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Othon (Danièle Huillet, Jean-Marie Straub, 1970)
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Auteur:  Lohmann [ 06 Mar 2024, 17:45 ]
Sujet du message:  Othon (Danièle Huillet, Jean-Marie Straub, 1970)

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Dont le véritable titre est Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer, ou Peut-être qu'un jour Rome se permettra de choisir à son tour, mais qu'il n'est pas possible de renseigner ici parce qu'il y a une limite sur le nombre max de caractères pour les titres (fascistes !). En l'espèce, il s'agit de deux vers issus de la pièce de Corneille dont est tiré le film.

Je n'ai découvert le cinéma de Huillet et Straub (communément appelé "les Straub", pas sympa pour Danièle, d'un autre côté il suffit de lire une interview pour savoir qui tirait le plus la couverture à soi) que l'an dernier avec Chronique d'Anna Magdalena Bach. Un film déjà radical dans son dispositif mais qu'un néophyte peut malgré tout apprécier. Ma seconde tentative fut un poil plus douloureuse... et l'on ne m'y reprendra pas à venir à une projection d'un de leurs films sans être un minimum préparé. Mais l'occasion de pouvoir assisté à un entretien avec Renato Berta post-projection était tout de même immanquable.

Pour parler d'Othon, il faut absolument se replacer dans le contexte très particulier du cinéma de Huillet/Straub. Qui m'a longtemps pousser à retarder leur découverte, je craignais que ce soit trop aride, trop contre tout ce qui se faisait par ailleurs, trop dans la posture. Alors que ce n'est absolument pas le cas (contre le reste de la production cinématographique si un peu, tout de même), loin d'être dans la posture c'est un cinéma d'une sincérité absolue, à resituer dans une certaine branche du cinéma que je placerai sous l'égide de Bresson (à qui ils avaient proposé le scénario de Chronique, qui leur a répondu qu'ils n'avaient qu'à le tourner eux-mêmes), à la recherche d'une certaine vérité (ou véracité) et qui s'en donne les moyens au travers d'un dispositif mûrement pensé et réfléchi. Chez Huillet/Straub, tout est figé à l'avance (le cadre, les mouvements de caméras, les intonations des acteurs) et longuement répété. C'est par contre lors du tournage que l'inattendu est attendu si j'ose dire, que la vie viendra s'engouffrer dans le dispositif fixé (que ce soit un élément extérieur qui passe dans le champs de la caméra, le vent qui vient faire bruisser une feuille ou un acteur qui accroche sur le texte). Le son est bien évidemment toujours en prise direct, Straub refusant toute manipulation ultérieure de la bande son.

Pour en revenir à Othon donc, que j'ai eu le malheur de ne pas avoir lu avant de voir le film, et qui pour ce que j'en ai saisi est une fine description de ce qu'est un panier de crabes, Huillet/Straub ont situé l'essentiel de l'action sur le Mont Palatin, les acteurs en tenues d'époque (romaine). Et c'est globalement imbitable. Les acteurs (non professionels, dont Straub lui-même, excellent) étrangers pour la plupart déclament le texte avec un accent prononcé, certains avec un défaut d'élocution, à un rythme insoutenable, le tout avec en fond sonore la circulation d'une artère romaine ou (petite variante) une fontaine dont le bruit de la cascade recouvre partiellement les voix. Le pire c'est que leur diction est malgré tout impeccable, je me suis demandé si le problème ne venait pas de moi, et de rapidement me concentrer encore plus pour essayer de saisir le plus possible le texte qui m'était donné à entendre. Et étonnement ça marche. Aussi parce que certains acteurs sont parfaitement intelligible (Straub, Biette), mais surtout parce que je ne pense pas que de toute ma vie j'ai été à ce point concentré sur toute la longueur d'une projection. Et j'imagine que c'est tout à fait ce à quoi Huillet/Straub tendaient, pousser la difficulté de l'écoute à un point tel que le spectateur n'a pas d'autres choix que d'être 100% disponible pour le film (ou de sortir de la salle, évidemment). On se fait donc rapidement à l'incongruité du dispositif (on ne fait plus du tout attention à la circulation en arrière plan), on saisit de plus en plus de quoi il ressort, et on est fasciné par la précision du découpage, imposé lors de la préparation du tournage, une manière de lier les mains des réalisateurs et de les obliger à conserver les scènes dans leur intégralité (au travers de l'entrée dans le champs des acteurs particulièrement, le hors champs sonores étant particulièrement prégnant).

Au final une projection forcément frustrante (je reverrai le film après avoir lu la pièce), mais extrêmement stimulante, qui passe du statut de vraiment incongru à totalement fascinant, et qui donne vraiment envie de poursuivre la découverte de leur œuvre.

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