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In Jackson Heights (Frederick Wiseman - 2015)
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Auteur:  DPSR [ 04 Sep 2015, 15:08 ]
Sujet du message:  In Jackson Heights (Frederick Wiseman - 2015)

C'est déjà le quarantième documentaire de Wiseman et sans doute un de ceux qui brasse le plus large, en posant sa caméra dans tout un quartier du Queens en périphérie de New York ayant conservé ses racines inter-communautaires et échappé à la gentrification de Brooklyn ou Staten Island. L'aïeul du doc passe donc d'une soirée dans un bar latino gay à une découpe de poulets hallal en toute décontraction en passant par une soirée d'anniversaire de vieux où on s'éclate sur la danse des canards. In Jackson Heights se figure le parfait carrefour ethnique, religieux et culturel entre juifs, musulmans, catholiques, gay et même trans. On pourrait accuser Wiseman de se disperser en prenant un sujet aussi vaste plutôt qu'un lieu qu'il aurait parcouru de fond en comble comme à son habitude mais c'est aussi ce qui empêche son film de tomber dans les pièges de la méthode ou de la formule, et in Jackson Heights parait finalement précieux comme territoire de paix, d'assimilation et d'intégration, avec ces tranches de vie du coq à l'âne comme autant de micro-fictions.
4/6

Auteur:  Zad [ 08 Sep 2015, 06:38 ]
Sujet du message:  Re: In Jackson Heights (Frederick Wiseman - 2015)

Bon, Sophie Dulac le sortira en France je suppose ?

Auteur:  Lohmann [ 02 Avr 2016, 16:32 ]
Sujet du message:  Re: In Jackson Heights (Frederick Wiseman - 2015)

Vu les quelques notes (faibles, hormis celle de DPSR, j'aimerai bien d'ailleurs savoir pourquoi Zad lui attribue un piètre 2/6) qui ont été attribuées à ce film, j'y suis allé un peu inquiet, j'en suis ressorti conquis. Les 3h10 du film passent comme une lettre à la poste, sans ressentir aucune longueur.

DPSR a écrit:
On pourrait accuser Wiseman de se disperser en prenant un sujet aussi vaste plutôt qu'un lieu qu'il aurait parcouru de fond en comble comme à son habitude mais c'est aussi ce qui empêche son film de tomber dans les pièges de la méthode ou de la formule

Le film tend indéniablement vers un certain universalisme, de par la multiplicité (culturelle et religieuse) du quartier qu'il décrit. Mais loin de se disperser, il est centré sur une thématiques forte et bien précise. D'abord le film n'est tourné que dans l'espace public, jamais dans la sphère privée. Car c'est bien là que l'identité de ce quartier se trouve. Et au-delà de l'identité d'un quartier, c'est aussi une certaine vision du monde, du rapport entre les gens, du bonheur (j'y reviendrai), que Wiseman nous livre au travers de ce film. De par l'histoire de Jackson Heights (défense des droits LGBT, quartier à forte population immigrée), c'est au sein de l'espace public que les liens se nouent, que les droits s'acquièrent et se défendent. C'est donc en toute logique que le film s'attarde lors des réunions gay, trans, latinos... où chacun prend la parole, que ce soit pour dévoiler la stratégie sous-jacente du BID, promouvoir les slow-zone dans NYC ou (surtout) simplement partager une expérience traumatisante. Mais Wiseman ne se limite pas seulement à ces réunions, il embrasse véritablement la totalité de l'espace public, du bureau du représentant du Maire dans ce quartier (bureau assailli par les coups de téléphone des particuliers auxquelles répondent de patientes employées, leur fonction étant finalement moins de trouver une solution que d'être à l'écoute) jusqu'au banc qui parsème l'espace public.

Deux scènes qui m'ont tout particulièrement marquées, et me semblent contenir le message profond délivré par Wiseman.
La première où cette femme quasi centenaire se plaint auprès de ses camarades de la solitude de sa vie. Elle en parle non pas pour trouver une solution, mais comme elle le dit elle même pour se soulager de ce sentiment, pour rompre l'isolement, pour profiter d'un moment de partage, si rare pour elle. L'une de ses interlocutrices (je dirais d'origine russe à l'accent) lui rétorque qu'elle est riche, elle devrait donc "s'acheter" des amis, tout du moins des personnes qui viendraient converser avec elle. La centenaire lui répond qu'elle fait déjà appel à ce type de service, qu'on l'appelle tous les mercredis à 10h30/11h pour seulement l'écouter (c'est de la merde dit-elle très crument), l'argent ne remplace pas de véritables liens, qu'il soit de famille ou d'amitié (comme l'argent des promoteurs immobiliers bouleversera le quartier et y détruira progressivement la vie sociale, détruisant le commerce de proximité et repoussant à la périphérie la population actuelle).

La deuxième lors du sermon du prêtre, qui condamne la drogue et l'adultère comme symptômes de l'égoïsme, opposant le plaisir instantané qu'il procure avec l'absence de bonheur une fois leur effets respectifs estompés. Il y a là du starets Zosima des Frères Karamov, lui qui considère la vie comme le paradis, à la condition qu'elle soit vécue dans le partage et non dans l'égoïsme.

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