Angst essen Seele auf en VO (challenge Erik Vonk)
Le film social qui pontifie sur la nature humaine a tendance à bien me lourder : à ce titre, Ali est pour moi un petit miracle, qui, malgré des sabots parfois vraiment gros (il force franchement le trait sur la collection de mèmères médisantes), parvient à convaincre en exerçant sa caricature jusqu'à sa grossiereté la plus évidente (le retournement total de tous les malfaisants en des opportunistes vulgaires à mi-film, métaphore à peine déguisée de l'Allemagne de l'après-guerre, hypocrite et obsédée par l'argent).
Mais en plus de raconter une histoire de racisme par le truchement d'une romance difforme, Fassbinder lance toute une réflexion plus large sur le pouvoir, que celui-ci soit sexuel, affectif, ou relatif à une classe sociale (à ce titre, la scène du restaurant est superbe : Fassbinder enferme les deux prolétaires dans un cadre de porte, comme pour signifier qu'ils n'ont rien à faire dans un restaurant de luxe). En cela, c'est un film éminemment militant, qui se permet de balancer calottes sur calottes à une Allemagne qu'il maltraite avec férocité, jusqu'à flirter avec le mépris.
Chez pas mal d'autres réalisateurs, on sombrerait vulgairement dans le règlement de compte, le jeu de massacre vain dont l'éjaculation de colère emporte tout sans rien construire. Pas chez Fassbinder, qui n'oublie jamais qu'avant tout, il filme une romance, aussi froide et maladive soit-elle. Et il trouve ainsi un équilibre presque miraculeux (et quel sens du cadre !).
Une belle pépite des années 70.
5.5/6