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Capricci (Carmelo Bene, 1968)
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Auteur:  Vieux-Gontrand [ 10 Mai 2019, 17:14 ]
Sujet du message:  Capricci (Carmelo Bene, 1968)

3 incarnations, décalées, rivales et complémentaires, du quator aussi infernal que conventionnel, de l'artiste, du mari, de la femme et de l'amant, adaptées de Manon Lescaut et de la pièce élisabéthéenne Arden de Faversham. La première histoire prend place dans l'atelier d'un peintre catholique , qui empoisonne sa peinture pour tuer, la seconde dans la chambre de la femme de mauvaise vie, humiliée et vengeresse, et la troisième dans un cimetière de voitures où Manon et Des Grieux se suicident perpétuellement, en crashant la même Alfa 1900 jaune canari.
Les trois épisodes sont reliés par un carabineri pleurnichard, voyeur souffrant et bedonnant et un travestis accompagné un d'homme-tronc


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De Carmelo Bene, metteur en scène de théâtre important des années 60, je ne connaissais que tement je ne l'ai jamais terminé) le texte, superbe, évident et difficile, hermétique et pourtant immédiatement famillier, de Notre-Dame-des-Trucs, qu'il a aussi adapté au cinéma un an avant Capricci.

Je n'avais jamais vu de film de lui, et ai vu celui-ci dans le cadre d'une rétrospective consacrée à l'anniversaire permière quinzaine des réalisteurs u festival e Cannes (1969), à la cinémathèque de Bruxelles, dont la sélection était en effet très forte et marquait une forme de rupture avec la Nouvelle Vague.


Ainsi, Capricci que l'on pourrait qualifier de semi-expérimental (le récit est maltraité, mais mais jamais tout à fait mort, cela reste du cinéma qui se pose volontairement à la limite mmmmmmm entre "commercial" et cinéma expérimental) est assez godardien (Anne Wiazemsky a un -très beau - rôle muet dans le cimetière de voitures, qui reprend aussi le climat de Week-End), et en même temps introduit une rupture avec Godard, qui perçoit lui mson film comme une contribution politique directe a la lutte (qui inverserait au contraire de Benem le rapport intial et ferait de la politique réelle l'avant-garde de l'art).

On sent l'amorce, sous une forme plus pure et énergique, du cinéma "pictural" qui a émergé ensuite, que Bene essaye de relier encore à une forme de critique politique, assez proche de celle de Pasolini (Bene a joué aussi dans Oedipe et Médée), qui date le film dans son époque tout en en préservant la singularité. Mais cette critique et cette affinité avec les combats de l'époque sont travaillées par un doute et une inquiétude, où l'esthétisme vaut à la fois comme recul et témoignage. Cette réserve s'exprime non par une thèse et des mots, mais par l'image, la situation et la couleur, la dérision camp, qui doit comme choisir de quoi se moquer : de l'ordre social ou de la mort ?


Sans Bene il n'y aurait pas eu de Peter Greenaway, de David Cronenberg, d'Almodovar période Movida. Quelque chose dans le film énonnce aussi le foisonnement (plus sage et cérébral) de l'école de Spike Jonze et Gondry, même si les références de Bene sont lmmmma peinture baroque et Roland Barthes plutôt que Freud et l'enfance.

Bene me paraît aussi avoir énormément influencé le meilleur de l'esthétique des clips des années 80 et 90 . Les clips d'Anton Corbijn pour Depeche Mode, celui de Losing My Religion de R.E.M. n d'Happiness is a warm gu es Breeders, la pochette baroque de Closter de Joy Division aussi, proviennent de Carmelo Bene .


Certaines scènes sont un peu lourdes dans leur dimension allégoriques, mais marquantes : un modèle de vieillard cacochyme, en tunique, imite le Saint Jérome des peinture de Ribera, mile la crucifixion mais regarde sa montre d'un air impatient, en soufflant, fatigué.
Bene affronte pendant ce temps le peintre dans son atelier au milieu de toiles immenses christs crucifiés, figurés dans le style d'Arroyo et Monroy, et de tableaux-dazibao avec la faucille et le marteaux du PC.
Bene tient un marteau réel, le ypeitnre une faucille, toutes deux dorées, qui finissent dans le combat par déchirer leur propre représentation en tableau.
Le symbole du communisme fait alors penser à ce qui pour Descartes ou la phénoménologie, est à la fois le monde et sa possible reproduction, et doit dès lors être neutralisé puis reconstruit. Le doute, dans cette indécision est la même chose que l'identité à soi-même, le scepticisme qu'il installe ne médiatise jamais une forme d'altérité. Au contraire, il a pour but de séparer autrui du monde repris dans la conscience, il laisse à autrui son nom, quand le moi au contraire doit perdre son nom pour se prouver à la fois comme idée et comme sujet réel et charnel.


Bene c'est la phase baroque, cynique et mélancolique des années rouge. Une très belle scène pourrait être la préfiguration lucide et poétique des impasses des années de plombs, avant le dérapage lui-même ; un couple révolutionnaire crashe plusieurs fois une Alfa Roméo dans un terrain vague, mais n'arrive pas à détuire les voiture, ni à se suicider. Ils font finalement tout exploser, y compris eux-même. Mais lorsqu'ils meurent enfin, des jeunes gens apparaissent tranquillement de nulle part et démarrent les voitures enflammée, rejoignant sans problème le trafic. Ce qui est, l'idéologiquement et collectivement, au plan des idées, une forme d'avertissement et de moralisme, devient exactement ce qui, pour Bene seul, de la mélancolie et de la nostalgie, en somme l'objet d'un regret.
L'esthétisme et le goût pour la forme expriment le passage de l'un vers l'autre. La décadence (les drapés, les alcôves à la fois sophistiquées et enfantines, terrorisantes et réminescents du ventre maternel) a exactement la même valeur que l'origine, la poésie et le radicalisme de l'oeuvre de Bene se retournent alors en scepticisme et en conclusion adrupte (d'où peut-être le fait qu'il a très vite abandonné le cinéma, en 5 ans à peine, avant de revenir au théâtre).

La question de Bene me semble être "qu'il y a t'il derrière l'absolu, derrière la révolution ? ", peut-être la matière, l'innocence d'une pure couleur, et d'un pur corps, margnial, minoritaire sans provocation. Mais peut-être est-ce aussi l'inverse : l'idéal ressemble à un alibi, même lorsqu'il concerne la matière, le corps immédiat : le rose des draps et des fleurs peuvent aussi bien être le masque et le refoulement derrière lequel la subversion est perpétuellement différée : elle devient elle-même le spectacle, une critique critiquée.

Il s'agit bien de réaction, aux sens à la fois psychologique (dans le récit), et politique (dans l'idée) * : tout ce qui est intentionnel dans la subversion relève du baroque, d'un ciel tourmenté, d'un clair-obscur, d'une familiarité subie mais fascinante entre le tragique et le grotesque, et finit ainsi par s'opposer au langage lui-même, qui lui survivra forcément, Bene essaye, une dernière fois de montrer l'image elle-même, au moment où elle a tragiquement pris conscience d'avoir un destin, qu'elle a dû échanger contre sa raison et sa justification.

*reliés par le très beau personnage joué par Ornella Ferrai de la femme que son mari a mise à nue et qui se venge en l'assassinant, classique (c'est un cliché romantique) dans sa psychologie et sa langue, déconstruit dans son apparence, sa voix et son corps.

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