Forum de FilmDeCulte
https://forum.plan-sequence.com/

La Danse de l'enchanteresse (Adoor Gopalakrishnan, 2008)
https://forum.plan-sequence.com/danse-enchanteresse-adoor-gopalakrishnan-2008-t10374.html
Page 1 sur 1

Auteur:  the black addiction [ 10 Oct 2008, 17:03 ]
Sujet du message:  La Danse de l'enchanteresse (Adoor Gopalakrishnan, 2008)

Image


Ce film évoque de manière quasi documentaire l’univers du Mohini Attam, cette danse du Kerala, en Inde du Sud, pratiquée exclusivement par des femmes. Le film est coréalisé par une Française, Brigitte Chataignier, qui pratique et enseigne cette danse. Un film donc très rigoureux en ce qui concerne l’aspect vériste de la retranscription.

Quel est l’élément qui m’a amené à aller voir ce film ? Ce serait une bonne question à me poser étant donné que si j’étais fan de danse, ça se saurait. Il s’agit tout simplement du nom à la réalisation, le maître Indi, Adoor Gopalakrishnan (je l’appellerai Gopa). C’est pourtant un cinéaste obscur et peu connu, mais pour les personnes qui se sont intéressé aux cinémas indiens, ce nom évoque autant de choses qu’un Stayajit Ray, un Guru Dutt ou encore un Raj Kapoor. Il s’avère que je m’étais intéressé au cinéma indien. Gopa est le quatrième maître un peu dans l’ombre, fort malheureusement car ses films sont souvent plus puissants que ceux de ses compatriotes. Ma joie a été grande quand j’ai appris qu’un film de lui sortait cette année, en 2003 est déjà sorti un film qui fera surement parti de mon top vingt de la décennie, le sublime Le serviteur de Kali.

Je reviens au film, j’ai beaucoup aimé, même si ce film joue sur une forme moins ample et plus légère que Le Serviteur de Kali. Mais cette légèreté fait sens, elle est parlante, logique et déroutante. A mon sens, c’est un film sur l’aliénation de la femme au sein de ce système. La première séquence est très parlante, avant les danses, les femmes apprennent à mimer grossièrement et en rythme des affects préfabriqués et simplifiés. Ca ne m’a pas surpris, mais il ne faut pas s’attendre à voir une sublimation de l’exotisme lié à ses danses. Les femmes servent uniquement à véhiculer et matérialiser un culte, et ce corps objet est au centre du film, ainsi que l’impossibilité de s’en détacher. Seulement, cette idée de l’enfermement ne passe pas par un récit, mais par la conceptualisation du filmage des danses, dans cette distance sèche qui éradique le sublime et le mystique, mais également dans l’étirement temporel de ces séquences. Donc, ce film concept au sein duquel on pense beaucoup à Oliveira (la même grandeur déroutante dans la simplicité de la méthode) va surement ennuyer du monde. Pas moi, de plus le film dure uniquement 1H15, et ce choix de la concision permet un impact plus fort à mon sens, car la fiction en crise est sensiblement signifiante. Au milieu des séquences de danses, la femme est seule et pensive, mais ça ne dure pas, ces moments de calme finissent progressivement par être des simples raccords. Il y a une grande puissance évocatrice dans ces plans, beaux et simples.

Bon je vais ne pas m’étendre et parler de toutes ces séquences qui me désemparent par leur simplicité (de plus je serais peut être le seul à voir ce film). Gopa est un vieux maître, il n’a plus rien à apprendre ni à prouver et se permet ce genre d’intermède stylistique et quasi expérimental ; comme l’autre vieux maître portuguais, il va au plus simple et son expérience lui permet d’éviter le piège de la surenchère et du pathos (si présent en inde, grand lieu cinématographique du mélodrame social).

Voilà, je ne saurai trop vous conseiller de découvrir ce grand cinéaste, mais peut être pas par celui-ci, ce serait comme découvrir Oliveira par « Un film parlé »… Le Serviteur de Kali est une véritable fiction, dure, belle et intense, l’histoire d’un bourreau qui culpabilise (on retrouve l’idée du corps aliéné à un système). Je vous conseille plus ce dernier, dans ses films récents.

5/6

Auteur:  Jericho Cane [ 11 Oct 2008, 18:18 ]
Sujet du message:  Re: La Danse de l'enchanteresse (Adoor Gopalakrishnan, 2008)

the black addiction a écrit:
Voilà, je ne saurai trop vous conseiller de découvrir ce grand cinéaste, mais peut être pas par celui-ci

Alors j'irai pas le voir et j'attends que tu me passes "Le Serviteur de Kali".

BIM.

Auteur:  the black addiction [ 11 Oct 2008, 18:19 ]
Sujet du message: 

Il n'empêche que tu peux toujours le découvrir avec celui ci, même si c'est pas l'idéal !

Auteur:  Jericho Cane [ 11 Oct 2008, 18:21 ]
Sujet du message: 

Si ça dure 1h15, ok, j'vais essayer... J'espère que c'est divertissant.

Auteur:  the black addiction [ 11 Oct 2008, 18:23 ]
Sujet du message: 

Non ça l'est pas.

Auteur:  Jericho Cane [ 11 Oct 2008, 18:27 ]
Sujet du message: 

the black addiction a écrit:
Non ça l'est pas.

Donc ça se termine là.

BAM.

Auteur:  the black addiction [ 11 Oct 2008, 18:35 ]
Sujet du message: 

Pardon d'avoir cru que tu voyais dans le cinéma autre chose qu'un divertissement.

BIM

Auteur:  Art Core [ 14 Oct 2008, 21:52 ]
Sujet du message: 

Excellente surprise en ce qui me concerne. J'y allais par pure curiosité sans savoir de quoi ça parlait et bien m'en a pris tellement la découverte n'en a été que plus agréable.

Véritable ode à la danse totalement expressive qu'est le Mohinni Attam et à travers cela (comme souvent dans les films de danse) un ode au corps dans son entier. J'aime beaucoup comment cadre le réalisateur, cette façon qu'il a de ne jamais fragmenter, de ne jamais orienter son regard sur une partie du corps plutôt qu'une autre mais au contraire de garder le corps dans son ensemble, dans son unité, comme la représentation d'un univers entier deployé devant nous. C'est assez magnifique de voir se construire dans ces danses des mini-mythes, des mini-légendes incarnés par un théâtre de gestes dansés à l'harmonie délicate et émouvante. Il y a là la représentation d'une vie épurée, débarrassée de sa conscience et dont il ne reste qu'une sublimation de ses gestes, tous conçus, représentés comme un mouvement divin, rythmique et cosmogonique de l'humain au sein du monde. Ca me touche beaucoup.

Et puis la construction du film est admirable. Ces longues scènes de danse, entrecoupées de scénettes brèves donnant l'illusion d'une pulsion de fiction mais bien vite rattrapée par la véritable fiction, la véritable histoire que l'on nous raconte à travers le corps et la musique. En outre ces scénettes dont l'anachronisme surprend (on pense toujours être dans un autre temps alors qu'on est bel et bien au XXIème Siècle) replace le film dans la societé Indienne d'aujourd'hui et ses contradictions.

Bref c'est vraiment très beau et passionnant malgré le côté éminemment redondant de l'entreprise. Je regrette simplement que l'on ne suive pas uniquement le personnage du début et que l'on s'en détourne un peu. Mais bon rien de méchant, j'ai adoré et ce film sera dans mon top de fin d'année.

Par contre question pour TBA est-ce que ta projo était une projo pellicule ou une projo numérique dégueu de DVD ? Parce qu'à l'Espace Saint Michel à Paris c'était un DVD pourri avec artefacts de compression à gogo, définition pourrie et couleurs délavées ce qui m'a pas mal gâché le film d'ailleurs.

Je vais m'empresser de voir son précédent alors, je suis d'autant plus intrigué.

5/6

Auteur:  Zad [ 14 Oct 2008, 21:54 ]
Sujet du message: 

c'est sorti en salles?

Auteur:  Art Core [ 14 Oct 2008, 21:56 ]
Sujet du message: 

Oui, oui la semaine dernière. C'est pour ça que la projo DVD me choque un peu...

Auteur:  the black addiction [ 14 Oct 2008, 21:57 ]
Sujet du message: 

Non non Art Core, c'était une très bonne copie pellicule. Je sais pas si tu connaissais le cinéaste avant que j'en parle, si c'est ça qui t'a fait y aller... si c'est le cas je suis vraiment content, car c'est un cinéaste trop peu connu, très content que tu ais apprécié, vraiment.

Auteur:  Art Core [ 14 Oct 2008, 22:05 ]
Sujet du message: 

Oui, oui c'est un peu grâce à toi si j'y suis allé, merci :wink: et non je ne connaissais pas le réal du tout.

Par contre c'est bizarre cette histoire de projection. Ca me donne carrément envie de le revoir dans de bonnes conditions !

Auteur:  the black addiction [ 14 Oct 2008, 22:06 ]
Sujet du message: 

Par contre on a vraiment vu le film différemment Art, c'est étrange. En fait la présence de la corélisatrice spécialiste de cette danse me fait dire que tu as raison, que c'est bien un hymne à cette danse et ces corps fictions. Par contre je vois la thématique principale de Adoor, de la personne enfermée et aliéné par sa fonction, ce qui est un regard moins jouissif sur la chose. En fait je me demande si il n'y a pas les deux.

Auteur:  Art Core [ 14 Oct 2008, 22:11 ]
Sujet du message: 

Oui j'ai lu ta critique avant d'écrire et ce que tu dis m'a un peu surpris. Après je ne connais pas le réalisateur du tout donc je ne peux rien dire. Mais oui je pense qu'il y a un conditionnement du corps par la danse donc de là, une forme d'enfermement volontaire. Je le vois comme un sacrifice esthétique et il me semble que le film ne tend pas à nous montrer un corps aliéné mais bien plus transfiguré par la danse. Mais je pense qu'il peut effectivement y avoir les deux tendances. Ça rend la chose d'autant plus fascinante.

Auteur:  the black addiction [ 14 Oct 2008, 22:14 ]
Sujet du message: 

Oui en fait j'y avais pas pensé avant de te lire, j'étais trop fixé sur ce que je savais du cinéaste, je pense que j'ai trop vu cet aspect là. Oui c'est très fascinant comme film, j'adore ce réalisateur, c'est toujours beau.

Page 1 sur 1 Heures au format UTC + 1 heure
Powered by phpBB® Forum Software © phpBB Group
http://www.phpbb.com/