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MessagePosté: 25 Sep 2020, 09:40 
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Un très beau documentaire qui ne m'a pas totalement emporté. La faute principalement à son montage que j'ai trouvé assez moyen, souvent tâtonnant et surtout comme manquant de confiance en lui et ne laissant pas les scènes durer au delà de quelques minutes. D'où, surtout dans la première partie, un sentiment de zapping un peu dommageable. On a l'impression que le film est trop occupé à poser la jalons obligés de la vie d'adolescente (les examens, le lycée) et de l'environnement autour (les attentats etc...) plutôt qu'à rester au plus près des personnages, ça m'a un peu gêné, même si la deuxième partie est soudain plus réussie, plus intime et émouvante.

Ce qui est fort dans le film c'est cette impression de déterminisme social terrible qui préside aux destinées des deux adolescentes. Dès les premiers instants on sait comment ça va évoluer et on ne se trompe pas. Il faut dire que du côté d'Anaïs, la barque est particulièrement chargée et on est vraiment dans un misérabilisme assez terrible entre familles d'accueil quand elle était plus jeune et succession d'emmerdes
la mère hospitalisée qui fait une dépression, la mère qui tombe dans le coma après une opération ratée, l'appart qui prend feu :shock:, le grand frère [qui sort de nulle part d'ailleurs] qui semble handicapé mental, toujours cette présence d'éducateurs comme si la famille n'était pas en mesure d'élever seul les enfants...)
et du coup son personnage est vraiment magnifique, parce qu'elle se bat, aime, essaye des choses, prend sa vie en main. C'est vraiment un beau personnage.

Emma, elle, c'est tout de suite autre chose. Bloquée dans une relation toxique avec sa mère et un père qui n'est littéralement jamais là. Il y a tout un moment central où l'on sent qu'elle sombre dans une forme de dépression adolescente assez poignante avant peu à peu de renaître avec d'autres amis, d'autres intérêts. Même si elle continue de porter en elle une mélancolie un peu inquiétante
cette terrible scène où elle raconte sa première fois, d'un ton blasé et sans affect. Comme une corvée dont elle s'est débarrassée avec un garçon qu'elle n'aime même pas.


C'est vraiment là que le film est touchant, dans cette mise en parallèle de deux adolescentes totalement différentes, aux parcours de vie qui n'ont rien à voir et à la vie future sans doute irréconciliable (Anaïs a la lucidité de le dire à la fin). D'ailleurs dès le début on voit que cette amitié est une amitié par dépit, une amitié d'enfance qui ne pourra aller bien loin.

Bref un beau documentaire, même si un peu trop long et dont le montage m'a parfois déconcerté, par sa trop grande évidence. On quitte ces deux adolescentes en espérant un jour avoir de leur nouvelles tant on a envie qu'elles soient heureuses et qu'elles trouvent leur place.

4/6

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Dernière édition par Art Core le 25 Sep 2020, 11:32, édité 2 fois.

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MessagePosté: 25 Sep 2020, 10:58 
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J'ai trouvé le film profondément raté, pour plusieurs raisons. La première c'est que j'ai eu le sentiment que Lifshitz était parti avec une idée en tête, celle de nous narrer sur le temps long l'amitié entre ces deux adolescentes que tout oppose. Pas de chance, cette amitié tombe rapidement à l'eau, au bout de la première année où elles sont dans la même classe. De cet écueil en découle plusieurs autres.

D'une, Lifshitz a dû reconstruire son discours a partir des 500 heures de rush qu'il a accumulé. Et ayant perdu son fil conducteur, il se perd parfois en digression parfois inutile, voir pire. Concernant Emma, on peut par exemple se poser la question de la nécessité d'accumuler ces scènes d'une tension extrême avec sa mère. Il y en a combien au total, 4, 5, toutes les mêmes, cette adolescente qui est un véritable mur face à une mère qui essaie de ne jamais perdre le lien, que la jeune fille doit probablement ressentir comme trop oppressante parce que l'angoisse maternelle est trop à fleur de peau. N'empêche que l'on ne comprends jamais pourquoi Emma peut à ce point être injurieuse avec sa mère, soit Lifshitz a échoué à nous montrer ce qui justifierait ce tombereau d'insultes, soit il n'y a aucune justification possible et nous faire subir cela plus qu'une fois est injustifiable. Je me demande comment elle a reçu ce que le film lui renvoyait comme image d'elle-même.

Mais il y a pire, bien qu'il ait des centaines d'heures à disposition, que l'ombre des attentats pouvait parfaitement être circonscrite aux discussions dans l'école qui se tiennent le lendemain de ces deux évènements dramatiques (même si d'un point de vue personnel, vu l'aspect totalement décorrélé de ces scènes du reste du film, il aurait mieux valu ne pas du tout les inclure), il a jugé nécessaire d'inclure des vidéos prisent sur le vif par des témoins qui ont filmés de leur smartphone. Au-delà d'être incongru, j'ai surtout trouvé cela inutilement sensationnaliste et profondément ignoble.

L'ignominie ne s'arrête pas là. Pour en revenir à cette histoire d'amitié qui s'arrête abruptement, Lifshitz a néanmoins estimé nécessaire de filmer ces deux jeunes filles ensemble à intervalle régulier. Comme s'il n'avait pas accepté qu'elles mettent son beau projet par terre. Ce que je peux encore comprendre au moment du tournage, moins du montage. Ces moments respire l'artificialité (les discours ne sont pas du tout naturel, Anaïs qui est plus ouverte sauve les apparences, mais le mur qui est en face se demande à chaque fois ce qu'elle fait là). Et renforce l'aspect docu-fiction de ce qui n'aurait du être qu'un pur documentaire, que l'on retrouvera disséminé ici et là tout au long du film. Le "clou" est probablement le moment où la mère d'Anaïs tombe dans le coma suite à son opération. La caméra embarque avec son père et elle, et filme leur désarroi (surtout celui d'Anaïs d'ailleurs). Deux options, soient Lifshitz était effectivement présent à ce moment, mais dans ce cas j'avoue être extrêmement mal à l'aise avec le fait d'inclure cette scène dans le film. Comme les vidéos des attentats, je trouve cela trop sensationnaliste et plutôt indécent. Soit il n'était pas là et la scène a été reconstituée, ce qui est encore pire. Tout cela m'a rappelé Braguino, qui usait de la même artificialité en insufflant une part non négligeable de fiction dans le documentaire, parce que ce que le réalisateur avait réussit à capter était à ses yeux insuffisant pour donner sa ration d'émotion au spectateur. Je trouve le procédé profondément détestable.

Au final j'ai eu l'impression qu'une telle entreprise (filmer sur un temps très long l'évolution de deux personnes) était forcément voués à l'échec, a fortiori lorsque l'on veut faire dans le sensationnaliste. La meilleure solution semble encore de laisser la caméra à son sujet, et de se contenter du rôle de monteur. Ce qu'avait fait Alexandre Nanau dans Toto et ses sœurs (pour un résultat autrement plus poignant qu'ici), plus récemment Agostino Ferrente dans Selfie, avoir 16 ans à Naples, qui partage beaucoup avec Adolescentes (on suit également l'évolution de deux adolescents, cette fois dans les quartiers déshérités de Naples) tout en lui étant infiniment supérieur.

2/6 généreux.


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MessagePosté: 25 Sep 2020, 11:30 
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Lohmann a écrit:
Concernant Emma, on peut par exemple se poser la question de la nécessité d'accumuler ces scènes d'une tension extrême avec sa mère. Il y en a combien au total, 4, 5, toutes les mêmes, cette adolescente qui est un véritable mur face à une mère qui essaie de ne jamais perdre le lien, que la jeune fille doit probablement ressentir comme trop oppressante parce que l'angoisse maternelle est trop à fleur de peau. N'empêche que l'on ne comprends jamais pourquoi Emma peut à ce point être injurieuse avec sa mère, soit Lifshitz a échoué à nous montrer ce qui justifierait ce tombereau d'insultes, soit il n'y a aucune justification possible et nous faire subir cela plus qu'une fois est injustifiable. Je me demande comment elle a reçu ce que le film lui renvoyait comme image d'elle-même.


C'est étrange comme reproche. Le personnage se construit indépendamment du film. Lifshitz nous montre cette relation telle qu'elle est. Si tu veux juger le personnage libre à toi mais ce jugement ne peut en aucun cas être rapporté au film. Dans mon cas c'est marrant mais c'est plutôt la mère que je trouve insupportable. Parce qu'elle est incapable de donner l'espace nécessaire à sa fille, qu'elle l'étouffe totalement, qu'elle ne comprend pas ce qu'est être adolescent.

Lohmann a écrit:
Mais il y a pire, bien qu'il ait des centaines d'heures à disposition, que l'ombre des attentats pouvait parfaitement être circonscrite aux discussions dans l'école qui se tiennent le lendemain de ces deux évènements dramatiques (même si d'un point de vue personnel, vu l'aspect totalement décorrélé de ces scènes du reste du film, il aurait mieux valu ne pas du tout les inclure), il a jugé nécessaire d'inclure des vidéos prisent sur le vif par des témoins qui ont filmés de leur smartphone. Au-delà d'être incongru, j'ai surtout trouvé cela inutilement sensationnaliste et profondément ignoble.


Là-dessus je suis plutôt d'accord, j'ai trouvé ça inutile et un peu putassier. Les images on les a vus, l'intérêt de les remettre ici est discutable.

Lohmann a écrit:
L'ignominie ne s'arrête pas là. Pour en revenir à cette histoire d'amitié qui s'arrête abruptement, Lifshitz a néanmoins estimé nécessaire de filmer ces deux jeunes filles ensemble à intervalle régulier. Comme s'il n'avait pas accepté qu'elles mettent son beau projet par terre. Ce que je peux encore comprendre au moment du tournage, moins du montage. Ces moments respire l'artificialité (les discours ne sont pas du tout naturel, Anaïs qui est plus ouverte sauve les apparences, mais le mur qui est en face se demande à chaque fois ce qu'elle fait là). Et renforce l'aspect docu-fiction de ce qui n'aurait du être qu'un pur documentaire, que l'on retrouvera disséminé ici et là tout au long du film. Le "clou" est probablement le moment où la mère d'Anaïs tombe dans le coma suite à son opération. La caméra embarque avec son père et elle, et filme leur désarroi (surtout celui d'Anaïs d'ailleurs). Deux options, soient Lifshitz était effectivement présent à ce moment, mais dans ce cas j'avoue être extrêmement mal à l'aise avec le fait d'inclure cette scène dans le film. Comme les vidéos des attentats, je trouve cela trop sensationnaliste et plutôt indécent. Soit il n'était pas là et la scène a été reconstituée, ce qui est encore pire. Tout cela m'a rappelé Braguino, qui usait de la même artificialité en insufflant une part non négligeable de fiction dans le documentaire, parce que ce que le réalisateur avait réussit à capter était à ses yeux insuffisant pour donner sa ration d'émotion au spectateur. Je trouve le procédé profondément détestable.


J'ai aussi eu l'impression que les rencontres tardives des deux filles étaient motivées par le film. Surtout la dernière en fait où tu sens vraiment qu'elles n'ont plus rien en commun et plus rien à se dire. Mais justement je trouve, contrairement à toi, que c'est un bel hasard du documentaire. Au lieu d'une amitié durable, c'est une amitié qui s'effrite très vite et dont on comprend totalement la dissolution, notamment sociale. Je trouve que c'est passionnant en ce que ça dessine deux parcours totalement différents.

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MessagePosté: 25 Sep 2020, 11:54 
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Alors j'ai bcp aimé le film, je comprends vos arguments sur les scènes de l'attentat - mais le film sera vu dans vingt ans, j'espère, donc ça recontextualise.

Pour l'amitié des filles, pour avoir interviewé le réal, elle existe toujours aujourd'hui. Emma est même très nostalgique de celle-ci.


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MessagePosté: 25 Sep 2020, 11:58 
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Citation:
Le "clou" est probablement le moment où la mère d'Anaïs tombe dans le coma suite à son opération. La caméra embarque avec son père et elle, et filme leur désarroi (surtout celui d'Anaïs d'ailleurs).


bien sûr qu'il était là, après inclure la scène au montage, je ne sais pas. Je pense qu'il est véritablement amoureux du personnage d'Anais, de son courage et quelque part ses scènes familiales sont là pour nous montrer comment elle lutte, murit et grandit.


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MessagePosté: 25 Sep 2020, 12:05 
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Art Core a écrit:
Lohmann a écrit:
Concernant Emma, on peut par exemple se poser la question de la nécessité d'accumuler ces scènes d'une tension extrême avec sa mère. Il y en a combien au total, 4, 5, toutes les mêmes, cette adolescente qui est un véritable mur face à une mère qui essaie de ne jamais perdre le lien, que la jeune fille doit probablement ressentir comme trop oppressante parce que l'angoisse maternelle est trop à fleur de peau. N'empêche que l'on ne comprends jamais pourquoi Emma peut à ce point être injurieuse avec sa mère, soit Lifshitz a échoué à nous montrer ce qui justifierait ce tombereau d'insultes, soit il n'y a aucune justification possible et nous faire subir cela plus qu'une fois est injustifiable. Je me demande comment elle a reçu ce que le film lui renvoyait comme image d'elle-même.

C'est étrange comme reproche. Le personnage se construit indépendamment du film. Lifshitz nous montre cette relation telle qu'elle est. Si tu veux juger le personnage libre à toi mais ce jugement ne peut en aucun cas être rapporté au film. Dans mon cas c'est marrant mais c'est plutôt la mère que je trouve insupportable. Parce qu'elle est incapable de donner l'espace nécessaire à sa fille, qu'elle l'étouffe totalement, qu'elle ne comprend pas ce qu'est être adolescent.

Mon jugement n'est pas sûr le comportement d'Emma, mais sur les choix de Lifshitz. Pourquoi répéter ad nauseam ces mêmes scènes, qu'est-ce que cette répétition apporte au film?

Karloff a écrit:
Pour l'amitié des filles, pour avoir interviewé le réal, elle existe toujours aujourd'hui. Emma est même très nostalgique de celle-ci.

Comment peut-on être nostalgique d'une amitié qui existe encore?


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MessagePosté: 25 Sep 2020, 12:07 
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Parce qu'elles ont encore de l'attachement mais ne se voient plus ?

Pour les répétitions de scènes d'engueulades avec la mère je crois que pour moi ça dit quelque chose de fondamental dans ce qu'est l'adolescence face au monde adulte. Cette incompréhension permanente, ces parents qui inconsciemment mettent une pression de dingue sur leurs enfants, cet étouffement d'amour par peur du futur etc... Je pense que c'est quelque chose d'assez juste.

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MessagePosté: 25 Sep 2020, 12:27 
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Lohmann a écrit:
Comment peut-on être nostalgique d'une amitié qui existe encore?


Saudade.


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MessagePosté: 25 Sep 2020, 12:42 
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Bah je prends l'exemple de ma fille de huit ans. Elle est nostalgique de ces années de crèche où elle voyait tous les jours Nina. Maintenant on organise des zooms etc mais comme elle a déménagé, l'amitié existe toujours mais elle pressent qu'elle s'effrite


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MessagePosté: 17 Jan 2021, 03:10 
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Bien aimé pour ma part. Le film arrive à rester captivant même si dieu sait qu'on en a vu des films (docs ou pas) sur l'adolescence ces dernières décennies, et qui racontent presque toujours la même chose...

Par contre j'ai l'impression d'avoir vu un film assez différent de ce qui est dit par plusieurs d'entre vous précédemment :

Le déterminisme social, peut-être mais il me semble que ça n'est pas particulièrement important ou alors pour le prendre à revers. Le cinéaste part effectivement de deux jeunes ayant visiblement des situations sociales assez différentes mais ce qui est intéressant c'est surtout que les deux vont finalement réussir à faire ce qu'elle voulaient contre vents et marées (et je dis bien les deux, car même si Emma semble "baigner" dans un cadre social plus confortable on voit bien que ça n'est pas gagné du tout d'emblée pour elle car elle vise quelque chose qui est en dessous des attentes de sa mère ! Quant à Anaïs c'est clairement elle-même qui choisit la voie du bac pro en 3ème en en fonction de ce qu'elle veut faire plus tard, nul ne sait si elle aurait réussi son brevet et aurait été admise en section générale si elle l'avait souhaité). Ce qui me paraît donc intéressant c'est non pas la situation de départ mais la "convergence des luttes" pour arriver à faire ce qu'elles veulent. Cette lutte et cette résistance qui remettent en question les déterminismes de départ se mènent essentiellement sur le front des institutions qui enserrent les deux ados : la famille, l'école. C'est la seule lutte du film. Je ne vois pas non plus l'intérêt de chercher à opposer les deux filles, à dire qu'elles ne s'entendent plus et ne se voient plus, il n'y a rien de cela dans le film il me semble (contrairement à nombre de films de fictions sur les ados qui utilisent ce ressort scénaristique éculé). Les deux ont juste des relations différentes et nouvelles car elles sont ds des établissements différents, elles n'en deviennent pas pour autant plus distantes en termes d'amitié (comme l'atteste d'ailleurs l'une des dernières scènes où elles sont ensemble et discutent du passé, s'opère là aussi une reterritorialisation dans la mesure où elles ont déjà le regard "vieux con" sur les gamines qui les entourent) en raison du déterminisme social ou que sais-je... On peut d'ailleurs très bien imaginer qu'elles ont continué à se voir de temps en temps pdt le lycée mais que le cinéaste a préféré se focaliser sur la lutte de chacune avant de revenir à leur amitié à la fin.

Je vois pas l'intérêt de chercher des intentions cachées du cinéaste pour palier à un réel qui l'aurait trahi en cours de route. Surtout je comprends pas du tout d'où sort cette interprétation. On retrouve j'imagine l'argument de la "manipulation" déjà dégainé par zad pour "Petite fille" et plaqué sur tous ses films (le dit zad qui, en tant que documentariste croit dans le rachat des âmes, mais en tant que critique est beaucoup moins charitable et déclare des cinéastes irrécupérables, a mis "0" au film).

Le passages qui rappellent l'actu ne m'ont pas gêné, je les trouve même important pour resituer les deux ados dans leur époque et ce que traverse leur génération (même si je n'aime pas ce mot). Il est faux de dire que le cinéaste n'en fait rien, ces scènes sont toujours rattachées à au moins une ou deux très bonnes séquences ultérieures qui filment les ondes de choc justement ds le cadre des institutions qui entourent les deux filles. Pour l'attentat de Charlie Hebdo ds la famille d'Anaïs où avec verve elle prend la défense des musulmans face à sa famille, à l'école pour l'attentat du Bataclan (avec une scène que j'ai trouvé très forte : un élève prend la parole et sa prof lui demande froidement : "tu es en colère ?" et il répond de façon très brut comme le font les ados souvent : "ouais ça me casse vraiment les couilles !" ou qqch comme ça. On sent avec juste une scène comme ça comme ce type d'événement peut avoir un impact sur les jeunes et comme ils peuvent finalement se sentir concernés). Faut ajouter la scène de l'élection de Macron face à Le Pen où là ça se passe dans les familles des deux filles...

J'ai beaucoup aimé le filmage sur une longue période qui permet de voir évoluer les corps (et en particulier les visages particulièrement bien filmés) des deux ados. Les premières scènes dans la voiture ou au resto avec Emma et sa mère sont "amusantes" car on a l'impression qu'elle est déjà douée pour le cinéma, elle semble diriger sa mère en lui imposant le silence, de faire des blancs plutôt que de chercher à occuper tout l'espace avec ces remarques (et critiques) incessantes comme on pouvait le faire de façon maladroite au début du parlant. La scène qui vient plus tard où sa fille lui reproche de pas savoir qu'elle voulait faire du cinéma s'avère du coup très cocasse...

Sur la solitude, la fin notamment est magnifique, chacune s'en va seule vers son avenir. C'est l'aboutissement d'un long processus qui traverse tout le film : comment se libérer de l'emprise des institutions (tout en y adhérant toujours quand même un peu, il n'y a pas de séparation radicale chez ces deux ados, on est toujours sur le fil du rasoir, leur "crise" - autre mot que je n'aime pas - d'adolescence est finalement assez conventionnelle), comment vivre sa vie, prendre son envol (les formules ne manquent pas). Sur la question de la solitude c'est bien plus réussi que le médiocre doc de Simon (il faut dire que Simon est à moi ce que Lifshitz est à zad) avec des ados ("Premières solitudes").


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MessagePosté: 17 Jan 2021, 15:07 
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scienezma a écrit:
On retrouve j'imagine l'argument de la "manipulation" déjà dégainé par zad pour "Petite fille" et plaqué sur tous ses films (le dit zad qui, en tant que documentariste croit dans le rachat des âmes, mais en tant que critique est beaucoup moins charitable et déclare des cinéastes irrécupérables, a mis "0" au film).

Me concernant, je n'avais vu que Les Invisibles avant celui-ci, que j'avais apprécié. Je n'avais aucun à priori sur le travail de Lifshitz, et je ne connaissais bien évidemment pas la position de Zad sur ce réalisateur. Que l'impression de manipulation que j'ai ressentie ici rejoigne l'impression d'autres n'est donc pas tout à fait anodine. Je ne sais plus qui sur Twitter concluait que le diptyque Adolescentes/Petite fille étaient les documentaires 2020 préférés des personnes qui n'aiment pas le documentaire, c'est un brin provocant mais je suis assez d'accord avec ce que cela sous-entend.


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MessagePosté: 17 Jan 2021, 17:37 
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Cela dit, ce serait pas la première fois que Sébastien Lifshitz fait rejouer des scènes.


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MessagePosté: 17 Jan 2021, 17:44 
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Je suis très honoré d'occuper tant de place parmi tes obsessions mon petit JM.

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MessagePosté: 18 Jan 2021, 08:07 
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Zad a écrit:
Je suis très honoré d'occuper tant de place parmi tes obsessions mon petit JM.


tu devrais plutôt me considérer comme un "grand" ennemi, et certains de tes "admirateurs" comme "petits" !


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MessagePosté: 24 Avr 2022, 00:14 
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Je suis vraiment pas rentré dedans, gêné par l'absence de naturel des jeunes filles, où le réel devient une surécriture paradoxale, une performance d'actrice (tous les échanges sont signifiants et trahissent une intention, la camera est aussi trop près des jeunes filles et ne fait pas exister le monde extérieur, qui se réduit aux oarents confondus avec le "déterminisme social", leur seule fonction est de l'amplifier, on a un parfois l'impression d'un pari théâtral à la Chéreau). Cela fait cinéma filmé. Bizarrement les scènes sur les enfants du dernier Amalric m'ont semblé plus réelles, alors même que le but du film est de faire du deuil un facteur de flottement et de dérègement temporel, une perte possible qui est aussi dans le réel)

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Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman


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