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Une pluie sans fin (Dong Yue, 2018)
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Auteur:  Abyssin [ 03 Aoû 2018, 12:50 ]
Sujet du message:  Une pluie sans fin (Dong Yue, 2018)

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Dans le sud de la Chine, peu de temps avant la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997, des meurtres sont commis sur des jeunes femmes. Comme la police n'avance guère sur l'enquête, Yu Guowei, chef de la sécurité d'une vieille usine d'État, se met à enquêter avant que l'obsession ne le pousse à aller plus loin…


Bon Kokoff c'est absolument ta came donc va le voir les yeux fermés. Pour les autres, premier film chinois qui est un peu un hybride entre du Memories of Murder et du Fincher période Seven. Le résultat est assez frustrant car le film souffre de son ambition mal gérée mais il y a de belles fulgurances cinématographiques qui rattrape le tout et Dong Yue s'impose en un film comme un des plus grands espoirs chinois. Ce qui est assez fou c'est la manière dont la mise en scène exploite le paysage des usines de Yunnan et le climat pluvieux pour en faire de véritables personnages du film. Atmosphère bien poisseuse, la mise en scène de Yue impressionne et créé une ambiance désenchantée qui débouche sur de nombreux moments de virtuosité. Je ne vais pas tous les citer mais il y a de nombreuses scènes qui retiennent l'attention comme l'accident, la poursuite ou les moments intimes entre le couple central.

Plus que l'intrigue, Yue se repose sur ses personnages d'une densité assez folle avec une compassion et un regard de cinéaste qui fait la différence. Il faut voir l'attachement qu'on ressent à l'évolution du couple final qui s'imbrique parfaitement avec l'intrigue policière. Il y a de très belles choses comme les moments platoniques de la vie du couple dans le salon de coiffure où cette intelligente et surprenante ellipse vers la fin. Après le film a un gros problème c'est qu'il a beaucoup de mal à gérer son ambition qui est de mêler discours politique (vision des cités ouvrières chinoise de 1997), histoire intime des protagonistes et intrigue policière. L'osmose des genres n'est au final pas très heureuse. Autant l'intimité du couple est super bien gérée, autant la résolution du crime est bâclée et sans intérêt et le côté politique arrive parfois comme un cheveu sur la soupe.

Il faut voir cette conclusion superbe visuellement mais avec un message final qui est maladroit et inutile. Ou cette scène super flippante de l'accident qui se termine de manière un peu facile même si la mise en images est impressionnante. Bref premier film avec pas mal de défauts et plein de promesses. A l'image d'un Infernal Affairs, il serait parfait pour une adaptation dans un cadre américain (j'imagine très bien une version à la Scorsese). L'impression de découvrir un futur gros talent du cinéma chinois malheureusement gâchée par le résultat bancal.

3,5/6

Auteur:  Mr Chow [ 03 Aoû 2018, 15:34 ]
Sujet du message:  Re: Une pluie sans fin (Dong Yue, 2018)

Le film est pesant et incertain dans son atmosphère, et les influences sont assez lourdes (genre : on vous remake des pans entiers de ces films que vous n'avez pas vu), mais on trouve un peu de romanesque existentialiste et mélancolique dans la seconde partie qui le fait décoller... J'ai aussi pensé à Dans ses yeux. Et ça permet d'en apprendre un peu plus de ce contexte de la Chine de 1997, avec ces décisions de fermetures massives d'usines du jour au lendemain (qui se rejoue actuellement, en se basant sur les problématiques de l'environnement). Le statut de ce héros vigile ouvrier ambigüe avec la police est original également.

Il y a quand même pour un film qui passe toutes les étapes de la censure une certaine liberté de ton, et un regard politique et social assez fort, même si peu léger (bon, c'est resté très peu à l'affiche là-bas...)

Auteur:  Gontrand [ 10 Nov 2018, 08:29 ]
Sujet du message:  Re: Une pluie sans fin (Dong Yue, 2018)

Bien aimé, je rejoins Abyssin et Chow. Le film joue avec les poncifs du polar (cela fait penser aussi bien à Zhia Jangke ou à certains Hou Hsiao Hsen comme sur un mode bis qu'à Angel Heart, les polars de Kurosawa, le Kitano période Hana-Bi, Série Noire ou au couple d'outsiders moraux à la fois parfait et mal assorti de Veronika Voss de Fassbinder) , au début de façon assez ironique, puis de manière de plus en plus mélancolique, au fur et à mesure que les personnes secondaires mais torturés comme l'assistant du flic ou sa copine, attirent l'attention du réalisateur.
Ce n'est pas hyper original mais très bien foutu, j'étais à fond(le jeu à la Patrick Dewaere de l'acteur aidait). Le réalisateur est assez habile et s'appuie des clichés pour faire passer un sous-texte politique qui devient, justement, de moins en moins un sous-texte, et est finalement plus couillu politiquement que Zhia Jangke.
Il y a quand-même de très belles scènes comme celle du prix Stakhanov attribué au vigile, la prostituée qui rit au nez du flic, ou la poursuite dans l'usine et la boue bien-sûr, le film est intelligent et va vite (scène obligatoire du médecin légiste pliée en 15 secondes au début, l'enjeu est heureusement ailleurs). J'ai trouvé cela plus réussi que la Isla Minima qui jouait finalement en Europe dans les mêmes eaux (combat politique memoriel à la fois faussé et réactualisé par la sensibilité féministe d'un flic usé), l'ouverture capitaliste post Tien an men peut finalement se comparer à la transition franquiste.
Bien aimé la photo du film, entre naturalisme immersif et lumière bleutée clichée du polar.
J'ai vu juste après le début d'un autre film chinois un peu du même ton (mais plus naturaliste), Old Beast, assez bon, visiblement intéressé par la situation au Nord-Ouest de la Chine, incisif. Le cinéma chinois semble un peu passer de mode en Europe, alors que son niveau moyen et sa franchise politique augmentent.

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