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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 28 Juil 2022, 19:55 
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oeil-de-lynx a écrit:
J'ai lu tellement de textes qui ridiculisaient ce bouquin et Ayn Rand en général que ça a titillé ma curiosité, mais ça a quand même l'air d'un gros pavé bien indigeste qui n'en vaut pas la peine.


J'ai aussi tellement lu que c'était nul et caricatural, dans le genre finalement pas si répandu du roman de gare.à idées, que ça peut avoir de l'intérêt pour cette raison, vu que ça sert encore de référence à des libertariens. Mais The Fountainhead a donné un excellent film avec les éléments cités par Müller, où d'ailleurs le personnage joué par Gary Cooper "voyant finalement son projet défiguré au nom du bien commun, Roark fait exploser le chantier." J'imagine que ton lien posté dans le topic "les trucs que j'ai appris aujourd'hui" n'est pas étranger à cette lecture ? Dis-moi, je suis curieux.

Müller a écrit:
gardons en tête que Rand a fait l'expérience de l'horreur socio-culturelle bolchévique. Après je suis pas une référence non plus en stylistique, je trouve Hemingway pénible à lire par exemple.


Un point intéressant à creuser

Citation:
"When Russian universities were opened to women after the revolution, she was in the first group of women to enroll at Petrograd State University.[16] At 16, she began her studies in the department of social pedagogy, majoring in history.[17] Along with many other bourgeois students, she was purged from the university shortly before graduating. After complaints from a group of visiting foreign scientists, many of the purged students were allowed to complete their work and graduate,[18][19] which she did in October 1924.[20] "


Elle aurait fait l'expérience de "l'horreur du russo-bolchévisme", ou c'est toi qui le dis, tout en en bénéficiant. Vue l'histoire du pays à l'époque, ses purges multiples, je n'ai aucun doute sur la réalité de l'horreur en question (Chklovski, amoureux d'Elsa Triolet, dit dans un roman épistolaire où celle-ci fait office de destinataire que cette période, qui coïncidait avec l'arrivée de la voiture, voyait aussi une recrudescence de viols, les hommes enlevant les femmes en voiture à Moscou à l'époque, je ne sais pas à quel point ça décrit une vraie réalité). De manière amusante, Elsa Triolet, riche russe bénéficiant d'un statut social encore plus important et d'une sorte de biculture, s'est exilée six avant elle en 1919, même si c'était pour finir communiste.


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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 28 Juil 2022, 21:46 
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Citation:
J'imagine que ton lien posté dans le topic "les trucs que j'ai appris aujourd'hui" n'est pas étranger à cette lecture ? Dis-moi, je suis curieux.


Si j'ai bien compris ta question : je ne fais pas de lien entre ce brave Monsieur Heemeyer et le peu que j'ai lu de Rand jusque-là. Heemeyer a été poussé à bout par la marche ordinaire d'une administration anti-humaine telle que nous-même en faisons l'expérience presque quotidiennement, mais pire car américaine. Il a construit le Killdozer et a semé la destruction et la sidération pour se venger, et je trouve ça vraiment formidable, sans ironie aucune. J'y vois un Ted Kaczinsky light, qui lui a quand même mutilé et tué des gens ordinaires qui n'avaient rien demandé même s'il a produit des écrits extrêmement pertinents et authentiquement révolutionnaires.

Rand est une recluse intellectuelle qui a produit une pensée profondément idiote, même si sa "pensée romanesque" si je puis dire, comme c'est bien souvent le cas chez les artistes radicaux, me paraît jusque là plus intelligente (ou du moins intéressante à suivre). L'auto-sabotage de la part de ses personnages idéaux, c'est pour éviter que leurs talents inouïs ne profitent aux parasites qui sont les antagonistes de ses histoires.

Citation:
Elle aurait fait l'expérience de "l'horreur du russo-bolchévisme", ou c'est toi qui le dis, tout en en bénéficiant.


Son article wiki mentionne ça aussi, juste avant : "She was twelve when the October Revolution and the rule of the Bolsheviks under Vladimir Lenin disrupted the life the family had enjoyed previously. Her father's business was confiscated,[12] and the family fled to the city of Yevpatoria in Crimea, which was initially under the control of the White Army during the Russian Civil War.[13] After graduating high school there in June 1921,[14] she returned with her family to Petrograd (as Saint Petersburg was then named), where they faced desperate conditions, occasionally nearly starving."

Socialisme, collectivisme, internationalisme solidaire et social sont présentés dans son roman comme les causes de l'effondrement global, ce qui peut s'entendre de la part de quelqu'un qui a été affamé par le bolchévisme. C'est d'ailleurs le seul élément de sa biographie qui suscite de la sympathie, avec ses dernières années tellement ironiques mentionnées dans la page précédente.

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 28 Juil 2022, 22:35 
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Non mais si tu prends wikipedia, elle était starving peut-être, ce qui est pas improbable mais, la source c'est un certain Chris Matthew Sciarra, spécialisé sur le sujet mais qui cite pas ses sources. Donc bon. Ensuite success story à l'américaine dès qu'elle arrive aux US. On ne va pas pleurer sur son sort. Aujourd'hui elle ferait des vidéos youtube en disant qu'elle est introvertie.

Sinon, je trouvais juste curieux que tu évoques cet épisode du Killdozer le même jour où tu rends compte de ta lecture de Ayn Rand, qui a décrit un épisode similaire dans l'un de ses livres, lequel a donné lieu a une adaptation où le mec fait pratiquement comme ce bon Heemeyer que je ne connaissais pas et dont la fin de vie a un certain panache, pas exactement d'ailleurs comme tous les terroristes de base, vu que calfeutré dans sa machine sans pouvoir en sortir, avant de se tirer une balle dans la tête, il aurait pris bien soin de ne faire aucune victime.

Oui, wikipedia ne suffira pas à nous faire une idée.


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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 29 Juil 2022, 06:16 
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bmntmp a écrit:
At 16, she began her studies in the department of social pedagogy, majoring in history.

En d'autre termes, elle a été à l'école de la propagande.


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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 29 Juil 2022, 08:12 
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bmntmp a écrit:
Non mais si tu prends wikipedia, elle était starving peut-être, ce qui est pas improbable mais, la source c'est un certain Chris Matthew Sciarra, spécialisé sur le sujet mais qui cite pas ses sources. Donc bon. Ensuite success story à l'américaine dès qu'elle arrive aux US. On ne va pas pleurer sur son sort. Aujourd'hui elle ferait des vidéos youtube en disant qu'elle est introvertie.

[...]

Oui, wikipedia ne suffira pas à nous faire une idée.


Lol pour le coup du vlog zèbre/neuroA.

oeil-de-lynx a écrit:
bmntmp a écrit:
At 16, she began her studies in the department of social pedagogy, majoring in history.

En d'autre termes, elle a été à l'école de la propagande.


C'est pas non plus exclu qu'elle ait été une agente soviétique envoyée au US pour y caricaturer façon cubisme le concept de rugged individualism et rendre la lutte anti-communiste risible, ce qui est un bon résumé de son héritage culturel.

Citation:
Sinon, je trouvais juste curieux que tu évoques cet épisode du Killdozer le même jour où tu rends compte de ta lecture de Ayn Rand, qui a décrit un épisode similaire dans l'un de ses livres, lequel a donné lieu a une adaptation où le mec fait pratiquement comme ce bon Heemeyer


Pure synchronicité, mais j'ai plus d'appétence pour les histoires type Unabomber, Killdozer ou le siège de Ruby Ridge (https://en.wikipedia.org/wiki/Ruby_Ridge) que pour l'univers randien. Ma lecture d'Atlas Shrugged, c'est surtout de la curiosité littéraire.

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 29 Juil 2022, 08:21 
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bmntmp a écrit:
Mais The Fountainhead a donné un excellent film avec les éléments cités par Müller, où d'ailleurs le personnage joué par Gary Cooper "voyant finalement son projet défiguré au nom du bien commun, Roark fait exploser le chantier."

The Fountainhead ça parle tout de même plus d'idéalisme artistique qu'entrepreneurial, je ne vois pas trop le lien entre Roark et le magnat du cuivre que Muller mentionne. Il ne serait par contre pas inintéressant de le passer à tous ces réals qui sont en train de se faire broyer par la machine Marvel/DC, si tant est qu'ils avaient du talent avant.


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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 29 Juil 2022, 08:38 
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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 29 Juil 2022, 10:21 
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Terminé hier soir Blackwater, roman de Michael McDowell (scénariste de Beetlejuice notamment) sorti en 6 tomes toutes les deux semaines dans des éditions poches sublimes par l'excellent éditeur Mr Toussaint Louverture. J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ces 6 tomes qui se lisent à une vitesse dingue (j'étais moi-même surpris de terminer chaque tome en 2 ou 3 jours et quelques trajets de métro). C'est une grande saga familiale dans l'Alabama rural avec une pointe de fantastique où la plus grande originalité c'est que c'est dominé par les personnages féminins. Tous les hommes sont assez faibles, soumis et dominés par leurs femmes/mères etc... Malheureusement c'est quand même pas un très grand roman. Tout ce qui est intéressant est un peu superficiel que ce soit la traversée du siècle ou bien sûr cet élément fantastique, très bizarrement relégué loin derrière le côté presque feuilleton soap des intrigues familiales. Du coup ça crée quelque chose d'un peu déséquilibré qui fonctionne bien au début, où le récit fluide et gentillet plonge brutalement et brièvement dans l'horreur fantastique, mais qui finit par paraître mal dosé, ce fantastique paraissant presque superflu. Surtout que les règles de l'univers sont loin d'être claires
d'un côté une histoire de créature aquatique à la The Shape of Water et de l'autre une histoire de fantômes vengeurs sans qu'on voie bien le lien d'un à l'autre, sans parler des talents médiumniques de Elinor...
du coup là encore ça donne au roman un côté roman de gare où il faut pas trop chercher la petite bête. J'espèrais un dernier tome, un peu plus dense de ce point de vue là mais il n'en est rien, on reste sur la même ligne jusqu'à un final qui fait la boucle avec le début mais qui est forcémetn un peu décevant. Pour comparer avec l'évidence, on est loin des meilleurs Stephen King.

Je crois que j'aime plus le projet éditorial vraiment réussi que le roman lui-même. Chaque tome est une merveille visuelle et je suis content de les avoir même si dans le fond les calculs sont pas bons parce que l'intégrale revient quand même à 50€. Apparemment c'est un grand succès (j'ai du attendre deux semaines la réimpression du dernier tome) et tant mieux.

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 29 Juil 2022, 11:02 
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Quant à moi, je me suis plongé dans un classique de la littérature de voyage (que je connaissais pas avant cette année), L'usage du monde de Nicolas Bouvier.

C'est un pur récit de voyage, au volant d'une Fiat 500, sur la route de la Yougoslavie à l'Aghanistan dans les années 50. Un jeune intello de 25 ans vivote de sa plume et des leçons qu'il peut donner en chemin, accompagné de son ami peintre, seulement porté en avant par la curiosité et l'envie de rencontres.

J'en suis encore au milieu, mais on se laisse porter par ce style à la fois distancé et précis mais très vivant qui fait la part belle aux descriptions et aux rencontres. Le gars ne cherche pas à s'inventer un destin d'aventurier et ne se met presque pas en scène mais c'est un érudit impressionnant qui va dénicher et enregistrer les chanteurs locaux, les micro cultures des paysans/brigands du fond des plateaux kurdes qu'on devine éteintes, écouter les histoires et observer le petit théâtre ethno-socio-politique des lieux où il s'installe, restant parfois longuement au même endroit.

Pour un si jeune homme, il a un regard très lucide et se garde de tout misérabilisme ou romantisme mais il pénètre les barrières sociales et langagières avec une aisance singulière, d'autant plus avec des cultures qui peuvent nous demeurer assez opaque encore aujourd'hui.

Bref, un vrai livre humaniste sans prétention et qui fait réellement voyager.


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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 01 Aoû 2022, 17:54 
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Je chie sur Alcott et son Little Women dans un autre topic, mais de la littérature protestante moraliste de bonne qualité, ça existe aussi.
Je me fais l'intégrale des Contes d'Andersen, et c'est violemment bon, tant son penchant pour le macabre et le bizarre épousent bien les lubies du protestantisme. Et c'est souvent fabuleux : la Petite Sirène, par exemple, c'est pas une histoire d'amour, mais l'histoire d'une meuf qui accepte de se faire trancher la langue... parce qu'elle veut une âme pour aller au paradis, et les sirènes n'en ont pas. Ou dans la Reine des neiges, la petite Greta se fait assaillir par des flocons de neige qui prennent des formes de cauchemar, et donc elle récite un Notre Père, et la vapeur que crée son souffle prend la forme d'un bataillon d'anges qui défonce les flocons.
C'est débridé, d'une grande poésie quand ça raconte la nature et les animaux, souvent très cruel (y a des histoires avec des cadavres, des décapitations, la mort est omniprésente), et le moralisme qui pourrait être insupportable s'affaisse devant la force des images et des représentations. Bref, je recommande très chaudement.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 23 Aoû 2022, 17:55 
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Le Journal du Voleur de Jean Genet, que je découvre tard. Magnifique bien sûr. On voit bien aussi par où la psychanalyse existentielle de Sartre a pu facilement se glisser, car des mots et tropes moraux reviennent à l'identique, comme des piliers dans le texte.
Ainsi l'idée que le vol est moins la négation de la bien-pensance qu'une forme d'extériorité revendiquée et constante avec elle. Le lecteur est souvent interpellé par un "vous" (qui découpe le texte en blocs) : votre monde. Mais sans agressivité, la norme est plutôt caractérisée comme une impossibilité à être par elle-même qu'une violence manifeste. Genet, au lieu d'en avoir après le moralisme et de scandaliser, envisage plutôt la passivité sans extérioroté de la loi et de la norme. Le vice est aussi faible qu'un mince écran entre lui et le lecteur (bourgeois prototypal, envers lequel le livre est étonnamment pédagogue : tout est défini et introduit dans l'univers de Genet). Le sens de ce vouvoiement de la bourgeoisie : il n'y a pas de différence entre cette notion d'écran, entre sa solitude, et le déni qui fait de la marginalité un rapport raté, à la fois désirant et lucide, envers la norme sociale. La loi, le tente car elle est aussi un cérémonial mais lui seul en sait la faiblesse. Le voleur est une disposition morale pure, une connaissance de soi exacte, et la misère où le vice sont plutôt qu'une inversion, l'impossibilité pour ce savoir de se rapporter à un objet. Rien n'est digne d'être investi pour cette lucidité, qui refuse le monde sans le condamner (definition de l'amour). Au contraire, ce vouvoiement déplace l'inversion et la provocation du côte du lecteur. Abstrait et prototypal, introjection de l'ordre moral, hétérosexuel et bourgeois dans la fiction, celui-ci n'accède pas à la connaissance de soi
mais est investi par elle. Il est un objet de désir. Il faut achever la compréhension du monde avant de le subvertir, et le Journal est écrit du point de vue de ce processus en cours : on se justifie soi-même ou bien on justifie le monde . Il y a peu de jouissance dans le livre, sinon dans le passage nietzschéen à Cadix, où Stilitiano abandonne le narrateur, mais au contraire une forte insistance sur le terme "rigueur", vu moins comme un effort qu'une sauvegarde : Genet est déjà contraint par le sens, avant de l'être par une loi ou une morale qui formeraient alors moins des formes d'arbitraire et de domination que la copie stérile et inutile de ce sens. Au contraire, le bourgeois (à la fois le lecteur et le monde) est justifié avant d'être exposé à la violence (Genet, lui, se situe dans un monde à la fois hypothétique et réel, là où l'abandon et la fuite sont possibles, où il n'y a pas d'autre violence que celle du sujet) : à la limite il est aliéné à la place de ses objets (d'où une forme de compassion morale chez Genet, qui est aussi interne à la poésie, au domaine esthétique). Pour le bourgeois par exemple le rituel de Noël est conventionnel et sans valeur, quand Genet le revit, au point de valoriser le gel, qui devient son signe plutôt que ce qui l'entâche et renvoie aussi à son origine païenne et météorologique. Il faut à la fois croire et recommencer, d'où peut-être le fait que Genet coupe peut-être moins avec la société qu'avec la nature, qui est une origine et une valeur, a le même statut que ses parents qu'il n'a pas connu dans le beau passage où il parle de sa naissance, de son placement et aussitôt de son rapport entre son nom et la fleur (Zagdanski, qui part par ailleurs souvent en roue libre, a d'ailleurs dit un truc intéressant sur ce texte dans son séminaire YouTube sur le sionisme). Le lecteur ne se travestit pas, il est aussi vieux et naïf (mais aussi disponible) que l'ordre quand, la transgression et le travestissement sont la fiction d'une nouveauté de la loi (alors sûre de ses raisons plutôt que de son objet): les Carolines sont bien les premières femmes de la création.

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MessagePosté: 22 Sep 2022, 14:18 
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Les fans de Carrère (Cosmo ?), il est bon V13 ?

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 22 Sep 2022, 16:21 
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Si ce sont les mêmes textes que les chroniques de l'Obs, et que la préface par le rédacteur est la même que celle qui a été publiée dans leur pages, j'éprouve de fortes réserves.
Emmanuel Carrère semble avoir été convoqué au procès en tant que "spécialiste littéraire du mal et de la psychologie des profondeurs" sans avoir un point de vue particulièrement fort sur le contexte politique et social des attentats, et mettait au centre de ses chroniques la fascination que la psychologie de Salah Abdeslam était censée exercée sur autrui, sans vraiment y croire lui-même, mais parce que cela permet de donner un canevas dramatique à la narration. Il donnait aussi l'impression de spéculer sur la valeur des stratégies des avocats (rupture ou aveux partiels) et sur la sincérité des remords des accusés comme un bookmaker le ferait d'un évènements sportif.

Quant à la préface du rédacteur en chef, elle parle surtout des emplois du temps professionnels respectifs de Carrère et du journaliste que le procès a chamboulé. Fascinant. Une vraie leçon de résilience.

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Dernière édition par Vieux-Gontrand le 22 Sep 2022, 22:08, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 22 Sep 2022, 18:10 
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Billy Budd a écrit:
Les fans de Carrère (Cosmo ?), il est bon V13 ?


Oui, très bien, très intéressant, souvent très finement observé (j'aime cette simplicité dans l'écriture, cette clareté dans le vocabulaire et dans la démonstration).
Pour rebondir sur le message de Gontrand qui, comme d'habitude, a tout-vu-tout-lu, ce sont ses articles de l'Obs mis à jour (il explique vite fait comment et pourquoi). La postface est la même par contre, apparemment.

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 22 Sep 2022, 20:52 
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Lu les 50 premières pages, sur la proximité entre les cultures russe et americaine qui se construit à la fin du XIXème à partir de, mais aussi contre l'Europe (le pivot romanesque est ici Flaubert, qui même dans Salamnbo n'échappe pas au monde bourgeois - du coup on comprend que les pages qu'Aragon consacre a Salamnbo dans Blanche ou l'Oubli répondent au livre de Steiner) c'est :shock: il a vu venir beaucoup de choses.

Etonnant aussi de voir que, d'esprit plutôt conservateur, il reconnaît sa dette envers les théories de Lukacs sur le roman réaliste et l'historicité politique de la littérature.

Et Gilles Deleuze a bien pompé ces pages dans sa préface à Bartleby.

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