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Atlas (Antoine d'Agata, 2013)
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Auteur:  Art Core [ 08 Mar 2021, 12:12 ]
Sujet du message:  Atlas (Antoine d'Agata, 2013)

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Je connais un peu son travail de photographe et étais curieux de voir comment ça se traduisait en film. La réponse est simple, ça se traduit pas. C'est le film répondant le mieux au qualificatif de "film de photographe" que j'ai vu de ma vie. Tout le film n'est qu'une succession de tableaux photographiques, quasiment sans mouvement, de caméra évidemment mais également de mouvement à l'intérieur du plan. Une collection d'images fixes ou presque creusant toutes le même sillon. Celui de la toxicomanie, du sexe triste, du corps fatigué et marqué par la vie, dans des décors de béton délabrés et vides, sur des matelas sales. Le tout recouvert d'une voix-off permanente ou presque, exclusivement féminine, très poétique (mais ausi assez obscure et abstraite).

Ce qui est fascinant, c'est l'aspect tour du monde. On passe de la Russie à l'Inde, à l'Indonésie, à l'Amérique du Sud, aux Etats-Unis... Les langues changent, les drogues aussi mais le reste est le même, comme si le film s'échinait à tisser un lien invisible entre ces misères absolues. Ce qui est beau c'est le côté polyglotte de cette voix-off qui nous raconte un peu ces vies compliquées, de manière imagée et parfois presque complaisante et dérangeante (quand on nous parle de plaisir charnel alors qu'on semble ne voir que souffrance et désespoir). C'est vraiment un film dur, parce qu'il reste en retrait de tout, il a une position, un regard totalement extérieur à ce qu'il filme (alors que paradoxalement on sait que Antoine d'Agata est lui-même toxicomane - ou l'a été - et client des prostituées). Ça m'a rappelé Dans la chambre de Vanda de Pedro Costa qui était à peu près exactement l'inverse sur un sujet similaire, on passait trois heures collées à elle, à l'écouter, à essayer de la connaître et de la comprendre, à tenter de percevoir son humanité. Or, là c'est l'inverse, le regard est purement plastique, esthétique, on sent que le réalisateur cherche à trouver la beauté dans ces scènes d'une infinie tristesse. Et c'est réussi, la lumière est souvent magnifique, la composition a quelque chose de très puissante et le film marque durablement. Mais je ne peux pas m'empêcher de ressentir une gêne et de voir dans ce geste, un geste de photographe beaucoup plus qu'un geste de documentariste.

C'est sur Mubi, ça dure 1h20, je conseille quand même, même si c'est un film vraiment dur.

4/6

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