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MessagePosté: 07 Nov 2017, 16:58 
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"Carré 35 est un lieu qui n’a jamais été nommé dans ma famille ; c’est là qu’est enterrée ma sœur aînée, morte à l’âge de trois ans. Cette sœur dont on ne m’a rien dit ou presque, et dont mes parents n’avaient curieusement gardé aucune photographie. C’est pour combler cette absence d’image que j’ai entrepris ce film. Croyant simplement dérouler le fil d’une vie oubliée, j’ai ouvert une porte dérobée sur un vécu que j’ignorais, sur cette mémoire inconsciente qui est en chacun de nous et qui fait ce que nous sommes."

Carré 35 se termine sur une séquence d'une intense émotion, l'une des plus fortes que j'aurais ressentie cette année, sinon la plus forte. Pour en arriver là, Caravaca aura intelligemment construit son film (de famille) comme une quête de la vérité, un jeu de piste, où petit à petit les raisons du silence de ses parents sur la mort de sa sœur seront révélées. Pour moi la force principale de ce documentaire est là, dans le courage nécessaire pour questionner ainsi ses parents sur un sujet qu'ils ne souhaitent pas aborder, pour revenir ainsi à la charge et mettre au jour les incohérences de leur discours, sans jamais se départir de l'amour que l'on porte pour eux. C'est un numéro d'équilibriste que je salue, d'autant que je sais ne pas avoir le courage de faire la même démarche. Mon père a fait la guerre d'Algérie et c'est un sujet sur lequel je n'ai jamais voulu le questionner, en me disant que je ne souhaitais justement pas le mettre dans la position où les parents de Caravaca étaient ici mis, plus probablement parce que je ne voudrais pas savoir que mon père ait pu commettre des actes que je ne saurais accepter. Pour cela le film est une pleine réussite, une déclaration d'amour autant qu'une catharsis.

Mais, et c'est une qualité attribuée à ce film que j'ai pu lire ici ou là, Caravaca a voulu imbriquer la petite (la mort de sa sœur) et la grande (la décolonisation) histoire, sous le seul prétexte que les deux sont concomitantes (enfin un peu plus que cela, pour justifier que sa mère soit en France lorsque sa sœur était au Maroc). L'argument m'a semblé très mince et artificiel, et m'a d'un coup rendu moins sympathique sa démarche, comme s'il avait ressenti le besoin d'en faire un événement grandiloquent et révélateur d'une époque, alors que le film aurait gagné à rester dans sa démarche humble initiale, d'un fils souhaitant simplement comprendre un peu mieux ses parents
Et que dire du rapprochement entre l'interprétation psychanalytique selon laquelle tous parents d'enfants handicapés ressentiraient un jour le besoin de les voir mort et l'eugénisme nazi. Les images sont fortes mais totalement disproportionnées. Je ne sais si la mère de Caravaca a vu le film, j'imagine à quel point ces images l'auront blessée


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MessagePosté: 13 Nov 2017, 10:25 
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Je trouve au contraire que ce que tu reproches au film est sans doute ce qu'il a de plus réussi. De dépasser son drame familial profondément, exclusivement intime pour parler de quelque chose de plus grand et d'universel. Le parallèle avec le colonialisme m'a paru d'une rare pertinence pour le coup venant éclairer ce récit tragique d'une lumière différente. Si j'avais un grief ce serait plutôt la partie sur les archives du CNC et l'image en tant que vectrice de vie qui m'a semblé légèrement survolée et superficielle. Cependant c'est parfaitement cohérent avec la quête du film, mettre un visage sur un fantôme.

Ce que j'ai trouvé beau dans ce film c'est à quel point Caravaca n'utilise pas la tribune du film pour faire un drama familial ou un règlement de compte. Ses parents ont agit de manière innommable, ce qu'ils ont fait me paraît impardonnable et répugnant. Les voir mentir face caméra les rend presque monstrueux. Mais Caravaca n'est jamais dans la colère, dans le ressentiment, dans la volonté de leur faire payer ce lourd mensonge. J'aime comme tout se dit dans les silences, sans lourdeur. La quête de Caravaca elle est pour sa soeur, pour lui donner un visage, une existence post-mortem. Quand, dans cette scène bouleversante, il joint cette femme inconnue qui a pris soin de la tombe de sa soeur depuis des années, qui lui parle, qui refuse de la laisser sombrer dans l'oubli, il ne le commente pas c'est inutlie, on comprend nous mêmes la douleur que ça doit représenter. Que la bonté naturelle d'une inconnue donne à sa sœur la dignité, la pérennité que ses parents lui refusent. Et tout le film est ainsi, la relation des Caravaca et de ses parents n'est finalement pas le sujet du film, le sujet c'est Christine, la retrouver, mettre un visage sur son nom, sur son souvenir. Du coup en effet la dernière scène est bouleversante, fonctionnant comme une espèce de pardon cathartique. Pas le pardon de la mère à son fils mais le pardon de la mère à sa fille oblitérée des mémoires.

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MessagePosté: 13 Nov 2017, 10:32 
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Art Core a écrit:
Le parallèle avec le colonialisme m'a paru d'une rare pertinence pour le coup venant éclairer ce récit tragique d'une lumière différente
En quoi?


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MessagePosté: 13 Nov 2017, 10:35 
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Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Pour toute la question de la honte principalement, de l'exil ensuite et de ce refus de regarder derrière comme si on était conscients des horreurs perpétrées mais qu'on se refusait à les admettre. J'ai trouvé ça très juste.

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MessagePosté: 13 Nov 2017, 10:45 
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Art Core a écrit:
Pour toute la question de la honte principalement, de l'exil ensuite et de ce refus de regarder derrière comme si on était conscients des horreurs perpétrées mais qu'on se refusait à les admettre. J'ai trouvé ça très juste.
Je comprends ce que tu veux dire, mais il y a tout de même quelque chose qui me gêne dans ce parallèle, pour un sujet aussi intime le film aurait gagné à rester humble, mettre son histoire en vis-à-vis de la décolonisation je trouve ça un peu obscène.


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MessagePosté: 13 Nov 2017, 10:54 
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Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Je crois qu'il essaye juste de comprendre, pas d'insérer sa petite histoire dans la grande, pas de se réapproprier quoi que ce soit. A la limite je me serais bien passé des horribles images d’exécutions sommaires et qui étaient pas forcément nécessaires pour comprendre le propos.

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