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MessagePosté: 28 Fév 2024, 10:11 
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Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
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J'avais pas eu le temps de revoir le premier film que j'avais beaucoup aimé et j'ai pas voulu me faire un recap pour pas spoiler ma future revision. Du coup j'ai eu un peu de mal à rentrer dans le film tant j'avais un peu oublié les forces en puissances et les enjeux en cours. Mais en réalité ça revient très vite et finalement c'était beaucoup plus simple que dans mon souvenir.

A la sortie du film mon premier sentiment a été une légère déception. Non pas que le film soit mauvais ou objectivement en deçà du premier (il est dans sa parfaite lignée) mais que la surprise en moins fait que finalement j'ai moins été soufflé par la mise en scène maximaliste de Villeneuve. La faute peut-être à une construction qui m'a semblé à la fois moins fluide que pour le premier et en même temps plus classique (le parcours du héros campbellien en diable). La première partie si visuellement superbe est focalisée sur le désert et m'a paru trop longue. Je repensais avec nostalgie au premier film et à l'ampleur de l'univers présenté. Ici on passe bien une grosse heure uniquement dans les dunes donc ça a frustré la partie de moi qui rêvait de vrai grand univers ample d'Heroic Fantasy/Space Opera. Alros attention je ne dis pas que le film est ennuyeux ou qu'il n'a rien à proposer. Villeneuve n'a pas son pareil pour faire de chaque scène une espèce de morceau de bravoure dingue (la première attaque des Harkonnen dans ce soleil jaune est démente, la chevauchée du vers est à se damner [j'ai vraiment regretté de pas l'avoir vu en Imax]...) que ce soit du point de vue de la mise en scène, toujours aussi génialement minimaliste jouant sans cesse sur les échelles (des plans larges totalement dingues où en une coupe tu passes d'un gros plan à un plan où les humains ressemblent à des fourmis) ou du point de vue des décors, là encore toujours aussi passionnants dans leur inspiration et leur gigantisme (les vaisseaux, les grottes, tout l'univers moyen oriental etc...). Mais j'avais envie que le film "décolle" et sorte un peu de cet univers (ce qu'il ne fera finalement pas vraiment). J'ai eu le sentiment que narrativement c'est un peu répétitif, Paul Atréides vu comme un prophète mais qui ne veut pas assumer ce rôle, opposition entre ceux qui croient (Bardem excellent qui apporte un peu de légèreté) et les autres, quelques scènes d'action Harkonnen vs Fremen Dans cette partie celle qui m'a le plus impressionné c'est Rebecca Ferguson, personnage passionnant et elle a un charisme et une intensité dingue.

Tout se décante un peu dans la deuxième heure qui introduit le personnage génial de Feyd-Rautha (Austin Butler grosse valeur ajoutée, il est parfait) à travers la longue scène sur Giedi Prime et ce mini climax visuellement fou du combat de gladiateur. A partir de là, le film se fait plus rythmé, plus fluide, ça avance plus directement et à mon sens on trouve une espèce de rythme de croisière qui se maintiendra jusqu'à la fin. Et que j'aime ce cinéma de divertissement sans aucun compromis, sans aucun humour (sans que ça paraisse non plus forcé) avec un univers purement minéral où tu sens que chaque détail, chaque plan a été pensé et travaillé avec une minutie extrême. Encore une fois le travail du son sur ce film c'est quelque-chose. Il faut aimer les basses mais bordel ça vibre dans tous les sens, c'est profond, c'est presque tactile tellement ça vient de faire palpiter les entrailles. Et j'ai eu le même sentiment que devant Avatar 2, cette certitude absolue (et finalement rare) que c'est un film pour la salle de cinéma, que le voir sur une télévision ou même pire un écran d'ordinateur, tu perds une grande partie de l'expérience. Et rien que pour ça, pour cette récompense à la démarche d'aller en salles, qui est à l'exact opposé du blockbuster américain moyen récent (de ce que j'en connais) je suis vraiment reconaissant à Villeneuve à ses équipes pour le travail accompli.

Et ne connaissant pas le roman j'ai été assez soufflé par la fin, par le propos. J'ignore si c'est une fin ouverte, ouvrant sur une potentielle suite (ce qui est possible) ou si c'est une fin définitive (ce qui est osé) mais je ne m'attendais pas à cette fin désespérée où dévorée par le pouvoir Paul accompli finalement tout ce qu'il craignait au départ. C'est vraiment le pouvoir de l'anneau puissance 1000. Alors que je pensais que le film embrasserait pleinement son fantastique en plongeant dans l'aspect fantasy prophétique élu de Paul il fait exactement l'inverse et s'avère un puissant pamphlet anti fanatisme religieux (d'ailleurs je trouve également osé que les fanatiques du film partagent plusieurs points communs avec les musulmans - façon de prier, origine moyen-orientale etc...). Et le film d'être finalement une espèce de parcours ultra tragique d'un peuple qui sera trahi par celui qu'il pensait le délivrer. D'ailleurs là encore tout le climax s'il est spectaculaire se conclue sur un décor très limité, comme une scène de théâtre qui renvoie le film à ses intrigues de cours (très Game of Thrones). Je craignais le duel final mais c'est une grande réussite, brutal et sans esbrouffe même s'il se termine d'une manière clichée bien qu'archétypale du genre
le poignard hors champ qui tue le "méchant"
Beaucoup aimé le casting général même si Chalamet est presque pour moi le point faible du film, pas mauvais mais pas transcendant, manquant quand même d'un peu de charisme.

Vraiment un super moment malgré mes réticences (pas fan de la musique de Zimmer, un peu "Eric Serraesque" qui m'a paru par moment presque hors sujet). Il y a une multitude de petits détails que j'ai adoré que ce soit dans les designs ou les vistas (certaines très BD, qui m'ont rapellé le gigantisme de Druillet). J'aurais aimé être plus ému mais comment bouder son plaisir devant un tel spectacle alors qu'à côté on se tape de Madame Webb ou Aquaman 2 ?

4-5/6 à voir comment il vieillit, je rêverais de pouvoir retourner le voir en salle mais je doute trouver le temps.

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MessagePosté: 28 Fév 2024, 10:34 
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Ok donc visiblement il y a un troisième volet de prévu toujours réalisé par Villeneuve. D'un côté c'est excitant parce que la fin est très prometteuse en terme de spectacle mais d'un autre côté j'aime bien cette fin ultra sombre. Mais à postériori s'il y a un troisième volet cette deuxième partie fera vraiment épisode de transition (sans que ce soit forcément péjoratif).

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MessagePosté: 28 Fév 2024, 11:06 
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Le troisième volet, s'il se fait, sera l'adaptation du Messie de Dune, 2e roman du cycle. Même si c'est la suite, cela se passe 12 ans après et beaucoup de choses auront changé. Et le roman est bien sombre et anticlimax au possible. Ado, quand je lavais lu, ça avait été la douche froide après le côté Shonen de Dune :mrgreen:

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Castorp a écrit:
Nan mais je suis d'accord avec Antigone, là.


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MessagePosté: 28 Fév 2024, 11:16 
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Ah oui moins bandant du coup. Là c'est vraiment étrange parce qu'à la fois la fin à la gueule d'un cliffhanger et n'est pas totalement satisfaisante d'un point de vue dramatique
(surtout pour le perso un peu sacrifié de Zendaya)
mais en même temps ça peut fonctionner et ça donne au film une ampleur tragique assez folle.

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MessagePosté: 28 Fév 2024, 18:00 
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Pas très friand du premier (moyen-bof, 3/6 en ces terres), j'ai enchaîné le marathon des deux parties hier et bien m'en a pris parce que j'ai grandement apprécié celui-ci.

L'avis sur le premier n'a pas bougé mais c'était nécessaire pour remettre un poil les événements dans l'ordre et rappeler où on en était restés. J'ai trouvé que ça se décoinçait pas mal au niveau jeu d'acteur -difficile d'aller plus loin dans le ton compassé que le premier, faut aimer les cérémonies, disons- mais aussi au niveau de la mise en scène, beaucoup plus dynamique - beaucoup trop de têtes qui parlent devant des décors flous ou du rien dans l'opus précédent - Il y a plus de vie dans les attitudes, dans les regroupements, on sent l'excitation guerrière des cellules rebelles avec la caméra qui virevolte plus d'un personnage à l'autre. Idem pour les attaques ennemies : l'assaut et l'embuscade du début donnent lieu à un chouette découpage et quelques plans bien sentis dans lequel les Harkonnen se mettent en formation
avant de chuter comme des grosses merdes
: on sent le poids, la matérialité de l'ensemble (idem dans l'assaut final où la super séquence où ds ninjas Fremen latte des soldats dans un brouillard : je ne sais plus à quel moment mais j'ai trouvé ça chanmé). Comme Art Core (qui a de toute façon tout dit), j'aime bien aussi le travail sur les échelles de grandeur, les vaisseaux libellules notamment - ce qui fonctionnait en revanche déjà dans le 1er - et les combinaisons des Fremen donnent encore plus l'impression d'avoir des individus-insectes qui renvoient à l'idée d'esprit-ruche du tout. Il y a une fluidité dans le visuel qui m'a beaucoup plu.

Des petites idées aussi sympathiques : quand Chani et Paul marchent ensemble et qu'on voit l'amour naissant symbolisé par leurs traces dans le sable parallèles, ou quand Paul montre sa main ouverte pour représenter les différents destins possibles avant de la pivoter et de trancher dans tout ceci (j'ai lu le bouquin mais je ne me souviens plus si c'est un geste décrit). Et plein de choix assez judicieux dans les décors et costumes : tous les looks de Dame Jessica sont ultra-soignés, j'ai adoré. Je suis moins sûr du monde "tellement-mauvais-qu'il-est-en-quasi-noir-et-blanc" (et où même les feux d'artifice sont sinistres) et pas du tout accroché au Feyd passé à la javel mais une deuxième vision aidera peut-être à passer la pilule.

Contrairement à Art Core, j'ai trouvé que Timothée Chalamet faisait le job en Paul : il joue contre son physique et
prend de l'ampleur dans la scène où il accepte de devenir le Messie
, j'ai trouvé que ça correspondait assez au parcours physique et intime décrit dans le livre.
Je suis loin d'être converti à Villeneuve, à part Arrival que j'aime beaucoup, or, il a repris de ce film une aisance assez naturelle à opposer le libre-arbitre et le destin de manière très douce et intime, ce qui rend le fatras de manigances et de péripéties entre les différentes factions absolument digestes, un exploit. J'aime bien y voir une dénonciation sympa de la religion avec des passages dignes de la Vie de Brian où Javier Bardem occupe la place de Jar-Jar de ce space-opera en adoubant toutes les actions de Paul même les conneries. De ce côté-ci, j'ai trouvé ça moins fumeux que les Matrix 2 et 3 et leurs prises de pied dans le tapis de la démonstration en bullet-time.

Et en parlant de péripéties, j'aime bien aussi que celui-ci opte pour une version plus serial parfois bourrine même : une sorte de Chroniques de Riddick un peu plus BCBG.
Le filou parvient même à donner à becqueter aux deux camps hargneux des wokes et de l'alt-right avec le final où oui,
le mec montre qui a la plus grosse (dans un duel au couteau un peu pourri, n'est pas Traqué qui veut)
mais où également
sa copine se barre
.

Ça reste moins sympa et moins fabuleusement dépaysant que la première trilogie de Star Wars, car on n'a pas ce côté "première fois" où on dépoussière de vieux contes et où on improvise en inventant (et inversement). Ça roule bien plus des mécaniques (comme Paul qui déambule pour son combat comme sur un podium de Top-Model), les acteurs sont tous trop beaux, le tout est trop lissé, Christopher Walken (le GOAT comme disent les jeunes quadragénaires) est gâché, et n'est utilisé que pour ce qu'il incarne, son phrasé et son bagage, mais n'est pas vraiment un personnage. (en revanche, Josh Brolin avec son menton mastoque et sa voix rocailleuse, on sent qu'il l'aime, Villeneuve)

Mais comme le rappelle Art Core, la période ne prête pas à rire, et autant Barbie ou Top Gun Maverick, je ne comprends pas, là quand même, ok ça crache.

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MessagePosté: 28 Fév 2024, 21:31 
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Antichrist
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Les +/les - (oui, je sais)

+
La mise en scène claque, mais vraiment. les jeux d'échelle, le travail sur le son, la photo de Greig Fraser, les mille et un détails, le fait que jamais tu as l'impression de deux acteurs devant un fond vert
Le casting, pas tant Chalamet qui fait quand même un peu freluquet, que les autres. Zendaya a un charisme dingue, Rebecca Ferguson aussi, Florence Pugh en quelques scènes, même Léa Seydoux (qui concrétise le voeu de son oncle, en fait) assure.
Le propos reste toujours aussi fort et contemporain, je trouvais que le premier évoquait bien l'Afghanistan, le second aussi, avec une louche de Gaza en plus.
Le rythme, franchement je ne me suis pas ennuyé un seconde, comme le dit bien Art Core, c'est quand même quelque chose d'énorme au cinéma, une expérience totale.
La toute fin.
Alors que j'étais pas convaincu par le duel (et celui du Lynch est bien meilleur), revenir sur un des magnifiques persos du film est très beau.

Les vers sont absolument déments

-
La narration. Après beaucoup de scènes d'exposition dans le premier, je trouve presque qu'il en manque ici, la deuxième partie c'est vraiment un sprint, du coup, parfois, tu comprends pas trop ce qui se passe hors-champ. Le perso de Josh Brolin semble tomber du ciel, l'Empereur débarque comme un idiot, tu te demandes aussi comment les Fremens ont toutes ces armes. Pour le coup, je prendrai bien une version longue.
attention spoiler Le coup
de l'arsenal atomique, c'était dans le roman ça ? c'est un peu balancé n'importe comment.

La fin précipitée
le coup de chantage, si vous êtes pas d'accord je pulvérise la planète, puis je vous emmène au paradis ? On est censé comprendre quoi ? Heureusement que j'ai lu les livres dont je connais un peu la suite mais c'est hyper expédié là

Je trouve aussi que ça manque de civils, en tout cas de leur vie, tu te demandes comment ils mangent les Fremens...

4-5/6, le premier j'étais à 4/6 je crois.


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MessagePosté: 28 Fév 2024, 22:15 
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Tout simplement l'un des meilleurs blockbusters de ces 20 dernières années, et une très bonne adaptation du livre.

Le film rend même plus saillante que Herbert la critique de la religion et du fanatisme, en l'articulant davantage avec la question du pouvoir, quitte à forcer le trait parfois via le personnage de Stilgar, rabatteur pour les foules. Mais la démonstration est implacable: Paul doit son ascension à un plan méticuleusement construit par d'autres que lui, de la mère qui fait partie d'une sororité eugéniste aux fanatiques religieux du sud; et il met la main sur les ressources. Pouvoir charismatique, capacité à flatter les supersitions et les légendes ressources: tout est là. La promesse d'un Star Wars "pour adultes", aussi idiote qu'est la formule, est tenue.

L'écrin est fantastique: une mise en scène chargée de solennité avec des cadres à se damner, une DA absolument géniale et fidèle à l'esprit du roman tout en étant purement cinématographique, une bande-son grésillante et sourde qui hante pendant de longues heures...

Je pense qu'on pourrait reprocher à ce volet d'être assez peu généreux en termes de batailles, c'est pas le feu d'artifice de Star Wars ou des Marvel, mais en même temps c'est le propos de Dune: les batailles sont davantages des raids de la part d'une faction bien préparée qui prend à revers ses adversaires. L'essentiel se joue dans les alcôves.


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MessagePosté: 29 Fév 2024, 08:59 
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Ça fait plaisir de survoler vos critiques et d'y lire votre enthousiasme, ça donne envie d'aller en salles !


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MessagePosté: 29 Fév 2024, 10:44 
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Paprika a écrit:
Ça fait plaisir de survoler vos critiques et d'y lire votre enthousiasme

Oui
Paprika a écrit:
ça donne envie d'aller en salles !

Non

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Netflix les gars, Netflix.


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MessagePosté: 29 Fév 2024, 11:26 
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Pour le premier film déjà (découvert en 2.35), qui m'avait plu mais un peu frustré en semblant se cantonner à de l'exposition parfois laborieuse, j'avais été amené à apprécier autrement en le voyant en IMAX 1.43, le projet véritable de Villeneuve (qui avait pensé le film dans ce format dès le départ selon le chef opérateur Greig Fraser) prenant meilleure forme ainsi. D'un point de vue thématique, tout était déjà là, et déjà très Villeneuve - la nécessité de déchiffrer sa propre histoire pour comprendre son destin tragique, la volonté de mettre fin à un cycle de violence, la peinture d'un monde tué par l'industrialisation - mais d'un point de vue esthétique, c'est dans la hauteur permise par le 1.43 que la dimension recherchée par le cinéaste prenait tout son sens, le style devenant plus qu jamais la substance. Un extrait hors contexte d'une interview de Villeneuve tourne depuis quelques jours sur Twitter, donnant l'occasion aux haters comme aux fanatiques de se ridiculiser en faisant exprès de ne pas comprendre ce que le metteur en scène essayait de dire en taclant maladroitement les dialogues pour évoquer le langage visuel. Quand on voit ses Dune, et notamment cette Deuxième partie, c'est pourtant éloquent. Les films pourraient être muets. On est quasiment dans Metropolis. Il s'agit d'un film monumental qui cite autant Lawrence d'Arabie que Leni Riefenstahl pour mieux déconstruire le monomythe campbellien et dénoncer l'instrumentalisation des masses par l'épice du peuple dans une fresque qui, en IMAX, travaille la notion de tragédie nanisant l'Homme.

Je ne veux vraiment pas passer pour un poseur ou un vantard, ou même simplement paraître agaçant comme on pouvait l'être avec Roma de Cuaron sur lequel on insistait qu'il fallait "idéalement le voir en salles pour le travail sur le son" alors même que c'était quasiment impossible, et je n'ai pas (encore) vu Dune - deuxième partie en 2.35 pour dire ce que je vais dire avec assurance, mais de la même manière qu'un film n'est plus le même en version longue parce que des scènes supplémentaires viennent donner un autre sens à l'ensemble, je peine à voir comment ce film pourrait être exactement le même sans les parcelles de cadre supplémentaires qui donnent leur sens aux images.
Il y a quelques mois, Villeneuve avait annoncé que, contrairement au premier tome, ce deuxième film serait intégralement en 1.43. En fin de compte, seules certaines le sont. Par contre, toutes les autres scènes sont quand même en 1.90 (aka le "faux" IMAX ou IMAX numérique qui est disponible dans les salles IMAX françaises) et c'est déjà une grosse différence. Je vais expliquer pourquoi.
J'ai tout d'abord été surpris par le choix des scènes en 1.43. La première séquence prolongée filmée dans ce format ne concerne pas un morceau de bravoure mais le moment, vers le début du film, où Paul arrive à Sietch Tabr et que la foule, à la fois hostile et curieuse, l'entoure, pour ne pas dire l'assaille. Le fait d'adopter une échelle généralement réservée aux vistas incroyables ou à l'arrivée de vaisseau ou aux scènes d'action surprend parce qu'elle nous immerge non plus dans du "spectacle" mais vraiment dans l'instant et ainsi projetée sur l'équivalent de la façade d'un immeuble de 4 étages, l'image devient résolument oppressante. Le canevas est large mais le ressenti pour le spectateur est étouffant, on est nous-mêmes écrasés par cette masse humaine.

Et la mise en scène creuse cette notion tout le film.

Que ce soit lors de l'apparition des vers - lors de la séquence où Paul apprend à chevaucher son premier ver, j'ai eu physiquement envie de me lever dans la salle pour crier comme les personnages et quand ils apparaissent soudainement dans la tempête de sable, j'étais tétanisé - ou de celle des vaisseaux, l'humain est réduit à l'état de fourmi, une quantité insignifiante dans les mouvements de l'Histoire. C'était déjà le cas dans le premier film. Mais ici, Villeneuve joue également de la verticalité dans la composition de ses cadres lorsqu'il filme les personnages debout, presque de plein pied, illustrant l'ascendant pris sur les petites gens, non plus par des entités quasi-divines telles que les vers ou des machines de domination comme les vaisseaux mais par l'Homme. Enfin, en l'occurrence, la Femme aussi.
Je suis vraiment curieux de voir comment ça passe en 2.35 parce qu'un personnage qui occupe toute la hauteur d'un cadre de la tête jusqu'aux chevilles transmet une sensation de domination sans pareil (surtout sur un public qui fait face à un écran de 4 étages).

Comme l'a souhaité Villeneuve, l'image parle 1000 mots, le style est la substance, et j'ai adoré ce fond, que je n'attendais pas aussi vénère, sur le fanatisme religieux malhonnêtement attisé dans un but politique. Le premier film s'ouvre sur une voix off de Chani qui s'interroge sur "Qui sera notre prochain oppresseur?" mais le récit s'interrompait alors que le "voyage du héros" de Paul était encore dans les clous. La façon dont ce narrative, ce storytelling a été créé de toutes pièces par les Bene Gesserit apparaît beaucoup plus clairement ici, abreuvant les populations opprimées d'une croyance à exploiter ensuite pour mieux les asservir. Comme je ne connaissais rien du livre, j'étais étonné d'apprendre qu'il était antérieur à Star Wars, qui respecte, applique même devrais-je dire, à la lettre les étapes du monomythe là où Herbert en proposait déjà une subversion (que Lucas a plus ou moins repris pour sa prélogie). Tolkien et Lucas étaient sans doute les premiers à populariser ces codes ce qui fait de ce Dune aujourd'hui pas tant un "Star Wars pour adultes" qu'un anti-Star Wars.
Ici, quand l'Élu après qu'il descend de son pire ennemi, il ne le prend pas de faon dramatique avant d'essayer d'obtenir sa rédemption, il l'accepte, résigné, et devient un dictateur.
D'ailleurs, en 1977, si le space opera était une métaphore de la Guerre du Vietnam, aujourd'hui il ne se masque même plus. Il n'y a pas d'analogie d'un conflit spécifique mais le triste avantage dans notre monde c'est que l'Histoire se répète suffisamment pour qu'un roman de 1965 trouve encore une résonance dans l'actualité. Et l'orientalisme un peu problématique qui caractérise les Fremen peut alors servir un portrait ambivalent de la réalité : ils sont à la fois des fanatiques religieux et la cible d'un génocide par les puissants colons. Victimes dans les deux cas.

Dune n'est pas un diptyque subtil mais je ne trouve pas que le film tombe dans un quelconque manichéisme en N&B. Et quand il y a une séquence en N&B sur Geidi Prime, ce n'est que l'exacerbation de la disparition de la couleur de ce monde, dévitalisé par l'exploitation de ses ressources, notamment par les Harkkonen. Alors quand ils rejouent Les Dieux du stade, bah...même leurs feux d'artifice ressemblent à des explosions de pétrole, sales.
D'ailleurs, j'ai trouvé Austin Butler génial en Feyd-Rautha. Faire des Harkonnen un peuple à l'allure cancéreuse était porteur mais sur sa gueule d'ange, qui plus est avec ses dents maquillées en noir et donc invisibles, on dirait un grand bébé dérangeant. Le Mini-Me psychopathe de Stellan Skarsgård, dont il imite la voix.
Mais le film appartient clairement à Zendaya et Rebecca Ferguson, les deux femmes de la vie de Paul, celles qui se disputent son destin. Il est intéressant de voir comme Villeneuve, dont le cinéma a été très féminin par le passé, fait de ces deux personnages les clés de voûte du récit. Paul est presque un pion pris entre l'engagement politique de l'une (même si la romance vaguement précipitée et pas assez ressentie est l'une des rares choses que je reprocherais au film) et la maternité toxique (cacedédi Müller) de l'autre. D'ailleurs, Villeneuve a décidément un rapport ambigu à la grossesse et à l'avortement. Dans Un 32 août sur Terre, suite à un accident, l'héroïne veut à tout prix avoir un enfant et
ira jusqu'à violer son meilleur ami dans le coma pour ça.
Dans Maelström, suite à un avortement, l'héroïne part en vrille et tue quelqu'un dans un accident. Dans Incendies, on arrache son fils à une femme et
elle finira violée par lui sans qu'aucun ne sache l'identité de l'autre.
Dans Arrival, l'héroïne a des visions récurrentes de sa fille morte d'un cancer et
va découvrir qu'il s'agit de visions du futur et décidera de faire l'enfant quand même.
Dans Blade Runner 2049, on recherche l'improbable enfant né de l'union de deux réplicants comme un nouveau Messie. Et ici, il y a donc le foetus de Jessica
qui manque d'être empoisonné mais développe une conscience dans le ventre de sa mère.
On m'a dit que, dans le livre, l'enfant a 3-4 ans. C'est donc pas innocent comme choix de la part de Villeneuve (qui, à propos de Maelström, avait dit qu'il était pro-choice mais que ce n'était pas une décision à prendre à la légère). Bref.

Mais en fait, presque tous les personnages sont des pions. Paul dont la trajectoire dorée est fabriquée, Stilgar dont la foi est exploitée, les Harkkonen dont les membres sont aisément remplacés, bons à être sacrifiés, la Princesse Irulan dont la main est une marchandise, une commodité... Des pions sur l'échiquier des Bene Gesserit, désormais en deux camps. C'est pas pour rien que ça se finit sur un simple duel en silhouettes dans une simple pièce devant une cour asservie. Et Chani, la seule qui pourra peut-être s'en émanciper...

Même si j'étais conscient de l'existence de moult livres et que Villeneuve a d'ores et déjà annoncé qu'il en ferait une trilogie en adaptant Le Messie de Dune, je m'attendais à une fin plus définitive (mais davantage dans la façon de mettre en scène que dans les faits).
Il pouvait se contenter de montrer Chani partir, déçue, avec l'idée que la guerre est sans fin. Ce serait une conclusion désespérée qui laisse une porte ouverte. Mais là on termine quasiment sur "Begun, this Clone War has" et le visage déterminé de Chani. C'est une annonce, pas une conclusion.
Mais c'est pas bien grave.

Parce que le reste est écrasant.

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MessagePosté: 29 Fév 2024, 16:38 
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J'avoue j'ai le seum de pas avoir été en mesure de le voir en Imax.


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MessagePosté: 29 Fév 2024, 16:41 
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JulienLepers, passant une fois de plus à côté de l'évidence a écrit:
Il y a plus de vie dans les attitudes, dans les regroupements, on sent l'excitation guerrière des cellules rebelles avec la caméra qui virevolte plus d'un personnage à l'autre. Idem pour les attaques ennemies : l'assaut et l'embuscade du début donnent lieu à un chouette découpage et quelques plans bien sentis dans lequel les Harkonnen se mettent en formation
avant de chuter comme des grosses merdes


Ces
chutes
avaient donc une origine pour le moins étonnante et pourtant logique, et qui explique aussi que le second ait gagné en aisance et fluidité sur le premier. Car dans cette vidéo, en dehors des suspects habituels (Lean, Scorsese, Bergman Begins...), le sympathique Villeneuve cite l'immense Chuck Jones comme source d'inspiration. Gloire lui soit rendue et ceci expliquant cela.

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MessagePosté: 29 Fév 2024, 18:29 
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Film Freak a écrit:
et la maternité toxique (cacedédi Müller) de l'autre


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Attention quand même avec Joseph Campbell à toutes les sauces. Ses théories, qui ne survivent que par la popularité de Star Wars qui en était fut un temps l'application pratique, sont quand même très lourdement influencées par d'autres théories psychanalytiques parfois bien fumeuses, fatalement propices à voir des hero's journey un peu partout. Le travail de Frank Herbert gagne plus à être lu à l'aune de la fictionnalisation des guerriers Tchétchènes rencontrés par Lesley Blanch, dont le livre The Sabres of Paradise lui a inspiré l'angle islamique, et celle de la psychologisation à l'extrême d'un genre traditionnellement tourné vers l'action et l'aventure (Paul y est une version dark et introspective du John Carter de Burroughs). Quant à Tolkien, son travail n'entretient que des rapports superficiels avec le celui de Campbell, et l'approche n'a rien à voir. Leurs regards sur les mythes sont d'ailleurs incompatibles. Bref, c'est juste histoire de pinailler. Sans doute que Villeneuve, comme Lucas et Jackson, a fait sa propre tambouille fusionnelle à ce niveau.

Curieux quand même de voir cette suite, même si les 20 dernières minutes du premier m'avaient bien assommé, et le travail d'adaptation nettement moins impressionné que l'ambition et l'ampleur visuelle.

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Le retour des twittos poseurs et sans nuance qui parlent de Dune 2 comme d'une quelconque merde Marvel :|...

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