Vieux-Gontrand a écrit:
Le Coeur des Ténèbres c'est bien mais ce n'est pas le dernier mot du rapport à l'Afrique. Disons que la mentalité coloniale est bien rendue tout en étant niée, il postule qu'elle est aussi opaque pour l'Europe classique que ce ne le sont pour elle ceux qu'elle domine.
Si, il suffit de passer un peu de temps avec ces expatriés qui se sont abandonnés à toutes sortes de permissivités, notamment charnelles, ainsi qu'à l'appat du gain, financier et/ou politique : ils deviennent des personnages de ce court roman, une sorte de longue annexe matinée de
fan fiction.
J'avais vu un reportage un jour sur une dame d'âge mûr devenue cheffe de village je sais plus où, alors qu'en Europe elle était seule, au chômage, sans patrimoine ni rien. Reportage gênant par son ton bon enfant, son côté "regardez comme c'est folklo comme histoire", mais quand on sait ce qui peut se jouer là-bas pour la psyché "blanche", le cauchemar devenait apparent : Conrad a dit quelque chose d'immuable sur le risque formidable qui consiste à tout simplement
aller là-bas, surtout dans les régions tropicales, pour peu que l'on ait une "vision", même rudimentaire (en l'occurence dans le roman vendre de l'ivoire). Céline, qui n'aurait jamais lu Conrad si l'on en croit sa correspondance, en a capté un petit quelque chose aussi, mais de manière plus tatonnante, et pas au point d'y accorder la moindre centralité.
Ce n'est pas tant la colonisation comme entreprise rationelle d'implantation et de gestion d'un territoire lointain qui est étudiée par Conrad, d'ailleurs cette question est dissipée dès les premières pages quand le narrateur évoque les légions romaines débarquées pour la première fois en Angleterre. Le côté "c'est déjà arrivé avant" est anecdotique. La question c'est vraiment : qu'est-ce qui peut très facilement arriver à un occidental sur place. Et en cela, c'est toujours d'actualité, bien que l'Occident ait beaucoup changé en surface depuis la date de publication.
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