Dans un Japon futuriste, les adultes redoutent les adolescents japonais, trop enclins à la violence. Pour se protéger, la loi Battle Royale est votée. Le principe de ce « jeu » est très simple : une classe de terminale est envoyée dans un lieu isolé (une île en l'occurrence), et les élèves doivent s'entretuer jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'un seul survivant.
Bizarrement, pas de topic sur ce film très vu et diversement apprécié sur le forum.
Y a bien eu ce début de discussion sur des points très particuliers, mais aucune appréciation générale.
http://forum.plan-sequence.com/viewtopic.php?t=10101&start=0
Bon, je me lance:
Film au pitch trash et déstabilisant, Battle Royale étonne par son traitement sobre et moins violent qu'attendu. Finalement, le film prend le pari de se focaliser sur autre chose que sur les massacres en réduisant cette corde au minimum nécessaire à la production de son effet. Il se construit alors sur le ressenti d'ados déboussolés, arrivant à peine à réaliser leur situation, et n'arrivant totalement à oublier leur mode de vie d'ado pourtant déjà révolu.
Dans ce refus de l'oubli apparaissent alors les sentiments des plus naïfs aux plus sincères et et les bases d'une éthique quasi impossible.
Il ressort alors de ce film une critique acerbe de la société non seulement japonaise mais aussi occidentale, où grandir devient accepter de se voir évoluer au détriment de ses amis, sans qu'importe leur sort. Ici, le message est clair. Ces amis, vous les tuez.
Ceci donne alors lieu un combat de valeurs entre humanité et inhumanité, une lutte pour la survie dans une société qui appelle au meurtre. L'intérêt de faire jouer ce combat dans le monde de l'adolescence et de l'éducation est judicieux puisque cela l'incarne au moment où il se joue en chacun.
La réalisation est comme tout Fukasaku assez démente, ça bouge, crie et hurle de partout dans les scènes d'action, et fait bien ressortir la démence de chaque situation, c'est plus posé dans les scènes plus typiquement adolescentes. Et surtout, il ressort de ce traitement une émotion intense arrivant à faire jouer la peine la plus grande après le massacre le plus horrible.
Plusieurs scènes prennent alors une dimension bouleversante, en plus d'être spectaculaires, comme celle du phare où un groupe d'amies s'entretue sur un malentendu, celle où . La finesse du traitement fait ressortir la dimension tragique dans chaque événement pourtant naïf de prime abord.
On regrettera cependant quelques légèretés dans l'écriture à mon sens, mais qui vont aussi avec le style Fukasaku. En fait, je commence vraiment à me dire que ça aurait été un peu moins virulent si cela avait été plus construit. Le jeu de certain jeunes acteurs est plutôt inégal, notamment chez certains lorsqu'ils se retrouvent au second plan, mais ils livrent dans l'ensemble une prestation honorable surtout si l'on prend en compte leur relative inexpérience.
Pour résumer, un film troublant et bouleversant, une critique sociale féroce, qui arrive à traiter l'horrible avec la plus profonde sensibilité et fait ressortir la dimension humaine et l'esquisse d'une éthique.
Un grand film ! 5,5/6