Avez-vous encore vos parents? Grands-parents?Si oui, les sentez-vous vieillir, perdre en autonomie, êtes-vous même déjà devenu le parent de vos parents? Comment le vivez-vous?Ne me reste que ma mère (je passe les nombreux détails), encore jeune, 71 ans, mais qui suite à une encéphalite (je passe les nombreux détails sur une prise en charge hospitalière pas à la hauteur) a depuis 7 ans des symptômes de simili-demence (et grosse proba qu'elle finisse Alzheimer).
Aphasie (troubles du langage) et mémoire immédiate très affectée (c'est le poisson Dory). Celle à long terme a pris un coup mais ça va.
Physiquement (même si un cercle vicieux s'est installé, elle paraît 10 ans de plus), tout va.
Et comme pour obtenir des aides de maintien à domicile, les cases administratives s'intéressent surtout à la diminution physique. Donc GIR 3, donc autant dire des clopinettes pour couvrir les frais d'aides (et on sait bien démerdé auprès de la nana du département, qui a été hyper compréhensive, l'ass-soc de l'hosto l'a classait un rang en-dessous). Et c'est impossible qu'elle reste seule chez elle.
On a essayé.
Je vous laisse faire vos recherches ou demandez à Müller dont je partage complètement l'analyse sur les pouvoirs publics.
Sur la société, j'imagine surtout qu'elle n'était pas prête. Mais les sociétés traditionnelles (sous réserve de maltraitance existence) nous rappelle que le modèle de l'ancien à la maison est dans l'ordre de beaucoup de choses.
En fait ce qui m'interpelle, c'est qu'on constate aussi que le monde de la petite enfance n'est pas forcément beaucoup mieux doté et la difficulté à lier vie pro et parentale (notamment pour les femmes mais que ce soit quasi exclusivement vu sous l'angle de la femme dit aussi quelque chose).
Une société qui n'arrive pas vraiment à faire de la place aux tout-petits et qui n'arrive pas à assumer ses très âgées n'est pas très vivifiante.
Et donc ma mère vit avec moi et ma compagne depuis 5 ans.
Compagne dont j'ai chaque jour conscience d'avoir une chance incroyable qu'elle accepte la situation, avec un deal clair "c'est toi qui t'occupes de ta mère" (ses parents vont très bien et ses sœurs et frère seront là en cas de pépin).
Une sœur pour me donner un coup de main, nous nous entendons bien (moins le beau-frère), et curatelle.
Les 2 premières années, habitant plus près, c'est elle qui passait le plus souvent et allait exploser en vol.
Yavait des aides à domicile. Rarement compétentes ou c'est alors du racket des agences, dont c'est pas les employés qui croquent le plus. La moins chère , l'assoce subventionnée, employant des gens qui se demandent ce qu'ils font là, à qui tu confierais pas ton chien.
Puis le cabinet d'infirmière qui te disent qu'ils ne passeront plus pour la douche parce qu'elle se débrouille bien mieux que d'autres et surtout sont en sous-eff.
Le juge était ok pour une tutelle avec la première révision mais je crois que psychologiquement, ça nous coûtait de lui faire perdre ses derniers droits.
Ma mère a encore les capacités à prendre des décisions raisonnables mais dans les faits, elle n'a pas les capacités de se projeter. Elle n'en a pas la motivation et puis elle nous fait confiance.
C'est d'ailleurs gratifiant quand régulièrement elle reconnaît ce qu'on fait pour elle .
Sous réserve de ne pas rater plus de deux prises d'un quasi-camisole chimique (1/3 de neuro, 1/4 de vitamines et le reste pour que son corps encaisse la double prise quotidienne de médocs). Là, elle sombre dans une profonde angoisse qui la rend très facilement agressive. Sa prise de médocs, c'est quasi ma priorité quotidienne ("alors la pharmacie de garde ce dimanche ?").
Mais je le vois comme presque la seule contrainte, pour les gestes du quotidiens, notamment l'hygiène (limite que je me suis posé, pas envie de changer du linge souillé ou de lui nettoyer les parties intimes ; ma femme sera me le rappeler) elle est autonome tant que tout est organisé et qu'on lui rappelle. Un peu le boulot de s'occuper d'une gamine de 5 ans (plus facile quand même).
Elle diminue malheureusement physiquement par rapport à son apathie générale (elle fait facile 10 ans de plus) et ça doit faire deux ans que j'ai renoncé aux ballades quotidiennes, dépensant trop d'énergie à la motiver. J'essaie au maximum de la sortir pour les courses, la pharmacie, les trucs du quotidien qu'elle considère comme concrète.
RDV médicaux aussi mais pour le moment, c'est essentiellement des renouvellements d'ordonnance.
Juste le dentiste, relou, elle avait déjà un dentier maisnlii reste pas mal de dents qu'elle ne se brosse pas correctement (elle fait un blocage, vu qu'elle a un appareil, elle deconsidère les dents qu'il lui reste). Donc détartrage régulier, j'ai finalement pris son dentiste : je n'arrivais pas à prendre RDV pour moi (à la dentition parfaite... Jusqu'à ce que je découvre qu'on peut avoir des kystes à la racine des dents... Bref...).
Ah oui, merci les confinements d'avoir sauvé ma mère d'une mort certaine et tout, oh lalala, kessskonpouvaifaird'ot ? mais ils ont été un gros coup de bambou pour elle et sa période de plus grand déclin.
Au bout du compte, elle doit être chez nous 9 à 10 mois dans l'année (séjours temporaires en structure -qui coûte un bras- chez ma sœur, chez sa sœur) et je m'amuse du fait qu'elle me manque dans ces moments. Qui restent indispensables néanmoins.
Parfois une excuse, le plus souvent une réalité, la fameuse charge mentale peut me rendre assez désagréable, envers elle ou mon entourage. Madame sait me le rappeler, les engueulades liées à la situation ont été rares au début et quasi-inexistante depuis. Je crois savoir déceler quand ça peut peser dans nos relations et je n'ai pas de mal à prendre sur moi.
Envers ma mère, il peut encore m'arriver de perdre patience alors que je sais pertinemment que ça ne sert à rien. Depuis le temps, ce n'est pas tant elle qui me crispe que des soucis extérieurs qui me rende impatient envers elle.
Relation quand même mélancolique parce qu'elle est souvent absente. Consciente de sa difficulté à parler, elle renonce souvent mais même dans ses moments, je suis impressionné par sa capacité à ne pas être frustrée ou à exprimer par des pleurs la dépression qu'elle vit. Certainement les médocs. Ca reste un peu spécial quand je me dis que je shoote ma mère. Je comprends direct que j'ai pu oublier une prise, rien que son regard et je suis là "allez maman, on va prendre ses cachets, hein ?".
Donc c'est plutôt tristouille dit comme ça.
Mais bon.
Ya encore plein de moments où on rigole. C'est devenu la normalité et finalement, on a eu des époques entre nous moins positive. Je peux radoter avec quelqu'un sans l'emmerder.
J'en profite pour voir comment ça évolue. Il y a quand même des choses nouvelles qu'elle assimile. Elle aura mis 2 ans à se souvenir qu'une de ses petites filles étudiait à Sciences-Po Rennes.
Le running-gag, c'est les infos à la TV, seul truc qu'elle peut regarder, un peu, systématiquement (elle ne réclame pas la télé et en sejou temporaire, il lui colle France 2 à tue-tête toute la journée, ça m'énerve). Beaucoup de mal à se concentrer et c'est dommage, j'ai essayé des films de son époque mais toujours la même réponse "je suis fatigué". Les docus, ça peut passer. Bref... Macron apparaît. -"C'est lui le président, c'est bien ça ?" -"Oui". -"Ah, je l'aime pas".
Et aussi des petits miracles (mais de plus en plus rares) où t'as l'impression qu'elle va mieux, voir qu'elle pourrait notablement récupérer. Puis les déceptions et tu finis par comprendre que ce ne sont que des phases.
Avez-vous fait face aux choix de les placer en EHPAD ou en résidence? Sinon, avez-vous commencé à faire des plans?Sinon, elle me paie un loyer plus les frais et le reste de sa retraite est épargné pour son futur établissement, ma sœur refaisant des demandes régulièrement sur via-trajectoire.com, histoire de ne pas avoir à patienter trop longtemps en cas de dégradation rapide de son état.
Des années que je veux faire des fausses factures avec un pote auto-entrepreneur aidant à domicile mais ma sœur met son veto.
J'arriverais à la faire céder.
En tout cas, on ne réalise pas à quel point la société ne tiendrait pas sans les aidants.
Était allé à une réunion organisée par le boulot pour les aidants. Genre de truc bien gentil mais où t'apprends R en fait, sur le côté pratique. C'est plus du psychologique en mode "t'es pas le seul dans ce cas". Sur une douzaine de personnes, j'ai eu droit à mes applauses, étant le seul mec
Et en fait, tout va bien chez moi en comparaison. J'étais entouré d'épouses ou de mères d'handicapés plus ou moins grave (avec genre le gamin qui score à 78% sur la grille de l'aide à l'handicap qui paie qu'à partir de 80%) et quelques-uns pour un parent.
Déjà prévu quelque chose pour vous-même ou votre conjoint?On a fait des enfants. Et v'là comment on leur met la pression par l'exemple.
Mais non. Marié, communauté.
Reçu mon premier courrier de ma mutuelle "vous avez pensé à l'assurance-vie ?" (Oui, connard, pas loin mais pas e fini de payer l'emprunt).
Sinon, j'aime m'imaginer en Robin Williams et m'occuper moi-même de mon cas mais c'est toujours plus facile à dire qu'à faire.
Sinon, ça va?Plutôt. J'ai fait mon deuil de ma mère d'avant, mais c'est toujours la même personne et donc on est plutôt content d'être ensemble. Mais c'est vrai qu'il y a un peu cette angoisse de la laisser seule la journée (elle a beaucoup de mal à téléphoner), la culpabilité d'oublier de l'appeler de prendre son repas devant le micro-ondes (ou que j'ai oublié de mettre devant).
Mais bon, parfois, c'est mes couilles, c'est bon, c'est pas tous les enfants qui feraient ça (genre mon beau-frère).
Et je gagne un peu de crédit social. Je suis un saint pour quelques personnes.
Enfin jusqu'à présent, je ne regrette absolument pas mon choix, sachant en plus que, en dehors de la précocité, je ne suis pas face à une demence sénile (même si proche) ou Alzheimer. Que les neuros m'ont dit qu'elle ne devrait pas éviter. Mais là, quand ce ser des délires de fugues et de vraiment ne plus exister dans ses souvenirs la plupart du temps, je pense que bon, j'aurais fait ma part.
Sinon le sondage, la vieillesse est évidemment un naufrage quand on voit le nombre de vieux au bord de la mer.