Hanyeo (
하녀) en VO,
The Housemaid à l'international.
Dong-sik, qui enseigne la musique dans une usine pour femmes, vient d'emménager sa famille dans une grande maison neuve. Afin de soulager son épouse, il emploie une servante recommandée par une de ses élèves. Mais celle-ci ne tarde pas à tisser un lien ambigu avec le maître de maison...Personne n'a essayé, du coup ? Faut se rassurer, c'est pas de la fausse ressortie surfaite et décevante : le film est inégal mais costaud. Au fur et à mesure de la vision, on se rend d'ailleurs compte que c'est finalement bien moins proche d'un
Théorème (une démonstration qui serait plus théorique, politique) que d'un vrai film d'horreur, un truc qui pourrait par exemple évoquer Bava (enfin de ce que j'en ai vu). La grande réussite du film, c'est d'abord Eun-shim Lee, qui joue à la fois comme une attardée et comme une sorte de démon jaloux : son visage étrange et buté, assez fascinant, et toute l'imagerie phobique qui en découlent, empêchent au film de devenir un objet froidement démonstratif. Je veux pas le couper de son contexte et de son projet : le réal fait clairement le portrait d'une famille qui sacrifiera tout plutôt que la sacro-sainte cellule familiale, et laisse résonner en sourdine, via son héroïne, l'idée discrète d'une vengeance sociale (sans compter que, pris sous un angle fantastique, la famille est comme "punie" d'avoir souhaité accéder à une maison plus riche).
Mais globalement ce qui reste c'est surtout cette impression de claustrophobie intense, de récit hyper dense, à travers un décor-cage utilisé à la perfection (l'escalier, les portes coulissantes, les fenêtres et leur balcon), et qui à force de tourner en rond dans cet espace réduit parvient à nous faire gober une logique narrative improbable (en cela ça rappelle d'ailleurs un peu
The Servant de Losey, qui tournait lui aussi tout autour d'un escalier). Passé la moitié du film, les personnages adoptent en effet un comportement de plus en plus irrationnel, mais le film nous a alors tellement mis "en boîte", comme le petit écureuil qui gambade dans sa roue, que les réactions les plus absurdes passent sans le moindre souci. Le côté oppressant vient aussi du fait que jusqu'aux enfants, aucun des personnages n'est un archétype : ils ont chacun une personnalité marquée et une accumulation de défauts qui évite l'impression de jeu de massacre un peu stérile, qui évite en quelque sorte une jouissance décontractée du carnage à l’œuvre.
Passé un début un peu lent, le film est brillant tant qu'il garde ce cap "série B" (la scène au verre d'eau recraché, terrible, la salle entière parcourue d'un frisson ; ou encore la fuite après le coup de poignard, qui donne soudain une image de la folie dans laquelle a basculé cette maison pour toute personne extérieure) ; tout au plus peut-on reprocher au réal un symbolisme un peu lourd, et une utilisation abusive de ses effets musicaux. On le sent néanmoins sur la fin un peu moins à l'aise pour conclure, et toute la dernière séquence entre le maître et la servante, ainsi que le monologue conclusif absolument WTF, laissent une impression un peu brouillonne. Ça manque vraiment d'un grand final, et la tension qui s'était graduellement accumulée retombe un peu comme un soufflé.
La copie : La restauration est dans l'ensemble impeccable (même si l'image est très grise), mais certains choix peuvent gêner (au lieu de sautes pour les images manquantes, le son continue et elles sont passées en noir, ou alors freezées pour les coupes très courtes). Le plus dommage concerne les deux bobines manquantes, remplacées par une copie anglaise qui a pris hyper cher, et dont il a fallu gommer les sous-titres incrustés (même effet que lorsqu'on gomme le logo des séries US, sauf que là ça prend la moitié de l'écran). En l'état, on voit mal comment ils auraient pu faire mieux, on sent qu'ils se sont fait grave chier, mais ça laisse espérer qu'on retrouvera un jour une copie correcte et entière pour bénéficier d'une restauration complète, parce que le film le mérite largement.