Leningrad en 1935: tandis que le marché noir fait rage et que le grand banditisme dont le héros est Soloviev défie les forces de police, Ivan Lapchine, chef de l'instruction policière, fête ses quarante ans dans l'appartement communautaire entoure de ses amis.
3ème film de Guerman que je vois après Il est difficile d'être un Dieu et Khroustaliov, ma voiture, Mon ami Ivan Lapchine (adapté d'une nouvelle de son père) est dans la droite ligne des précédents. Toujours centré sur une figure d'autorité (qu'il s'agisse d'un roi, d'un général ou d'un gradé de la police) qui outrepasse allégrement les limites de son pouvoir (moins flagrant pour Lapchine, mais la scène finale est là pour mettre ce point en exergue), englué dans une société pourrie (aussi bien symboliquement que prosaïquement), Guerman n'a semble-t-il eu de cesse de dresser un tableau de la Russie (ou de l'Union Soviétique) pour le moins peu ragoutante. Mais plus encore que ses thématiques, c'est la constance de son style si particulier qui frappe (on pourrait presque rapprocher sa fréquence de réalisation à celle d'un Kubrick, mais alors que pour ce dernier chaque nouveau film était assez radicalement différent du précédent, chez Guerman on à l'impression qu'il n'y a quasiment aucune évolution stylistique - à confirmer avec ses films les plus anciens). Interférence systématique à l'écran, chevauchement des voix, caméra portée assez virtuose, d'un film à l'autre on ne cesse de se perdre dans une histoire qui ne me semble finalement pas être ce à quoi Guerman attache le plus d'importance. C'est bien plus l'atmosphère qu'il réussi à créer, voir le matériau cinématographique en tant que tel, qui semble avoir toute son attention.
Des mois après avoir vu les deux précédents je ne savais toujours pas si je les avais apprécié ou non, étant à la fois attiré par la forme mais aussi agacé par l'impossible compréhension de l'histoire. Mon ami Ivan Lapchine, en étant un peu moins jusqu'au-boutiste que ces deux derniers films permet d'apprécier un peu plus facilement le cinéma de Guerman, et donne envie de remonter encore plus loin dans sa cinématographie pour découvrir les potentiels joyaux qui pourraient s'y trouver. J'aurais même envie de revoir Khroustaliov (peut être me laisserais-je tenter par une projection à la cinémathèque en Mai), qui des trois que j'ai vu me semble être le plus maitrisé.
4/6