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MessagePosté: 10 Sep 2014, 23:30 
1972, à Milan. La société est polarisée entre une campagne électorale routinière, la contestation des gauchistes autonomistes et un populisme d'extrême droite des néo-fscistes (ceux-là sont les seuls à la fois un discours activiste et électoralistes). Les clashes entre les militants gauchistes et la police sont violents. Une des cibles est "Il Giornale", un journal conservateur à grand tirage, financé plus ou moins en sous-main par un jeune patron d'extrême droite. La jeune fille d'un industriel de la ville est retrouvée assassinée dans un dépotoir. Le principal suspect est son ex-ami et camarade de lycée, militant de gauche un peu gourd et immature .
L'ex-maîtresse de celui-ci, une vieille intello paumée (Laura Betti, géniale) se venge de lui en l'accablant auprès des flics .Le rédacteur en chef madré d'il Giornale (Gian-Maria Volonté) décide d'exploiter le fait divers afin de susciter un clmat de surenchère sécuritaire quien termes électoraux,, devrait bénéficier logiquement à son courant politique. Il décide de mettre sur le coup Rovera, un jeune journaliste zêlé et efficace, mais un peu trop à gauche, jusque là spécialisé dans la couverture d'évènements syndical. Cela permettra par la même occasion de lui faire comprendre jusqu'où il peut aller trop loin...


Il s'agît d'un film dont le traitemet du contexte politique est singulier, mais celui de l'intrigue policière fort classique, sans doute par soucis d'exposer la position politique du cinéaste dans une forme populaire. Daney a en son temps écrit un article très dense et passionnant sur l'ambiguïté du film, en se focalisant sur le seul angle politique. En gros il signale que le film tape sur toutes le forces politiques d'alors en les renvoyant dos-à-dos, sauf les communistes qui ne sont pas montrés du tout, et apparaissent en creux comme une solution médiane entre rupture et responsabilité, exploitation et anarchie, culture populaire et culture noble, ce qui correspondait aux convictions de Bellochio et de Gian Maria Volonté (qui dans le film se glissait dans la peau d'un propagandiste de droite). Daney a sans doute raison, il y a en effet un turc qui met mal à l'aise: les manifestations gauchistes sont représentées de manière documentaire, par des rushes d'actualité, des extraits de vrais discourse vraies manifestations , tandis que le complot du pouvoir conservateur est fictionnalisé, ce qui confère en retour une dimension de tragédie à la situation de la gauche "réelle"; entièrement dominée par le complot de la fiction. Les deux univers ne se répondent ainsi jamais, et ne s'opposent pas réellement, tout en étant intégrés dans des situations morales et dramatique communes.
Mais Daney dit injustement que dans le film, les seuls à représenter le peuple sont les fascistes. Ce n'est pas tout à fait le cas: le peuple est présent à la fois dans le suspect innocent(le gauchiste) et le vrai coupable (un surveillant du lycée, névrosé sexuellement et religieusement). Le peuple est placé dans l'ambivalence entre innocence et culpabilité, qui est liée de façon assez étrange à la position problématique du sexe à la difficulté d'assumer entièrement la libération sexuelle (l'innocent, lorsqu'il se décide à parler aux flics est quand-même coupable de quelque-chose pour lui-même
: puisque la jeune fille l'avait plaquée, il l'avait laissée à pied sans la reconduire en voiture dans le terrain vague où son meurtrier la suivait), le vrai coupable a agît de manière irréfléchie, pour préserver la pureté sexuelle d'une femme qu'il ne pouvait concevoir que comme sainte, à la fois mère et vierge, finalement victime de la naïveté de sa ferveur religieuse qui lui barre l'accès à la sexualité. Cette articulation d'une culpabilité commune aux sphères religieuses et politiques, qui est finalement réintégrée complètement dans la logique sociale mais rend à rebours la via familliale et amoureuse impossiblen se retrouve peut-être dans l'évolution ultérieure du cinéma de Bellochio, notamment la série "Sourire de ma Mère" - "Buongiorno Notte" - "le Metteur en Scène de Mariages"- "Vincere". Les personnages de tous ces films et le mouvement de balancement entre eux se retrouvent déjà dans le feuilleton sophistiqué de "Viol en Première Page": le religieux, le fils rebelle, intère et solitaire, la sainte, l'épouse baffouée, le fou, le soignant, les religieux qui promettent un salut réelement pris en sérieux tout en étant des courtisans du pouvoir temporel.
Même le rédacteur en chef cynique a une sorte de sursaut moral qui tourne sur l'idée de honte et de diminution sexuelle: en manipulant et faisant chanter le vrai coupable politiquement, il se met à éprouver une compassion muette pour la victime du meurtre, il comprend le glauque de l'évènements brut qu'il veut cacher. Il parvient même à rompre avec l'hypocrisie et le manque de sincérité de sa famille et de son couple (superbe scène), à être ému par la misère sexuelle et le marasme psychologique du personnage de Laura Betti au point d'être séduit (et à son tour manipulé) par elle, tout en continuant à jouer son rôle de propagandiste crypto-fasciste avec zêle. Un univers où la compréhension de la fragilité d'autrui est liée à un rapport d'objectivation et non de subjectivation, où c'est la réciprocité des rapports de manipulation qui est l'inconscient du pouvoir, la part de lui-même qu'il oublie, et aussi ce qu'il s'agît de découvrir à la fin du film.

On pense souvent à ce que dit Foucault de la sexualité dans ce film: qu'elle est un discours, un objet privé de son autonomie dans le moment même où on fait l'enjeu central de la liberté. Dans le film il y a un partage et une relation de complémentarité entre le prolétariat, qui incarne un sens authentique, et le pouvoir bourgeois, qui décide d'un discours et d'une représentation, les contrôle mais est conscient du vide de sens qu'il insalle. Mais cette complémetarité est conditionnée par le fait que la sexualité a la même valeur et le même poids symbolique pour tous, elle est ce qui est foncièrement même et identique. Les dominants ont trop de scrupules sexuels pour jouir de l'aliénation qu'ils instaurent, les combattans prolétariens pas assez pour comprendre la nature de ce qu'ils prétendent renverser. Les communistes sont au milieu: ils récusent l'ordre familial, mais au nom de le pudeur.

Sinon le film est assez plan-plan et didactique (ce qui est intéressant, particulièrement quand le fonctionnement du journal est montré), mais de très belles scènes se détachent. A la fin il ya la belle idée de montrer qui était réellement la jeune-fille, de la filmer, la scène de la rupture avec son copain est très belle.


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MessagePosté: 07 Avr 2021, 19:35 
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Vaut mieux l'avoir en journal
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Inscription: 04 Juil 2005, 15:21
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Véritable film coup de poing dans ses vingt ou trente première minutes, qui alterne les archives politiques, les révoltes populaires, les scènes de fonctionnement du journal, puis qui s'étiole par la suite à travers une intrigue policière simpliste. C'est dommage, car ça reste malgré tout prenant, glaçant par moments (le discours sur la place de chacun...).
3.5/6

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Anthony Sitruk - Bien sûr, nous eûmes des orages
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MessagePosté: 07 Avr 2021, 20:09 
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Robot in Disguise
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Inscription: 13 Juil 2005, 09:00
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Ah oui d'ailleurs y a un remake qui sort l'an prochain: "Viol en trending topic".

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