Désir, prudence : pendant deux heures et trente-six minutes, LUST, CAUTION raconte une histoire d’amour, de résistance et d’espionnage dans la Shanghai de la fin des années 30 et des premières années 40, sous occupation chinoise. Tony Leung, qui tient le mauvais rôle, est tout maigre, et il a l’air fatigué. Wei Tang, qui tient le bon, a le visage sans cesse gonflé d’envie et de pensée, d’inquiétude et de détermination : grande actrice, on en reparlera. Parlez-vous l’Ang Lee ? Le récit avance à pas lents, parfois n’avance pas, parfois procède par coups de force : se souvenir de HULK qui tantot s’interrogeait dans la glace, tantôt au contraire faisait le cabri dans le désert ; se souvenir du rythme singulier de BROBEBACK MOUNTAIN, tout en longues pauses et retrouvailles précipitées (un film qu’il faudrait revoir). Certaines choses semblent terriblement conventionnelles, d’autres au contraire d’une grande audace, et pas seulement les scènes de sexe qui viennent de valoir au film une interdiction au moins de 16 ans (sauf erreur) aux États-Unis. Nous n’avons pas la connaissance du contexte historique et politique pour tout comprendre, et la grande abondance des sous-titres anglais n’aide pas tellement. Mais derrière ce film en costumes et à musique il semble qu’il y en ait un autre, qu’hier soir, pendant que pétait un feu d’artifice au dehors, on a passé toute la séance à chercher sans le trouver vraiment. Un film cérébral et sensuel, à la fois amoureux des détails (une bague, un poignet) et des grands mouvements d’appareil. Un truc compliqué : urgent et tordu. Un film qui raconte une autre histoire que celle, trop courue, de la fascination érotique d’une victime pour son bourreau. Ang Lee n’est pas rien, il construit patiemment une œuvre, ce serait peut-être bien d’aller l’interviewer, si c’est possible.