Voici, à ce jour, mon Chabrol le plus intrigant... L'année suivant le chef-d'oeuvre Le Boucher, Chabrol réalise cet étrange métrage, mêlant ses obsessions habituelles (lutte des classes, bourgeoisie suffisante, étrangeté du quotidien, pouvoir du commérage et des on-dit, misère de la sénilité...) et celles de l'époque (notamment la drogue, dans des séquences psychédéliques ahurissantes, mais aussi l'amour libre, dans des trucs bizarres pédophiles moins subtils - cette dernière partie étant sans doute la faiblesse du film).
En admirateur d'Hitchcock, Chabrol signe donc un film fascinant, mis en scène avec un sens du détail qui cloche, du suspens et de l'étrange, digne du maître. Avec, en bonus, une brochette d'acteurs sublime (Cassel, Bouquet, Carmet... Annie Cordy !!!), dont je retiendrai surtout l'incroyable performance de Stéphane Audran.
On parle peu de cette grande dame du cinéma français, aujourd'hui malheureusement reléguée à la TV ou aux comédies ineptes (Ma femme s'appelle Maurice, J'aim Faim!, Belle-Maman... un carnage, la pauvre...). Elle est pourtant indispensable dans le paysage hexagonal, notamment pour cette période Chabrolienne hautement prolifique en oeuvres marquantes (Les Biches, Le Boucher, La Femme Infidèle...). Mais elle n'a sans doute jamais été aussi belle, aussi imposante, aussi brillante que dans ce film, incarnant une femme à la dignité inébranlable, et transmettant par les infimes subtilités de son jeu les moindres manifestations de sa force de caractère ("Je suis épuisée, mais j'ai encore toutes mes forces", dit-elle alors que la situation serait invivable pour n'importe qui d'autre - et on sent alors cet état particulier dans le regard, dans les gestes, dans les attitudes, dans l'intonation d'Audran).
Bonne nouvelle : Chabrol, qui n'avait pas fait appel à elle depuis Betty en 1992 (!), lui fera reprendre du service dans sa future Comédie du Pouvoir.
(si qq'un connaît un bon site, ou un bon bouquin, exhaustif sur l'oeuvre de Chabrol, je suis preneur)
Petit texte intéressant :
"La rupture
Capsule by Dave Kehr
From the Chicago Reader
One of the key films of the 70s, La rupture is Claude Chabrol's most audacious experiment with narrative form--a modernist reworking of the melodrama (1970). Stephane Audran is innocence unprotected, a wife and mother whose husband has gone mad under LSD, and who now has to suffer a bizarre plot spun by her father-in-law to recover custody of her child. The "rupture" of the title belongs to the narrative, which begins with clear black/white, good/evil distinctions and then gradually self-destructs, breaking down into increasingly elliptical and imponderable fragments. Highly recommended. "
