoriel, je trouve très pertinent et très actuel ce que raconte le film sur la jeunesse d'aujourd'hui (boomer alert).

Je ne connais virtuellement rien au phénomène des creepypasta au-delà de leur concept mais cette arène n'est finalement qu'un tremplin pour parler du rapport que l'on peut entretenir avec internet, ce réseau paradoxal qui nous connecte au vaste monde autant qu'il nous isole. L'héroïne du film erre seule dans des espaces vides et des cadres larges, que ce soit en intérieur ou en extérieur, que la caméra soit diégétique ou non, dans un univers semblablement désert (où le père n'est qu'une voix - une seule réplique même - désincarnée hors champ et oppressante), et telle une princesse Disney dans sa première chanson, verbalise son désir via la formule répétée, à la Candyman sauf que le miroir est l'image selfie d'une webcam, "I want to go to the World's Fair". Une envie de rejoindre le monde, une envie de faire comme tout le monde, quitte à simuler les effets paranormaux supposés que le jeu est censé avoir sur le corps, quitte à se mettre en scène, comme toute la génération YouTube/TikTok (le sous-texte "identité de genre" est également indéniable quand on sait que Schoenburn est une personne trans non-binaire). Elle ira même jusqu'à parler avec une autre âme en peine, potentiellement nocive, pour surmonter cette solitude étouffante (la scène de la vidéo ASMR projetée en grand est d'une tristesse sourde).

À ce titre, le dispositif de mise en scène est tout à fait adéquat. Il finit par me lasser, parce que c'est pas ma came, mais il demeure approprié et par moments efficaces (un effet de peur excellent qui est à peu près l'antithèse du jumpscare, on est en plein large, l'horreur naît dans le champ et graduellement, et c'est glaçant).
Je suis moins convaincu par les moments où le film se fait plus bavard, notamment sur la toute fin, et je ne suis pas forcément persuadé que d'avoir également le point de vue de JLB soit judicieux. Il fallait certes illustrer que tous sont esseulés mais c'est dommage de finir un film qui joue à ce point sur l'atmosphère hantée par une confession face caméra (même si c'est pas complètement illogique dès lors qu'on se dit que ce dernier témoignage est potentiellement faux également, une dernière mise en scène, gardant le flou entre réalité et illusion).

Très intéressant bien que pas entièrement séduisant.

Page 1 sur 1 Heures au format UTC + 1 heure
Powered by phpBB® Forum Software © phpBB Group
http://www.phpbb.com/