LE MONDE :
"Journée aussi parisienne que stakhanoviste et politique lundi 1er octobre pour David Lynch. Son film Mulholland Drive était diffusé en "prime time" sur Arte, mais là n'était pas le plus important. Le cinéaste avait commencé son après-midi en étant reçu à l'Elysée, par Nicolas Sarkozy, qui a l'a élevé au rang d'officier dans l'ordre de la Légion d'honneur. Distinction rare pour un citoyen américain. David Lynch en a profité, non pour parler 7e art avec le président de la République, mais pour tenter de le convaincre de l'aider à mettre en oeuvre un projet qui lui tient à coeur : la construction d'une "Tour de l'invincibilité" à Paris.
Sans rire, le réalisateur, accompagné de son gourou français, Dominique Lemoine, président de l'association Gouvernement de la paix, a expliqué au chef de l'Etat qu'il suffisait de faire circuler des énergies positives pour oeuvrer pour la paix dans le monde. De créer des champs magnétiques pacifiques. Il a ainsi calculé qu'en installant un millier d'adeptes de ce type de méditation au centre de la France - "chiffre non laissé au hasard puisqu'il correspond à la racine carrée de 1 % de la population française" - cela permettrait de résoudre des problèmes aussi complexes que la criminalité, le chômage ou les aléas boursiers... David Lynch a proposé à M. Sarkozy "l'exclusivité" de son projet.
La méthode utilisée par Gouvernement de la paix provient d'une ancienne tradition védique, "scientifiquement prouvée", promet Dominique Lemoine. David Lynch avait déjà tenté, sans aucun succès, de convaincre Jacques Chirac, il y a trois ans, du bien-fondé de ses remèdes miracles en politique. En joignant même le geste à la parole, en s'allongeant sur la moquette pour mieux expliquer à l'ancien président où passaient les énergies positives dans le corps.
Cette fois-ci, plus confiant, David Lynch a laissé au chef de l'Etat un épais dossier sur son projet. "Le pays a changé et est prêt à des approches plus atypiques", pense Dominique Lemoine. Dans la foulée de sa visite à l'Elysée, Lynch a aussi voulu, sans avoir pris rendez-vous, aller serrer la main du maire de Paris. En plein Conseil de Paris, Bertrand Delanoë n'a pas reçu le cinéaste adepte de la méditation transcendantale qui arborait pourtant fièrement sa nouvelle décoration sur son veston. Au pied levé, Christophe Girard, adjoint au maire chargé de la culture, lui a fait visiter les lieux, l'a fait poser pour des photos dans les salons et n'a pas résisté à lui montrer comment fonctionnent les Vélib'. Mais le cinéaste est reparti penaud, sans avoir pu expliquer directement au maire qu'il cherchait pour sa Tour de l'invincibilité un immeuble parisien, entouré d'un jardin, pour installer ses élèves chargés de méditer pour améliorer, à terme, le sort des Français."