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MessagePosté: 11 Juil 2007, 08:29 
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Ecrit par Arnaud Desplechin dont on peut reconnaître la pate dans la description du milieu étudiant (les normaliens), ce Monde sans pitié conserve près de vingt ans après sa réalisation une partie de sa force. Son message, ses personnages, ses répliques ("c'est pas nous les bandits, nous on est des nuls", hurle Girardot aux flics qui veulent l'arrêter), restent en partie d'actualité, et ces personnages dépourvus d'idéaux, d'ambition, sont assez rigoureusement écrits. Il demeure quelques répliques un peu naïves (les discours sur l'amour), et le tout a le charme et les défauts du premier film... Vingt ans après, ça reste terriblement d'actualité. Même si Collard et ses Nuits fauves ont entre temps apporté une réponse déprimante au film.
5/6

Une question cependant : il fout quoi, Rochant, bordel ?!!!!
Une autre question : Attal, césar du meilleur espoir, pour quelques minutes de présence à l'écran ???

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MessagePosté: 11 Juil 2007, 09:50 
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Aux dernières nouvelles il préparait un nouveau film d'espionnage, je crois.

Il avait aussi passé pas mal de temps à bosser sur un film sur la Résistance qui a capoté, me semble-t-il (du coup il a fait L'ECOLE POUR TOUS).

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MessagePosté: 11 Juil 2007, 11:09 
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Je l'ai découvert récemment, et pas été conquis du tout. C'est sûr que c'est assez attachant, naïf mais juste ce qu'il faut, et qu'il y a quelques passages assez marrants, mais qu'est-ce que ça a vieilliiiiiii formellement. La zic, la mise en scène (putain, l'arrêt sur image final, même pas bien calé...), la lumière, tout est tellement 80's décadent, ça fait mal aux oreilles et aux yeux.


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MessagePosté: 11 Juil 2007, 11:10 
Très bon entretien avec Rochant (ça devrait répondre à ta question, Cosmo):

http://www.dvdrama.com/news.php?17197


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MessagePosté: 06 Aoû 2019, 22:56 
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Curieux ces films qui sont à la fois des entrées en matière pour des réalisateurs et/ou des regards rétrospectifs sur une période de leur vie, qui apparaissent de manière cycliques mais qui en même temps sont plutôt rares.
Je pense à une lignée de ce style

Extérieur Nuit (Jacques Bral, 1980) - Un Monde Sans Pitié (Eric Rochant, 1989) - Les Apprentis (Pierre Salvadori, 1995)
(Theory of Achievment, Hal Hartley, 1991) Slacker (Richard Linklater 1991)

On peut relier ça plus tard à Frances Ha (Baumbach, 2012), ajouter Naked de Mike Leigh (1993) et citez-m'en d'autres ça m'intéresserait.

Films dont on dit qu'ils sont, à l'exception du premier, caractéristiques de la Génération X, et représentatif d'une gueule de bois post-soixante-huitarde que Jacques Bral fut le premier à exprimer sous cette forme - films de chambre de bonnes et de colocs mettant en scène le désenchantement de branleurs et/ou de velléitaires chroniques pour qui les aventures amoureuses adviennent à la fois comme un passe-temps et un idéal qu'ils aimeraient séparer du coût matériel de la vie.
Humeur qui réapparaissait de manière cyclique et qui constituait donc, semble-t-il, une forme d'exorcisme pour ces réalisateurs par rapport à l'angoisse de rater à la fois leur carrière et leur vie. Le sujet se traite aussi à la fois sous la forme de comédie grand public, comme dans Marche à l'ombre de Michel Blanc, et on mesure le gouffre de mélancolie qui existe dans le traitement de quelque chose de similaire.
C'est vrai qu'on dirait aujourd'hui un cinéma désuet, comme de privilégiés auquel on reprocherait aujourd'hui non pas son narcissisme, mais sa mélancolie - son côté bovien, désengagé ne correspond par exemple même pas à des aspirations "altermondialistes". Ce monde sans pitié est un monde qui paraît ne plus exister sans qu'on sache s'il ne perdure pas en réalité. Le Paris d'il y a trente ans, ses bagnoles carrées, ses téléphones filaires, ses uniformes avec chapeau melon d'agent verbalisateur dont on ne sait pas si on s'en souvient ou non indiquent un monde qui paraît encore plus rétro que celui d'A Bout de souffle. On se demande également si l'entresoi est simplement logique, déduit du sujet et s'agissant d'un premier film, ainsi que comme un trait typique du cinéma d'Arnaud Desplechin ou l'indice d'une société bien différente.
Le romantisme, la mélancolie du film aujourd'hui auraient presque quelque chose de scandaleux, ce qui le valide a posteriori et en même temps peut être source d'un certain malaise.


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MessagePosté: 07 Aoû 2019, 16:43 
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bmntmp a écrit:
Curieux ces films qui sont à la fois des entrées en matière pour des réalisateurs et/ou des regards rétrospectifs sur une période de leur vie, qui apparaissent de manière cycliques mais qui en même temps sont plutôt rares




Je dirais que c'est au contraire assez courant, et un topos du "jeune-cinema".
"Jeune Femme" relevait un peu de cela. Le début de Grave aussi. La Femme de mon Frère aussi (beaucoup de femmes entretiennent cette veine à la fois autobiographie et sociologiquement générationnelle actuellement, Letourneur notamment).
Le Ciel étoilé au dessus de ma tête aussi. Et dans la même veine les films de Trier et Peretjako.
Dans les exemples plus anciens il y a "Anyway the wind blows" du chanteur de dEUS. Clerks aussi pourrait être rangé dans cette catégorie.

Et bien-sûr la Maman et la Putain, et même le Beau Serge, même si c'est dilué dans l'espèce de catholicisme à la fois révolté et égotiste à la Jacques Brel (de la même génération d'ailleurs). Paris nous Appartient aussi. Dans Cléo 5 a 7 le personnage central positionne aussi Varda elle-même dans son époque, mais de manière provisoire.
Sans doute aussi des choses à creuser du côté de Téchiné.
Le premier Tanner est une forme de détournement du genre (personbage bourgeois, et même patron, âgé devenant brutalement soixante-huitard et imprégné comme un buvard des utopies de l'époque qui agissent aussi Tanner). C'est d'ailleurs un très bon film.

Les premiers films de Darejan Ormibaev ou le premier Nuri Bilge Ceylan possédaient aussi quelque-chose de cet ordre (une auto-explication et une liquidation d'un mal-être).
Le premier (insupportable pour moi) Miguel Gomes aussi.
Oshima c'est plus détourné, ses premiers films sont naturalistes, et centrés sur l'enfance, mais aussi travaillé sourdement par l'autobiographie.

Les tout premiers de Palma sont aussi, de manière finalement inattendue, dans cette veine (du coup, via de Niro, on pourrait ajouter Bertolucci). Le cinéma italien de l'époque allait a fond là-dedans (influences d'une forme d'existentialisme, communiste mais plus intelligemment anti-stalinien qu'en France ainsi que de la psychanalyse). Le premier film que les Taviani ont fait tous seuls, Les Subversifs, est aussi très générationnel et intentionnellement politique. Sans parler du premier Moretti.

Le cinéma allemand va aussi là-dedans (récemment Oh Boy, voire Toni Erdmann)
Dans la même génération que Rochant tu as aussi Assayas qui s'inscrit aussi dans cela. Puis les films de la movida espagnole sont aussi très auto-centrés. Les Chats Persans relevaient un peu du même truc, transposé en Iran

on n'a pas mentionné Philippe Garrel.


Il y en a des tonnes en fait. Je me suis limité à des cinéastes mediatisés.


Greg Araki et Gus van Sant (Mala Noche) aussi. Et tant qu'on y est Spike Lee.
Bizarrement des trucs américains indie recents comme Lady bird ou Mid-Nineties n'assument plus cet égocentrisme au présent et vont vers la nostalgie de l'enfance (et un côté "maman et moi" un peu régressif), elle-même un peu étouffée par une reconstitution vériste voire fétichiste du passé proche (cela désamorce d'ailleurs le poids politique des films au profil d'une vision du monde plus sociologisante et déterministe).

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MessagePosté: 07 Aoû 2019, 20:19 
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J'avais en tête le titre de ce film d'Oshima que je n'ai jamais vu en écrivant mon avis, "bon à riens" (au singulier) justement qui doit avoir quantités d'autres équivalents. Le cinéma italien de l'époque a documenté ce sentiment à loisir aussi sauf que les films ne sont pas restés en mémoire (un peu comme Jacques Bral et Hartley, ou même le premier Rochant, qui fut pourtant un succès à sa sortie, disparaîtront) . Sinon il y a Sing a Song of Sex que j'adore mais qui désigne comme un instant précis, sans sentimentalisme, c'est juste nihiliste, intelligent, distancié, parfois tendre ( tous ces adjectifs peuvent se contredire et le souvenir est trop lointain), ce n'est pas du tout la même chose. C'est pourquoi je citais l'exemple de Marche à L'ombre qui partage Lanvin et son saxo avec le film de Jacques Bral.
Bah sinon tiens bien sûr, La Maman et la putain, film séminal du genre mais que je n'ai jamais vu. J'ai la tête baissée dans le guidon de mes références, auxquelles je donne comme une cohérence chimérique donc (mais de bon alois), et qui se recoupent probablement avec celles que tu cites. Jeune Femme, pas vu mais intéressant peut-être parce que pour une fois c'est une nana qui est au centre du truc (car on pourrait penser à la Nouvelle Eve de Corsini par exemple mais le personnage est un peu plus vieux, juste perdu dans sa vie sentimentale).
Le reste de la liste que tu fais rend compte de mon ignorance ou de mon amnésie : vu le premier tanner par exemple dont je me souviens que Manchette le trouvait dégueulasse ado sans que je comprenne pourquoi, Manchette qui détestait aussi la Maman et la putain tout en aimant le Jacques Bral, le fait qu'il prenne un vieux déjà change la donne.
Je parlais pas de films sur le démon de midi par exemple.

Yep pour Garrel et d'autres que je n'ai pas vus, sinon, mais qui sont autistes dès l'abord, ce qui les rend encore différents. Par ailleurs, Araki mettait en scène le sentiment dans un truc un peu steampunk, en y adjoignant une ambiguïté sexuelle qui le distingue et n'a pas d'équivalent par rapport aux films que je cite qui sont sur des vingt-trentenaires normaux, comme le cinéma français se plaît à les mettre en scène.
Le nihilisme d'Ormibaev n'a rien à voir avec ça, comme la mélancolie distanciée d'Allonsanfans à mon avis. Je parlais en fait plus de ton, avec la nécessité que ce soit un peu contemporain, que de sujet.


Citation:
Philippe Roux : Je serais curieux de t’entendre parler d’Un monde sans pitié,le film de Rochant.
Serge Daney : Pourquoi pas ? Un peu démagogue ? Rochant est un type habile. Il n’est pas intelligent, il est habile. Je ne crois pas qu’il ait un énorme talent. Mais ce n’est pas grave.
Philippe Roux : Pourtant, certains d’entre nous ont eu l’impression de s’y reconnaître. Non dans la démagogie, du moins je l’espère pour nous, mais je veux signifier ceci par « se reconnaître » : le film traite implicitement de l’appartenance à une génération de transit. Il ne s’agit pas de ta génération, mais de la mienne, celle des jeunes hommes et femmes de vingt-cinq, trente ans. À mieux y regarder, ce monde nous montre le peu d’engouement… et pourtant c’est bien notre problème, ce n’est pas l’engouement, l’envie d’en découdre qui nous manque… mais nous ne savons même plus avec qui. Et puis la fin, le film qui finit sur ce que certains appellent de la « poésie », un claquement de doigts, et hop, la tour Eiffel s’allume. Serge Daney : Oui…
Philippe Roux : J’insiste sur l’idée d’une génération en sursis. Dans ce sens-là, oui, il est intelligent. Ce film me semble intéressant parce qu’il a su saisir ne serait-ce qu’en partie notre génération qui s’ennuie… Serge Daney : … il est jeune, il est en phase.
Philippe Roux : Remarque, nous ne sommes peut-être pas si nombreux à nous ennuyer. Même si tu sembles dubitatif, loin d’en faire un chef-d’œuvre, ce film nous dit dans sa maladresse cette chose simple et terrible, belle en même temps, mais terrible parce qu’univoque : il ne nous reste plus qu’à tomber amoureux,
parce que c’est encore ce qu’il y a de moins pire.
Serge Daney : Oui. Je ne sais pas pourquoi, d’ailleurs.
Philippe Roux : Ce sont des choses que j’ai souvent entendues autour de moi.
Serge Daney : Oui, je les ai aussi entendues auprès de gens qui ont l’âge des personnages du film. Dans ce cas ce n’est pas : le film nous aime, mais plutôt : nous aimons le film. C’est-à-dire, c’est une reconnaissance consciente. Je trouve à la limite que le film n’a pas une force, il n’a pas de battements internes énormes,
même s’il a du charme.
Philippe Roux : J’ai revu au même moment La Belle Équipe de Duvivier, et malgré le nihilisme final, il y a encore l’illusion d’un sens commun. Je sens que cela devient aujourd’hui de plus en plus impossible. Il me paraît évident que le champ-contrechamp des deux films contient quelque chose. Serge Daney : Oui… Philippe Roux : Dans le fait qu’avec Duvivier, sous la forme d’une métaphore, on a l’idée de ce qu’était la génération du Front populaire. Une génération qui reconstruit, alors que nous, nous ne construisons plus rien. Ou alors… Fatalement, on s’interroge…
Serge Daney : En même temps, Duvivier est certainement le cinéaste le plus cynique et le plus nihiliste de tout le cinéma français. Je pense qu’à esthétique égale, quelqu’un comme Rochant… mais ça ne se reproduit pas pareil parce qu’il y a moins de cinéma maintenant. Et Rochant ne fera pas cent films comme Duvivier a fait cent films. Enfin… je fais la distinction entre les films sincères – au sens où le cinéaste est en phase avec ce qu’il raconte et sait un peu de quoi il parle – et, disons, les films innocents. Ce film n’est pas innocent. Ce qui donne de la longévité dans le cinéma, par rapport auxidéologies, aux airs du temps, à la politique, c’est
l’innocence, c’est-à-dire de pouvoir traiter du mal sans croire au mal. Pasolini est un cinéaste innocent. Même quand il fait Salò, il reste un cinéaste innocent. Il y a des gens qui ne sont pas innocents. Le commun des mortels, je veux dire. Rochant n’est pas innocent. Quand je dis qu’il est sympathique, habile, etc., c’est que si ça tourne mal, on voit déjà comment lui tournera. Je crois que c’est vraiment un film d’un moment, qui est juste, et encore à moitié. Je trouve que toute la fin du film n’est pas courageuse. Je crois qu’il n’a pas tranché dans son discours. Le film triche un peu, même si dans sa mise en place il est formidable. Enfin, il a une vraie efficacité. Il est vrai qu’Attal est formidable. Girardot travaille trop… mais, autour de lui, là quand même, la grande histoire d’amour avec Mireille Perrier, elle n’est pas très…
Philippe Roux : Elle meuble.
Serge Daney : Moi, j’aime bien ce qui ressort des idées de Renoir. Les gens qui me disent : « Quelle horreur, quelle abjection », je trouve ça un peu exagéré, quand même.
Philippe Roux : Le film de Rochant n’est pas un film que je trouve extrêmement émouvant. Mais nous nous identifions à ce que nous ressentons aujourd’hui. Reste à savoir si ce ne sera qu’un film de circonstances. Après tout, Deleuze écrit que les déserts sont faits pour être traversés. Aujourd’hui nous sommes dans un
désert, alors on verra bien…
Serge Daney : Le problème, c’est que c’est une identification désolée, à la
façon des années 1930…
Philippe Roux : Il me semble que l’identification de ma génération au cinéma
se métamorphose, parce que ma génération est celle qui va voir Le Grand Bleu, ou qui trouve subversif Le Cercle des poètes disparus.
Serge Daney : Un peu plus petit.


La fin d'une époque. Je vais pas faire le commentaire mais déjà on voit que ça embête Daney de répondre, et à la fin le sujet part sur les revues de cinéma et ce qui faisait la distinction de la cinéphilie auparavant.
La distinction entre sincère et innocent rejoint cette idée indéfinissable de ce qui rend un film authentique.


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MessagePosté: 08 Aoû 2019, 06:09 
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Oui Manchette n'aimait pas beaucoup les films "générationnels". Dans son journal je crois il ironise sur l'usage de musique pop fédératrice dans ces films, qui correspond toujours à une intention moralement justificatrice du réalisateur, et exhibent à la fois une sorte de bon goût existentiel standardisé et de mélancolie. Il n'a pas tort, mais je crois qu'il n'entend pas non plus être un allatoya prescrivant ce qu'il faut voir ou pas.
C'est sans doute l'héritage du situationnisme : pour lui la prétention de ces films à l'exactitude sociologique et leur prétention politique s'excluent mutuellement et sont pareillement d'ordre publicitaire. Le vrai film politique est le film noir, qui passe par le détour du genre, pour éviter cette récupération publicitaire.
Dans un de ses articles Daney ironise aussi sur la mode des prénoms dans le titre : "John, Tom et moi". C'est aussi une pique contre Tanner.
Sinon dans la veine féministe, j'ai oublié le film que j'ai vu le plus récemment : L'Une chante, l'autre pas, de Varda (mais on parlait surtout des premiers films, sinon on pourrait ajouter Anatomie d'un Rapport de Moullet).

Il est vrai que le début, qui recourt bizarrement à la fois à la comédie et au vérisme social et parle du passé (1960) est meilleur (en tout cas plus intrigant) que la partie qui filme les années 70, alors qu'il ne sert qu'à caractériser le milieu social des personnages (la suite du film ne reprend pas beaucoup cette caractérisation d'ailleurs, ce qui est en fait une bonne idée).
Au passage influence du film sur Mina Tannenbaum, qui avait lancé Elsa Zylberstein et Romane Bohringer dans les annees 90, et remplaçait le côté militant par un non-dit sur la question de l'identité ( pas un mauvais film, je me souviens d'un gag où un étudiant essaye de draguer le personnage de Zylberstein en lui résumant en une phrase l'Idiot de Dostoïevski : tout le monde pense que c'est un abruti, mais en fait il est très intelligent.).

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MessagePosté: 03 Déc 2019, 14:47 
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bmntmp a écrit:
J'avais en tête le titre de ce film d'Oshima que je n'ai jamais vu en écrivant mon avis, "bon à riens" (au singulier) justement qui doit avoir quantités d'autres équivalents. Le cinéma italien de l'époque a documenté ce sentiment à loisir aussi sauf que les films ne sont pas restés en mémoire (un peu comme Jacques Bral et Hartley, ou même le premier Rochant, qui fut pourtant un succès à sa sortie, disparaîtront) . Sinon il y a Sing a Song of Sex que j'adore mais qui désigne comme un instant précis, sans sentimentalisme, c'est juste nihiliste, intelligent, distancié, parfois tendre ( tous ces adjectifs peuvent se contredire et le souvenir est trop lointain), ce n'est pas du tout la même chose. C'est pourquoi je citais l'exemple de Marche à L'ombre qui partage Lanvin et son saxo avec le film de Jacques Bral.
Bah sinon tiens bien sûr, La Maman et la putain, film séminal du genre mais que je n'ai jamais vu. J'ai la tête baissée dans le guidon de mes références, auxquelles je donne comme une cohérence chimérique donc (mais de bon alois), et qui se recoupent probablement avec celles que tu cites. Jeune Femme, pas vu mais intéressant peut-être parce que pour une fois c'est une nana qui est au centre du truc (car on pourrait penser à la Nouvelle Eve de Corsini par exemple mais le personnage est un peu plus vieux, juste perdu dans sa vie sentimentale).
Le reste de la liste que tu fais rend compte de mon ignorance ou de mon amnésie : vu le premier tanner par exemple dont je me souviens que Manchette le trouvait dégueulasse ado sans que je comprenne pourquoi, Manchette qui détestait aussi la Maman et la putain tout en aimant le Jacques Bral, le fait qu'il prenne un vieux déjà change la donne.
Je parlais pas de films sur le démon de midi par exemple.

Yep pour Garrel et d'autres que je n'ai pas vus, sinon, mais qui sont autistes dès l'abord, ce qui les rend encore différents. Par ailleurs, Araki mettait en scène le sentiment dans un truc un peu montre a gousset steampunk, en y adjoignant une ambiguïté sexuelle qui le distingue et n'a pas d'équivalent par rapport aux films que je cite qui sont sur des vingt-trentenaires normaux, comme le cinéma français se plaît à les mettre en scène.
Le nihilisme d'Ormibaev n'a rien à voir avec ça, comme la mélancolie distanciée d'Allonsanfans à mon avis. Je parlais en fait plus de ton, avec la nécessité que ce soit un peu contemporain, que de sujet.


La fin d'une époque. Je vais pas faire le commentaire mais déjà on voit que ça embête Daney de répondre, et à la fin le sujet part sur les revues de cinéma et ce qui faisait la distinction de la cinéphilie auparavant.
La distinction entre sincère et innocent rejoint cette idée indéfinissable de ce qui rend un film authentique.

il est sur youtube et ne dure que 3h30 https://www.youtube.com/watch?v=gFHn4xPeW14


Dernière édition par solenne31 le 12 Déc 2019, 09:28, édité 3 fois.

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MessagePosté: 03 Déc 2019, 16:05 
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solenne31 a écrit:
il est sur youtube et ne dure que 3h30 https://www.youtube.com/watch?v=gFHn4xPeW14
Oui d'ailleurs j'en ai marre des gens sur Twitter qui expliquent comment le découper sous forme de série...

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MessagePosté: 03 Déc 2019, 18:58 
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bmntmp a écrit:
Manchette qui détestait aussi la Maman et la putain


Lu le justement ce passage hier à cause de ton autre message sur Ken Kesey/Newman, c'est un peu plus compliqué et nuancé que cela (il écrit éprouver de la sympathie pour les personnages et de l'aversion pour li'édologie du film).

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MessagePosté: 03 Déc 2019, 20:30 
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C'est vrai. J'en avais un souvenir un peu faux.
Voilà l'extrait du journal en question

Citation:
Vu au cinéma LA MAMAN ET LA PUTAIN (Jean Eustache). Long et étonnant film où le comble de l'artifice dans la direction d'acteurs aboutit au comble du naturel. Mais film de droite, peut-être le meilleur depuis L'AURORE de Murnau. Éloge d'une débilité, celle d'Alexandre (Léaud), représentant de cette minuscule fraction du corps social qui, détestant le système, se refuse par paresse et par abjection à le subvertir, et qui se réfugie dans le culte du moi - un moi inconsistant et méprisable. Auprès de ce héros abject, une prolétaire paumée séduit par le verbiage dudit, et une boutiquière à la mode, sans conscience (sa situation ne lui permet pas cette activité) qui attend avec beaucoup de tolérance que ça passe. Reste l'humanité des personnages. Ils sont émouvants.
Il n'empêche que la pensée de ce film doit être combattue.


J'ai vu l'émission putassière sur Bertrand Cantat diffusée la semaine dernière

Citation:
Long et étonnant film où le comble de l'artifice dans la direction d'acteurs aboutit au comble du naturel.

Quand Cantat fond en larmes, j'ai cru voir une scène inspirée de la scène finale de la Maman et la Putain. L'artifice, via Eustache, n'aboutit pas au naturel, avec ces éléments souvent distanciateurs du dispositif judiciaire, accru par la différence de langue, entre la juge (francophone cela dit) et le policier qui doit avoir vingt ans à l'arrière-plan mais central.


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MessagePosté: 06 Aoû 2020, 21:44 
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J'ai trouvé le film non pas nul, mais désincarné, fade et ennuyant. La fascination (voire le complexe) du Desplechin première manière envers le milieux typiquement français des normaliens est ici accompagnée d'une intrigue amoureuse extrêmement stéréotypée, qui apparaît d'autant plus infantile et régressive que Girardot et Mireille Perrier sont 10 ans trop vieux pour le rôle. Ce décalage à lui seul suffit à éloigner le film de tout réalisme sociologique, alors que les personnages sont pourtant tiraillés par le regret de ne plus pouvoir s'engager politiquement (la réplique la plus écrite du film à cet égard est prononcée deux fois, dont une au générique, comme un slogan) ; leur vieillesse et le regret de leur adolescence remplacent le déterminisme sociologique, si bien que le propos "politique" du film se dissout. Ils protestent en permanence contre ce qui est finalement à la fois une mise en scène et la condition de leur existence plutôt que le réel. Le film n'a d'ailleurs pas de hors-champs où le réel pourrait se réfugier, et échapper au discours du film, même l'extinction de Paris est montrée et "commandée" symboliquement.
Il est par ailleurs très centré sur les personnages masculins . Les femmes n'ont pas de position politique, juste des réactions qui sont d'emblée des jugements (le sens est vécu par les hommes, les valeurs le sont par les femmes, elles sont objectivées par le désir des hommes, leur liberté est directement proportionnelle à ce qui dans le désir est inévitablement frustré, le film est vraiment pas #MeToo - notamment la scène ou Hippolite stalke Perrier sur son lieu de travail, qui ne passe plus vraiment aujourd'hui (en une sens on comprend qu'elle n'investisse pas vraiment leur relation, leur histoire n'a pas vraiment d'enjeu et de densité, ils n'ont rien à partager, le personnage recherche juste un statut social voire un sur-moi à travers elle).


Ce qui frappe aussi dans ce film (vu depuis la Belgique) c'est à quel point l'imaginaire des grandes écoles (lié finalement à une idée napoléonienne de la France comme Grande Nation, acteur historique privilégié, soit une thématique nationale plutôt que sociale) devient le sur-moi des personnages : il n'ont plus accès au privilège de faire l'histoire collectivement, et ceci les annule aussi sexuellement et sentimentalement comme individu, les deux discours se justifiant l'une l'autre. Les lieux de brassage social et de circulation sont aussi des lieux de prestige et de représentation typiquement parisiens, comme l'ENS d'Ulm, la libraire Sainte-Geneviève et le Panthéon (traité avec plus d'ironie par Butor dans la Modification : un imitation ratée, grandiloquente et régressive, car partant inconsciemment du catholicisme, de Rome). Le film opère un rattachement de la mémoire communiste (la scène avec le vendeur de l'Humanité, qui joue finalement le rôle d'une horloge d'église, scandant les journées et énonçant en même temps l'état du monde, ou le fait que Perrier travaille dans le bâtiment de Niemeyer) à cette imaginaire nationaliste, peut-être inconsciemment, sans que cela soit programmatique.
J'ai eu l'impression de toucher le début, porté dans un discours se positionnant alors à gauche, d'une attitude devenue progressivement décliniste et droitière (et bizarrement, de moins en moins bourgeoise à mesure qu'elle assumait cet aspect droitier) au fil des ans, que l'on a retrouvé ensuite dans les chroniqueurs de Ruquier, puis finalement (transformation ultime mais logique) l'idée que Zemmour pourrait être un recours politique.

J'ai aussi été sorti du film par la musique, faisant penser à l'accompagnement des émissions du samedi après-midi sur TF1 dans les années 90, comme 30 Millions d'Amis.

Finalement le cinéma français a progressé, Elle de Verhoeven , les Hers ou même certains Honoré, décrivant le même milieu, sont plus intéressants et complexes.

Ceci dit, j'éprouve de la curiosité pour les Patriotes quand-même, et où les limites de ce film (l'absence, voire la peur du hors champ, l'auto-justification permanente des personnages) peuvent devenir des atouts et conférer du souffle à un cinéma qui s'inscrit dans le genre du film d'espionnage.

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Erving Goffman


Dernière édition par Vieux-Gontrand le 07 Aoû 2020, 12:19, édité 7 fois.

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MessagePosté: 06 Aoû 2020, 21:51 
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Cosmo a écrit:
Une autre question : Attal, césar du meilleur espoir, pour quelques minutes de présence à l'écran ???


Oui, par contre l'acteur qui joue le petit frère (Jean-Marie Rollin), personnage central est plutôt bon et a disparu .

_________________
Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman


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MessagePosté: 08 Aoû 2020, 12:54 
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I discovered it recently, and not been won over at all. Of course, it's quite endearing, naive but just the right thing, and that there are some pretty funny passages, but what is it formally agediiiiiii. The zic, the staging (damn, the final freeze, not even well stalled ...), the light, everything is so decadent 80's, it hurts the ears and eyes.

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