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 Sujet du message: Mickey One (Arthur Penn, 1965)
MessagePosté: 22 Aoû 2018, 22:07 
Détroit, 1965. Warren Beatty est un comédien de stand-up (son nom réel restera inconnu), dont la carrière démarre de manière prometteuse. Mais, à l'instar de Sinatra, il a quelques accointances avec le milieu mafieux local et commet l'erreur de sortir avec la maîtresse d'un ponte
( Donna Michelle,Playmate of the Year 1964, bonne actrice d'ailleurs)
.
Il se retrouve menacé. Visiblement brillant, mais souffrant d'une psychologie fragile, et ayant peu d'attaches (c'est un immigré polonais venu seul aux USA, comme un reliquat juvénile mais fantomatique de l'époque d'Ellis Island transplanté dans les années 60), il est difficile de déterminer la part d'hallucination et la réalité dans cette situation.
Il fuit Détroit en catastrophe par le train, comme un vagabond ; alors qu'il vivait jusqu'ici très luxueusement, et échoue à Chicago, épuisé et sans ressources. Là il vole la carte de sécurité sociale (et donc l'identité) d'un Yougouslave au nom imprononçable, et gagne ainsi le sobriquet de "Mickey One". 4 ans passent, et à force de petit boulots et de ténacité, Mickey One parvient progressivement à se refaire. Il attire à nouveau l'attention d'imprésarios locaux, plus ou mois établis et plus ou moins fiables.


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Film de la rencontre entre Warren Beatty et Arthur Penn, qui partageaient une même défiance envers les studios ainsi qu' une même sensibilité politique (lefties" explique Peter Biskind dans le bon bonus du DVD de Wild Side Video), il représente une sorte d'ébauche du futur Bonnie & Clyde. L'ambition artistique de Penn, essayer d'importer la politique des auteurs et l'esprit de la Nouvelle Vague dans un film américain "indépendant" (comme on ne le disait pas à l'époque), rejoignait alors un soucis commercial de la Columbia qui lui a donné un petit budget et carte blanche.

Ils partent d'une pièce de théâtre qu'ils jugeaient eux-même "prétentieuse", embauchent Ghislain Cloquet à la photo, chef op d'Alain Resnais puis Bresson, Demy et Sautet ou Duras, (ce qui n'est pas tout à fait la Nouvelle Vague, mais pouvait le paraître vu des USA...).

La musique est signée de Stan Getz. Et pour faire bonne mesure, mais aussi confiner un peu plus le film dans un certain snobisme : Fluxus est même présent via des oeuvres de Jean Tinguely (dans de belles scènes oniriques d'ailleurs, proto-lynchienne, on y reviendra).

C'est un film malade, décousu, le cul entre deux (voire trois) chaises : films contestataire et engagé, cinéma du réel à la Wiseman ou Rogosin, et film commercial américain mettant en valeur l'homme seul qui assure sa propre rédemption contre le reste du monde. Le film peut être jugé poseur (Beatty ne l'aimait pas, mais a néanmoins continué avec Penn) mais est aussi plein d'énergie, formellement superbe (noir et blanc melvillien), et; pour tout dire, attachant.

Il est en fait assez éloigné de la Nouvelle Vague française, malgré les effets de signature, mais est en revanche très bien inscrit, comme un chaînon manquant, dans l'histoire du cinéma américain,. C'est une passerelle entre l'esprit des films d'Orson Welles des années 40 (une des boîtes où passera Beatty s'appelle d'ailleurs le Club Xanadu); et les films plus établis et connus du Nouvel hollywoord comme Conversation Secrète de Coppola, la veine paranoïaque de Scorsese (A Tombeau Ouvert, mais surtout Taxi Driver et After hours) et même vers la génération d'après : David Lynch ou Tarantino (Dick Laurent is Dead et Zed is Dead proviennent clairement d'une réplique-leitmotiv de la fin Mickey One).
L'histoire n'est pas sans analogie avec "Lost Highway" et "Mullholland Drive". Mais, chez Penn, le mystère et la mise en scène de gangsters métaphysiques, eux-même paraonïaques et perdus dans une sorte d'introspection existentielle douloureuse et surréelle, se voulaient une métaphore transparente et directe du McCarthysme plutôt qu'un jeu avec la sensibilité consumiériste, à la fois lucide mais désabusée matérialiste et ouverte au codage l'ésotérique (des eigthies de Cronenberg). Penn et Beatty voulaient visiblement faire un film plutôt existentiel et engagé "français" (à la Camus-Sartre si on veut), mais font involontairement, sans pouvoir faire autrement, une oeuvre de déjà complètement post-moderne et typiquement américaine.

Beatty est excellent (dans un jeu il est vrai proche de Belmondo chez Godard), on sent qu'il prête de sa propre folie au personnage, et qu'elle un moteur qui fait exploser le cadre ainsi qu'une peur qui le domine. Arthur Penn, cinéaste à la fois hyper-manichéen et volontairement minoritaire dans le système des studios auquel il appartient tout de même, est très bon dans la représentation (et la défense) de la folie et de l'obsession (qu'on songe à Miracle en Alabama) et parvient à rendre ici sensible et poignante la paranoïa : une hyper-compréhension de la totalité du monde, jusque dans ses articulation ontologiques secrètes, à laquelle rien n'échappe, sauf la fragilité du monde, qui est onmiprésente mais n'est nulle part incarnée, qui n'est pas une chose mais une image et, à la limite, un sentiment.

Malheureusement on a collé au film une love-story aussi douloureuse que lambda et improbable, avec Alexandra Stewart (pas mauvaise au demeurant, mais qui est pour ainsi dire contrainte de jouer dans un autre film et d'en représenter le pôle "grand public"), un personnage de femme à la Kazan, rédempteur et impuissant, où ressort le tout manichéisme de Penn (ce qui prévaut au plan de la moral pour la femme correspond à un destin pour l'homme) qui plombe un peu le film et en atténue la singularité.
Mais le film reste très intéressant et essaye beaucoup de choses, en emportant parfois le morceau, parfois moins (
le coup classique du film à clé le début c'est la fin en fait
). Peu vu, on lui a emprunté beaucoup sans forcément assumer la filiation. Le début du film, au montage très sec, sans dialogues, créant quelque chose d'onirique par le jeu des échelles de plans, la composition et la brutalité des plans, est remarquable, et semble dater d'un Lynch de 1996 plutôt que de 1965. De nombreux segments du films scènes vraiment formidables, même si mal justifiées dans la narration, comme la casse de bagnole. La fin (
avec l'audition comme théâtre existentiel absolu, un peu comme la cahmbre de Twin Peaks
) m'a aussi cueilli et amené à penser, à 50 ans de distance : "Beatty joue pour moi")

Les seconds rôles sont aussi très bons, Franchot Tone et un acteur que je connaissais pas, Hurd Hatfield, absolument glaçant, à côté duquel Christopher Walken ressemblerait presqu'à Victor Lanoux.


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