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MessagePosté: 02 Fév 2020, 19:48 
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Berlin, début des années 60. MacNamara (James Cagney dans un de ses derniers rôles), la soixantaine, est le patron de la filiale allemande de Coca-Cola. Fort en gueule, ambitieux et cynique, mais doté toutefois d'une certaine indépendance d'esprit, il ironise sur le passé nazi supposé (ou refoulé) de ses subalternes, en particulier à l'endroit de son assistant souffre-douleur, le zélé Schlemmer (très bon Hanns Lothar, mort peu après le film).

Il entretient visiblement une liaison avec sa secrétaire, la jolie Ingeborg (Liselotte Pulver). Comme on sait, la situation politique est tendue, la guerre froide reprenant après la parenthèse de la déstalinisation, celle du Viet-Nam s'envenimant, mais le Mur n'est pas encore construit et l'on peut encore se déplacer d'une zone à l'autre. McNamara est en contact avec trois officiels soviétiques du secrétariat d'état aux boissons sucrées, hauts en couleur, qui lui font miroiter la possibilité de pénétrer le marché soviétique, ce qui accélérerait sa carrière.

Tout se complique quand le patron de la firme, Mr. Hazeltine, à Atlanta, lui demande de veiller sur sa fille de 18 ans Jennifer (Pamela Tiffin -la starlette en maillot de bain avec Robert Redford dans la Classe américaine, c'est elle) qui visite l'Europe. Jennifer est délurée et fêtarde, enfant gâtée et naïve de la bourgeoisie sudiste.
Deux mois plus tard, le grand patron Hazeltine entreprend un voyage d'inspection en Europe. Mais les extrêmes s'attirent. McNamara, qui avait un peu perdu la trace de Jennifer, s'aperçoit qu'elle vit une passion amoureuse avec un prolétaire de la zone-est, Otto Piffl (Horst Buchholz), un des rares habitants de Berlin-Est demeuré sincèrement communiste, et ce de façon déintéressée. Pire : ils auraient contracté un mariage secret. Le peu scrupuleux McNamara arrange un stratagème avec l'aide de Schlimmer pour le faire passer pour un espion pro-Ouest aux yeux des autorités de la zone Est, afin qu'il moisisse en prison. Mais d'autres rebondissements vont à nouveau changer la donne...


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Comédie, tournée dans la foulée de The Apartement, qui a la réputation d'être une des plus rapides de l'histoire, très proche de l'esprit du screwball. C'est tout à fait exact; et chaque réplique est un bon mot, qui oscille entre le comique de répétition parfois laborieux et des saillies qui demeurent absolument hilarantes après soixante ans, ce qui est une gageure. Le film est donc un plaisir de spectateur.

Cependant l'humour repose principalement sur le dialogue, ce qui donne finalement à la majeure partie film une structure de pièce de boulevard, d'autant plus que Cagney, dont on peut quand-même deviner qu'il est un grand acteur, surjoue et hurle toutes ses répliques, tout en laissant un temps d'attente, blanc, mais rempli par des sortes de rires préenregistrés potentiels, dispositif télévisuel qui contredit le discours politique grinçant du film, d'autant que le film est assez statique et se déroule principalement dans le bureau moderne de McNamara.

La plus belle partie du film est finalement la moins comique, mais la plus décentrée: l'incursion à l'est de McNamara et ses acolytes, dans un hôtel "Potemkine" ("ancien Hôtel Göering puis encore avant Hotel Bismark") fantasmatique, peuplé de soldates soviétiques lesbiennes (montrées avec plus d'ironie tendre que de moquerie) découvert dans un superbe travelling à la Fassbinder (avec un caméo de Friedrich Hollaender, gueule extraordinaire, musicien légendaire du Berlin des années 30). Cette scène s'enivre ensuite, culmine dans un passage où Liselotte Pulver monte surr une table bourrée et fait un début de strip-tease sur la Danse du Sabre de Khatchatourian en jonglant avec des flambeaux et se termine dans une poursuite en voiture dans Berlin, extrêmement dynamique, qui n'a rien à envier à Bullit. Mais le film redevient ensuite immédiatement statique

Pourtant le postulat de Wilder est courageux : mettre sur le même plan la satire du communisme, du nazisme et celle de enterprise moderne prétendant mélanger humanisme et efficacité (on est pas si loin de la sensibilité m de l'Ecole de Francfort), pointant des correspondances et similitudes entre les trois univers , insistant sur une concurrence dans l'aveuglement qui est à la fois le nom du pouvoir et celui de la culpabilité.
Il y a même des blagues bien senties sur la Guerre d'Algérie et les indépendances africaines. L'irréverence du film et son intelligence de l'époques sont dont bienvenues. Mais d'un point de vue formel , c'est surtout une sorte de cross-over entre La Scandaleuse de Berlin (pour le versant historique et collectif) et la Garçonnière (pour le pôle individuel et économique, qui fonctionne comme une intériorisation inconsciente de ce qui a d'abord été donné explicitement dans l'histoire), extrêmement drôle, mais ne représentant toutefois qu'une forme dérivée de ces films, n'en possédant pas la profondeur psychologique ni le la richesse formelle.

On retrouve quand-même des constantes et obsessions qui traversent l'oeuvres de Wilder : il ya
A un jeu sur le travestissement (et un gag) qui surpassent Certains l'aiment chaud (Wilder fait d'ailleurs ressembler Liselotte Pulver à Marylin, ce qui est là aussi une prouesse). La voix off introductrice (de McNamara) est comme dans Double Indemnity le sur-moi moral d'un personnage qui ne l'est déjà plus au moment au moment où le film commence (cette compréhension morale plaçant le personnage hors du récit et du temps) : le récit est raconté depuis le point de vue d'une faute morale, qui investit la fiction comme une cachette. Et Wilder est assez féministe, les trois personnages féminins, Pulver, l'épouse bourgeoise (prenant le risque du divorce, dégoutée par le cynisme de son mari) et même Jennifer (Pamela Tiffin apparaît finalement comme une bonne actrice) sont plus intègres et lucides que les hommes. Elles seules prennent le rsique de sortir du jeu social, conscientes de la contradictions entre principe et actions, quand les hommes sont cette contradiction elle-même, une violence immotivée (et donc tragiquement sentimentale). Wilder est existentatiste pour les hommes, et mystique et essentialistes pour les personnage féminins : ils sont opposés et séparés comme le sont une action et sa raison. Agir pour Wilder est clairement un principe masculin, toujours l'effet d'une souillure, une contrainte : avec cette voix off, la rationnalité s'identifie à la morale pour devenir spectacle, mais est aussi au centre d'une nostalgie douloureuse (et le seul objet de fantasme possible ) , pareille à celle de l'innocence avant la chute ( le jeu sur l'ambiguïté sexuel indique au contraire ce qui peut retomber dans l'oubli et échapper au visible : on ne verra rien de la dérive de Schlimmer déguisé en femme dans Berlin-Est, ce qui rend les quelque répliques échangées à ce sujet d'autant plus drôles).

4.5/6

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MessagePosté: 04 Fév 2020, 13:42 
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Vieux-Gontrand a écrit:
Comédie, tournée dans la foulée de The Apartement, qui a la réputation d'être une des plus rapides de l'histoire, très proche de l'esprit du screwball. C'est tout à fait exact; et chaque réplique est un bon mot, qui oscille entre le comique de répétition parfois laborieux et des saillies qui demeurent absolument hilarantes après soixante ans, ce qui est une gageure. Le film est donc un plaisir de spectateur.
Un plaisir parfois mais une souffrance souvent. L'impression que Wilder a privilégié la quantité à la qualité, il touche juste une fois sur dix, se répète beaucoup, y compris dans ses références à ses œuvres précédentes (les talons qui claquent de Schlimmer c'est la même blague que Preminger exécute une fois dans Stalag 17 par exemple - ce qui la rend d'autant plus drôle qu'elle n'est pas usée jusqu'à la corde). Alors oui il y a de bons mots (No culture, just cash!) et des séquences vraiment drôles (d'accord avec toi, la partie dans Berlin Est est vraiment la meilleure, entre les pièces qui se meuvent toutes seules sur l'échiquier ou le portrait de Khrouchtchev qui tombe laissant apparaître celui de Staline), mais je ne trouve pas qu'il ait beaucoup plus à dire que dans La Scandaleuse de Berlin (qui décrivait pareillement les allemands comme encore sous forte influence nazi et les ricains comme leurs nouveaux colons) et son rythme hyper frénétique m'est rapidement devenu insupportable (l'interminable séquence où l'on prépare Piffl à sa rencontre avec ses beaux-parents est BEAUCOUP trop longue, pas drôle, je n'en pouvais physiquement plus).

Vieux-Gontrand a écrit:
Cagney, dont on peut quand-même deviner qu'il est un grand acteur, surjoue et hurle toutes ses répliques.
Je me demande vraiment ce qui a piqué Wilder de prendre Cagney pour ce rôle. Lemmon aurait été trop jeune, mais il correspondait bien mieux au style Wilder, l'un des échecs de One, Two, Three pour moi c'est que les sous-entendus sexuels tombent à plat, il n'y a jamais rien d’irrévérencieux ou de subversif, Cagney n'arrive pas du tout à incarner une quelconque libido, tout ce qui touche au sexe est ici excessivement ennuyeux. On est très très loin de Sept Ans de réflexion ou Uniformes et jupons courts.


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MessagePosté: 04 Fév 2020, 17:09 
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MessagePosté: 04 Fév 2020, 17:20 
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MessagePosté: 04 Fév 2020, 18:08 
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Oui, on est d'accord, c'est un peu raté, les coûtures sont particulièrement apparentes même si cela reste intelligent, et la Scandaleuse de Berlin crée des personnages qui ont beaucoup plus de densité et de mystère (que recherche la sénatrice en Allemagne finalement : dès le début du film elle est dans une démarche de fuite qui n'est expliquée que partiellement : malgré son ridicule et le pouvoir qu'elle détient c'est une amoureuse sincere et mortifiée par plusieurs echecs)
. Mais d'un autre côté la vision du monde de Wilder est plus apparente dans ce film, à cause de ce côté patchwork, et reste cohérente avec ses autres films

L'enjeu du film est justement de convertir une idéologie en automatisme, pour l'abandonner ensuite Le dénouement est à la fois laborieusement amené et adrupt.
Maintenant il y a quand même des répliques où j'etais écroulé (la petite fille : "I know what's happening : Pamela gonna have puppies" où les ultimes recommendations de Cagney pour du small talk sur la.politique ou la vivisection).

L'intérêt du film est aussi de mettre sur le même plan les acteurs allemands peut-être relié à un cinema plus régional (et même les rescapés de l'entre deux guerre chassés par l'antisémitisme) au même niveau que les stars américaine. L'osmose ne prend pas tout à fait, il y a comme deux films disjoints au sein d'une même intrigue , celui des Américains et celui des Allemands (reliés ensemble par le seul Schlimmer et son mélange de veulerie et de maladresse, et les fesses de Pulver), et celui des Allemands est le plus intéressants ( les seconds rôles du film sont plus marquants que les rôles principaux, notamment les trois gars qui jouent les Russes).

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