(craquage sur le cou de Connery)
Depuis le jour où j'ai eu vent du "pitch" de ce film, ou du moins la version galvaudée qui était parvenue à mes oreilles ("deux soldats anglais sont pris pour des dieux par un peuple reculé"), j'ai voulu le voir. Rien que le titre me faisait rêver. Il y a quelque chose qui, dès ma jeunesse, m'avait intrigué dans ce concept, dans l'idée de l'exploitation de l'évolution tardive de gens pour se faire passer pour des figures de mythe. Un des épisodes de la série Highlander qui m'a le plus marqué est celui où un immortel (joué par Andrew "Wishmaster" Divoff je crois) se faisait passer pour un dieu auprès d'une tribu parce qu'il pouvait mourir et ressusciter. L'idée m'a toujours parlé.
Pour des raisons que je ne m'explique pas (au-delà de ma procrastination et de ma paresse), cela m'aura pris plus d'une quinzaine d'années pour me poser enfin devant le film de Huston.
Ne faites pas ça.
C'est la meilleure manière de se fantasmer un film qui n'est pas celui qui existe et ce dernier se retrouve condamné à décevoir.
SPOILERS DU DÉBUT À LA FIN
En fait, j'ai été déconcerté par le fait que les deux protagonistes ont direct comme plan d'aller au Kafiristan pour détrôner un roi. Il y a une rapide intro sympathique d'une première arnaque déjouée par Kipling mais dès la scène suivant leur convocation pour en répondre, ils expliquent leur objectif au journaliste, ils ont déjà rédigé leur contrat de loyauté (génial ça). C'est pas in medias res non plus mais c'est fait sans cérémonie et ça aurait gagné à être quelque chose qu'on découvre avec eux, comment l'idée leur vient.
Ensuite, j'ai été surpris que le film passe finalement beaucoup de temps sur le séjour pour le Kafiristan, sans que ce soit passionnant. Je ne me fais pas avoir par des taglines mais l'affiche qui parle d'aventure, bon, c'est deux clampins qui crapahutent dans la neige ou sur des mules. Encore une fois, ce n'est pas nécessairement que je m'attendais à Lawrence d'Arabie ou Les Aventuriers de l'Arche perdue, mais vu le temps consacré à ce trajet, ça manque de rebondissements (parce que "il y a une crevasse, on peut pas passer, bon bah on va mourir gelé, oh suite à une avalanche on peut passer", narrativement, c'est pas la folie, surtout quand t'es même pas à mi-film, y a donc zéro sens du danger).
A posteriori, je comprends le rôle de ce retournement précis, vu comme Dravot l'inclus parmi les événements qui lui font croire à sa "destinée" mais c'est là qu'on en arrive à ce qui m'a le plus chagriné. Je trouve que le film devient vraiment intéressant quand Dravot est pris pour le fils d'Alexandre le Grand, donc quand on en arrive à ce récit qui m'avait tant fasciné depuis tout ce temps...et finalement, c'est très vite plié.
Avant ça, il y a une scène de guerre durant laquelle je me suis endormi (de manière générale, je n'ai vraiment pas été soufflé par la mise en scène de Huston ici - je ne tirerai évidemment aucune conclusion hâtive, n'ayant vu qu'un seul autre film du cinéaste, Le Trésor de la Sierra Madre, il y a genre 20 ans - c'est classe mais malgré les décors et les figurants réels, ça manque d'ampleur) mais dans la ville de Sikandergul, je trouve que tout va très vite.
Le basculement de Dravot vers la mégalomanie, l'arnaqueur qui se met à croire à sa propre légende qu'il vient à peine de découvrir, se fait littéralement d'une scène à l'autre. Et à la suivante, il fait l'erreur qui lui coûtera la vie.
C'est en ça que j'ai été vraiment déçu, dans l'absence d'exploitation réelle de cette idée géniale. Je veux pas "refaire le film" mais j'aurais trouvé plus pertinent un film qui consacre la majeure partie de son récit à étudier ce postulat : devenu un "dieu-roi", comment le mec gère, comment le mec vrille, etc.
En l'état, je trouve ça trop léger.
À l'origine, c'est une nouvelle de Kipling dans laquelle le narrateur ne fait que raconter ce que Peachy lui rapporte donc rien n'est au présent et sous cette forme-là, ça peut passer mais l'adaptation, qui veut montrer ce que les deux protagonistes ont vécu, n'a pas su donner corps à leur aventure.
Le film reste plaisant, pour quelques saynètes amusantes, notamment grâce au tandem de personnages campés par Connery et Caine, et l'histoire improbable qu'ils vivent permet de tisser un propos sur le colonialisme sans le surligner, mais je suis vraiment resté sur ma faim.