Preuve qu'il ne faut pas se polluer l'esprit avec l'actualité, le discours féministe de cet assez beau mélodrame m'a davantage gêné que si le contexte était différent. C'est un peu le lot du mélo d'emprunter des gros sabots en même temps donc des répliques comme "il en a de la chance [d'être né garçon plutôt que fille]" ou le fait que le film passe en revue les misères du patriarcat dans le Brésil des années 50 n'a rien de fondamentalement révolutionnaire et au contraire, c'est ce que le genre veut. La scène de défloration, le mari en rut, l'accouchement, le film manque un peu de subtilité mais au fond la vie souvent aussi.
A la fin, Aïnouz arrive à faire gonfler son émotion. Emballé, c'est pesé. Mission accomplie.
Alors qu'en dire ? Talent pour les cadres et les textures, qui rappelle Christopher Doyle et son acolyte WKW, mais auxquelles il manque une certaine opacité, ou profondeur. Un paradoxe, l'époque au point de vue de la condition féminine n'est pas franchement reluisante mais esthétiquement Karim Aïnouz semble avoir clairement fait son choix : il se délecte des carrosseries étincelantes des voitures anciennes, des robes à fleur et des hauts à motif, au milieu d'une végétation tropicale et luxuriante, avec la mer non loin d'un bleu irréel (qu'on voit en définitive assez parcimonieusement). Quand Eurídice se rend à son audition de piano, la fille de boulanger, femme d'un modeste employé de la poste, a l'air d'une élégante bourgeoise qui règne au-dessus de sa classe
Belle idée que la vie invisible d'Eurídice soit finalement reflétée par celle de sa soeur perdue.