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L'arbitro (Paolo Zucca- 2013)
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Auteur:  Gontrand [ 14 Mai 2017, 11:36 ]
Sujet du message:  L'arbitro (Paolo Zucca- 2013)


L'équipe de football du village reculé de Parabile, l'Atletico, est l'éternelle bonne dernière du championnat de troisième division sarde. Elle se fait malmener régulièrement, à la fois sur terrain et en dehors, par celle du village voisin de Montecrastu, dont le capitaine est Brai, un homme riche, cynique et violent, aux allures de parrain, réplique à la fois réduite et plus visiblement sadique de Vito Corleone. Le retour au pays après une tentative ratée de chercher fortune en Argentine, de Matzutizi, un looser amoureux total, frimeur paumé mais un bon footbaleur, va modifier soudainement la donne sportive du championnat.
Dans le même temps, à Genève, au siège de la "FEFA", le jeune, prometteur mais aussi naïf qu'ambitieux arbitre Cruciani intrigue auprès de sa hiérarchie pour arbitrer une grande finale européenne et, à force de petites combines, met le doigt dans un engrenage de corruption dont il ne comprend pas la portée.


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Excellente surprise que ce film, excellente comédie, dont j'ignore si elle est sortie en France, que j'ai découvert par hasard, en confondant la pochette du DVD avec celle d'un (autre très bon et très drôle) film d'Andrzrej Munk dans une médiathèque (Eroïca).

C'est une satire à la fois hilarante et fine, qui entremêle savamment plusieurs objets : en premier lieu, le monde du foot et ce qu'il représente, à la fois à l'échelon global (la FEFA) et local (où il sert d'exutoire, à la pauvreté et à la violence mafieuse). C'est donc aussi un film sur la mafia, non pas dans sa partie la plus spectaculaire, mais au niveau villageois et quotidien. Et finalement, chose assez rare, il s'agit d'une sorte de comédie ethnographique sur la campagne sarde et la vie des paysans, leurs rituels, le passage des générations, leur silence, et la violence d'une vie de lutte, souvent solitaire avec un regard qui reste respecteux. On sent le cinéaste (jeune, né en 1972) qui veut parler d'où il vient, et utilise l'humour non pas pour se valoriser au détriment de son milieu, mais contourner le piège du vérisme et de l'exotisme. Le film est en effet à la fois hilarant et très réaliste (la partie sur les magouilles del la FIFA est drôle, mais est aussi un proto-thriller à la Michael Mann), il comporte une intrigue silencieuse très dure, dans laquelle un paysan perd son troupeau et ses chiens; par la faute d'un braconneur qui reste invisible pour lui mais nous est montré , qui est complètement déconnectée du ton comique du reste du film, en forme un contrepoint tragique. Et ce mélange des genres est très fort.

L'humour est en fait assez proche de celui des meilleurs Luc Moullet, mais en moins poseur, et plus "collectif" et populaire.

Formellement l'Arbitro est aussi très réussi, tourné dans un très beau boir et blanc pseudo dreyerien- murnau à la Albert Serra (on peut aussi penser à Sicilia ! des Straub ou à une version rurale et méditerranéenne de Clerks) , qui est à la fois un élément comique, l'objet d'un recul lucide (il permet d'introduire quelque chose de volontairement pompeux, qui rattache habilement l'univers du foot a un substitut de la religion catholique, où le cycle joie innocente - faute - damnation- mortification-résurection-pardon est reproduit, finalement cette beauté trop pompeuse est dès la première seconde le signe de la corruption à venir) et quelque chose valant esthétiquement pour lui-même, et investi sincèrement par le réalisateur.



Vraiment un très bon film, une des meilleures comédies récentes que j'ai vu. Un peu au foot ce que the Big Short est à la finance.

(Et le personnage du vieil entraîneur aveugle mais visionnaire est superbe)

Auteur:  bmntmp [ 15 Jan 2023, 19:26 ]
Sujet du message:  Re: L'arbitro (Paolo Zucca- 2013)

J'oubliais où j'avais entendu parler de film méconnu, quasiment inconnu en fait. Eh bien c’est ici.
aolo Zucca, réalisateur sarde, n’a fait qu’un autre film depuis, dans une veine réaliste magique que l’on pressent un peu ici et qu’on retrouve dans ailleurs dans le Heureux comme Lazarro d’Alba Rohrwacher: ancrage dans une Italie rurale et frustre, atemporelle, où la modernité est comme absente. Le film donne l'impression de se passer dans les années 70 mais une sorte d'impossibilité à le situer dans le temps, accentuée par le noir et blanc, les références religieuses le tirent du côté de l'allégorie. Les deux - voire trois - récits parallèles, dans lesquels l'arbitre, annoncé comme central si l'on se fie au titre, est finalement au second plan, achèvent un peu plus de faire perdre ses repères au spectateur. On salue donc cette originalité, un peu par principe, et cette matière rugueuse de la mise en scène qui rappelle en effet les Straub de Sicilia. Accompagné, cependant, d'effets plus lourds, comme des ralentis, convoquant des fantômes leoniens, ou bande originale à la guitare style americana contemporaine, plutôt belle, offrant à l'allégorie les oripeaux du western. Et oui, l'entraîneur aveugle est un assez beau personnage.

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