Island of Lost Souls en VO
Edward Parker est secouru d'un naufrage par un navire de passage. Transportant une curieuse cargaison d'animaux, le bateau vient livrer l'île isolée du Dr. Moreau, qui semble avoir organisé autour de lui un monde de créatures mi-humaines mi-animales...
Est-ce que c'est la HD ? J'ai en tout cas été très surpris de l'extrême soin qui émane de ce film, bien plus que dans King Kong ou Frankenstein, voire même d'un Dracula pourtant déjà très classieux. Les deux premiers dépassaient ces imperfections (de rythme, de mise en image, de construction) par une énergie qui brûlait la vision au détail, prenant le spectateur par l'élan ; le troisième enrobait son calme dans la douceur d'une extrême élégance. Je n'y avais pas vu une telle constance dans l'achèvement, ne serait-ce que plastique.
C'est donc autre chose ici : le film ne flirte que très rarement avec le carton-pâte, quand bien même il fait directement le choix d'exposer clairement ses créatures. Kenton sait huiler son horreur, déjà en la plongeant souvent dans la nuit d'un contexte exotique fasciné à la Vaudou, entre les torches et les lumières perçant des fenêtres, mais aussi plus simplement parce que le dégoût premier est focalisé sur le Docteur, noblesse décadente parfaitement incarnée par un Charles Laughton mielleux et détestable. Une fois ce socle solide posé, le film égrène beaucoup de belles petites idées, qui ressemblent parfois d’avantage à une série d'essais un peu isolés mais souvent concluants (le livre dans l'eau, les gros plans finaux des bêtes en furie)... L'Île du docteur Moreau a surtout de la valeur pour la façon dont il sait réellement nous fait sentir à quel point sa part horrifique était violente et crue dans ce contexte (le début des années 30). Evidémment, le spectateur contemporain a vu cent fois pire, mais par la façon dont Kenton nappe son film de noblesse et d'élégance (notamment via son méchant), le film fait réellement sentir la crudité locale de ses saillies : on saisit très clairement le rapport entre ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, ce qui se montre et ce qui ne se montre pas - les scènes des "little knifes", par exemple, garde tout son caractère glaçant.
Il manque peut-être un petit truc à l'ensemble, une petite magie, une espèce de folie dont l'absence le maintient un peu en deça de ses confrères. Le film écope notamment, et très visiblement, des bons et des mauvais côtés du parlant hollywoodien des débuts. C'est court, c'est sec et affuté, ça file tout droit en une série d'actions sans fioritures. Mais c'est aussi beaucoup de silences étranges, l'absence sensible d'une musique dans certains passages, l'impression récurrente d'un film tout nu à qui il manque un soupçon de parure rythmique. Ce sera selon les goûts.
En tout cas ça mérite sans problème sa place parmi les classiques de l'horreur du début des années 30. Perso, j'étais pas du tout au courant de l'existence de ce film (et encore moins de son réalisateur).
