C'est le deuxième documentaire mastodonte de quatre heures à faire le tour des festivals d'automne avec Wang Bing. Tous ceux qui ont déjà vu son travail connaissent son style immersif mais détaché, avec un montage moins spectaculaire que chez Depardon par exemple, qui peut aussi avoir comme limite l'aspect bric-à-brac de moments inégaux. La durée ne reflète pas une nécessité de couvrir davantage les us, coutumes et fonctionnement du campus californien (pas de verbatim historique comme à l'habitude du grand Fredo) mais au contraire le temps de parole de chacun des intervenants. Ce n'est pas surprise, un universitaire expose son point de vue beaucoup plus longtemps qu'une danseuse du crazy horse ou qu'un licencié d'un club de boxe. Mélange de cours théorique, de débats entre les élèves, de présentation de la ruche d'innovations germant au sein de l'université, avec toujours les célèbres à côté que Wiseman s'autorise en filigrane de l'institution (des matchs mastodontesques de football américain au balayeur qui rassemble les moutons de poussière s'accumulant tous les jours dans les escaliers), At Berkeley se concentre aussi particulièrement sur deux aspects. Il y a un fil conducteur sur les problèmes de coupe de budget qui animent l'administration et le corps professoral, se demandant s'il vaut mieux licencier ou augmenter les frais de scolarité (rappelons qu'une simple année dans ce genre d'établissement prestigieux peut valoir de 50 à 70 000$), qui aboutira dans la dernière heure à une marche de protestation d'une partie des étudiants (tandis que l'autre révise impassiblement leurs cours dans le parc) qui iront jusqu'à occuper la bibliothèque. Leurs revendications deviennent vite une liste pléthorique et non préparée totalement irréalisables, dépassés par leur flux démocratique, comme s'ils imaginaient que leur lutte allait changer le monde. Une scène plus tard, le doyen donnera le coup de grâce en rappelant les luttes menées dans les années 60/70 qui étaient concentrées sur un point précis, et qui eux réussissaient à trouver un écho et à faire pencher la balance. L'autre point qui revient aussi, outre l'appauvrissement de certains élèves non issues des classes favorisées qui devront passer de longues années à rembourser leurs emprunts, peut-être plus surprenant encore, est la question du racisme inhérent aux groupes de travail, comme la création d'une mini-société parmi l'élite reproduisant les tares primaires de la communauté civile. Dommage que ça manque parfois autant de nerf sur quatre heures et qu'on n'évite pas l'ennui du ressassement de pur discours, même s'il y a beaucoup de chance que le documentaire soit exploité à la télévision par tranche unitaire de 52 minutes.
3/6