Civil War, ou le gros "event" (ces mini-séries où tous les héros d'un univers se croisent dans une intrigue qui va redéfinir l'histoire du dit univers pour un bon moment) de Marvel, composé d'un nombre incroyable de "tie-ins" (tous les numéros des différentes séries qui font partie de la même histoire même si elles peuvent être lues plus ou moins indépendemment les unes des autres), de loin ça avait l'air pas folichon.
On pouvait croire à un simple event qui n'aurait rien d'autre à offrir que la baston entre super-héros. En plus de revisiter des idées déjà vues ailleurs dans X-Men ou Watchmen.
L'histoire commence ainsi (c'est pas grave si vous connaissez pas les persos, ils sont volontairement obscurs) :
L'équipe des New Warrior, menée par Speedball, est suivie par une émission de télé-réalité lorsqu'ils décident d'infiltrer et d'attaquer le repère d'une équipe de méchants à Stamford, dans le Connecticut.
Seulement l'opération tourne au désastre et durant le combat, Nitro, l'un des méchants, crée une énorme explosion qui tue plus de 600 personnes (dont 60 enfants dans leur cour d'école), ne laissant pour seul survivant que Speedball.
L'opinion publique se retourne contre les super-héros. Johnny Storm (La Torche des Quatre Fantastiques) se fait attaquer à l'entrée d'une boîte par exemple, etc. Et Tony Stark (Iron Man), culpabilise devant les reproches de la mère d'une enfant tuée à Stamford.
Le Congrès, soutenu par Stark, fait alors passer très rapidement le Superhuman Registration Act, qui implique que toute personne dotée de super-pouvoirs doit se déclarer au gouvernement, révéler son identité aux autorités et être entraîné avant de pouvoir servir.
Lorsque Captain America refuse de rejoindre une équipe du S.H.I.E.L.D. chargée de chasser les superhéros non-déclarés, il est attaqué et dveient un fugitif. Il forme alors (avec d'autres tels que Daredevil, Luke Cage) un groupe de résistants tandis qu'en face se crée le camp adverse, mené par Iron Man, Mr. Fantastic (Reed Richards des Quatre Fantastiques) mais aussi Spider-Man qui, pour prouver son soutien à la nouvelle Loi, révèle son identité lors d'une conférence de presse, tout comme Iron Man.
La Guerre Civile éclate.
C'est le waï.
Les auteurs ne cherchent pas à s'en démarquer, l'histoire a deux niveaux de lectures. D'un côté, on a un event énorme avec des supermecs qui se foutent sur la gueule, de l'autre, on nage en plein post-11 septembre (encore et toujours) avec tout ce que ça comprend d'allégories avec le Patriot Act, la notion de liberté, les valeurs de la Constitution, la persécution des héros sur le territoire comme des musulmans, etc.
En cela, le postulat de départ est donc super riche.
Pour ce qui est des 7 numéros de Civil War, je dois m'avouer un peu déçu. En soi, c'est très, trop, rapide. Ca marche peut-être mieux dilué sur 7 mois mais là, en un coup, ça va super vite, et la lecture des tie-ins s'impose. Notamment celle de l'autre mini-série, Civil War : Front Line, qui suit principalement Ben Urich et Sally Floyd, deux journalistes, l'un au conservateur Daily Bugle, dont le rédac chef est notre bien-aimé J. Jonah Jameson, réac comme pas deux, et l'autre dans un magazine alternatif.
C'est Mark Millar (déjà le brillant auteur de The Ultimates, également chargé en analogies politiques) qui écrit les 7 Civil War et y glisse les principaux tempos de l'histoire. Les gros trucs quoi. Les bases.
Paul Jenkins (Wolverine Origin) s'occupe de Front Line, pour lequel il a eu carte blanche afin d'évoquer l'actualité politique américaine. Et il ne s'en prive pas.
Front Line se divsie en plusieurs histoires, s'alternant au fil des pages, sans jamais qu'on le perde ce fil justement. C'est très habilement écrit. Dans des moments où les genres se mêlent et l'on vouvoie Watchmen (on vouvoie seulement hein, on tutoie quedalle).
Il y a "Embedded" qui suit les journalistes et leur enquête donc, façon Les Hommes du Président.
Mais aussi "The Accused" qui suit le survivant Speedball, accablé, culpabilisant, maltraité, bouc émissaire, comparé (ON NE PEUT PLUS FRONTALEMENT) à Lee Harvey Oswald, dans un parcours qui fera de lui un tout autre personnage, complètement bousillé par les événements.
"Sleeper Cell" est la mois intéressante des petites histoires mais nourrit l'enquête des journalistes jusqu'à leur découverte finale, le vrai twist de Civil War.
Mais SURTOUT, la grosse surprise de ce Front Line (11 numéros au fait), c'est "Correspondance". Il s'agit de petits interludes, très courts (4 pages max) qui mettent en parallèles des anecdotes de guerres passées (Guerre Civile Britannique, Guerre de Sécession, Première, Deuxième Guerre Mondiale, Viet-Nam), souvent accompagnés de poèmes ou de paroles de chansons réels (et quasiment zéro dialogue), avec les événements de Civil War, avec à chaque fois un dessinateur différent.
Y a des trucs très beau là-dedans.
Cependant, c'est justement au niveau du dessin que Civil War (et Front Line) déçoivent. Pour Civil War, McNiven se débrouille. C'est un ponte, et il fait quelque chose d'assez épique, mais ça va pas tellement plus loin (disons que pour du mainstream, y a mille fois plus inspirés ailleurs, je pense à Hitch sur The Ultimates ou Frank sur Supreme Power, tout ça chez Marvel), notamment au niveau du découpage.
Et Front Line n'a aucun vrai gros "nom" parmi ses illustrateurs, ce qui est dommage parce que le scénar est quant à lui à la hauteur.
A ce niveau-là, je reste sur ma faim, surtout quand je repense à Identity Crisis (une mini-série assez importante chez DC de 2005) où le dessin parvenait à émouvoir même le Freak le plus incrédule (je pensais pas ressentir de la peine devant Elongated Man -une sorte de Mr. Fantastic- en pleurs suite au meurtre de sa femme, et du coup incapable de se contenir "physiquement", laissant son visage presquer COULER alors qu'il pleure) et où le découpage créait un suspense super efficace (la scène où Batman et Robin doivent se rendre au plus vite chez Robin pour sauver son père, menacé, c'est grand).
J'avais peur, je trouvais le nombre insurmontable de tie-ins superflu et maintenant je me surprends à vouloir tous les lire.
L'event a pas trop mal géré son coup...les bâtards...je suis sûr qu'il y aura des tas de choses très intéressantes à lire, notamment dans les séries consacrées à Spider-Man.
En tout cas, j'ai déjà les numéros de Wolverine liés à Civil War, où le mutant part à la recherche de Nitro (le mec qui a explosé) alors que les X-Men ont décidé de rester neutre concernant le Registration Act et la Guerre Civile.
En tout cas, je conseille.