Felix Grandet règne en maître dans sa modeste maison de Saumur où sa femme et sa fille Eugénie, mènent une existence sans distraction. D’une avarice extraordinaire, il ne voit pas d’un bon œil les beaux partis qui se pressent pour demander la main de sa fille. Rien ne doit entamer la fortune colossale qu’il cache à tous.
Avant de rentrer dans la salle, peur d'un film trop sage et trop empesé, et c'est au final plutôt réussi. Déjà, c'est un vrai plaisir littéraire d'écouter à l'écran le beau texte de Balzac et voir la superbe incarnation de l'avare balzacien par Olivier Gourmet qui se régale dans l'abject. Mais surtout, ce qui frappe, c'est l'intemporalité du texte qui parle deux siècles après et reste finalement assez moderne. La réussite de Dugain c'est de respecter l'esprit de Balzac mais, par petites touches discrètes, le faire résonner avec l'époque actuelle. Il va jusqu'à insuffler une bonne dose de féminisme moderne, prolonger la fin du livre mais jamais l'esprit de Balzac n'est trahi. Le film ne reste pas empesé dans l'époque de son écriture et c'est exécuté de manière plutôt habile et intelligente
Pour tout amateur de littérature française, on se sent vraiment dans ses chaussons. Autant prévenir, le film adopte un rythme lent mais jamais on se fait chier. Ca prend le temps de développer l'univers de la petite ville de Saumur et le cauchemar créé par l'avarice du père, et de nous immerger dans ce beau livre d'images. Le film en est presque dépaysant et, je suis pas fan de mettre en avant la technique, mais ici la photographie sublime joue un rôle décisif. On rentre dans la maison minable de Grandet, on sent le froid de la bâtisse et la misère imposée par le père. L'éclairage à la bougie est magnifique, on se sent presque transporter dans les peintures de l'époque. Mais jamais, ça ne donne un côté musée un peu figé, c'est toujours vivant. La reconstitution est très bien. C'est presque une invitation au voyage dans une autre époque que propose Dugain. La séance en devient presque zen et reposante.
Et puis pour finir, j'ai découvert Joséphine Japy et je suis amoureux. Elle est très bien dans le rôle d'Eugénie, une excellente incarnation du personnage de Balzac, et toute mimi dans sa robe d'époque. Même Bonneton, que je trouve habituellement insupportable, est ici sobre et fait l'affaire. Au final, une adaptation plaisante de Balzac. Pour les amateurs de l'écrivain, je recommande.
4/6