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Scarface (Brian De Palma, 1983)
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Auteur:  Walt [ 09 Juil 2015, 23:40 ]
Sujet du message:  Scarface (Brian De Palma, 1983)

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Après une autre revision, décidément je n’accroche que moyennement à ce film même si je lui trouve plus de qualités que les autres fois, notamment grâce à son adéquation formelle avec une certaine forme de vulgarité/exubérance visuelle qui s’en dégage, qui a trait aussi bien au cinéma de De Palma qu'aux années 80 (la démarche est assez cohérente du coup) et qui est visible dans la mentalité des personnages et leur volonté de montrer qu’ils ont de la thune, mettant en avant leurs propriétés, leurs bagnoles, et leurs bobonnes couvertes de joncaille et de tenues hors de prix.
Cet aspect clinquant/bling bling n’est sans doute pas pour rien dans le côté décadent de prime abord qui a participé au culte du film, au même titre que la profusion de violence et de la récurrence des "fuck" dans les dialogues.

L'esthétique kitch participe à cette accentuation de l'aspect outrancier, excessif, et c’est parfois dans ces moments-là que la réalisation remporte l’adhésion (la scène de la tronçonneuse qui fonctionne en grande partie sur le hors-champ et qui renoue l'espace d'un instant sanglant avec un parfum d’interdit façon série B gore/snuff movie symptomatique de cette dimension voyeuriste que De Palma utilise souvent). C’est cet étalage de mauvais goût assumé qui en fait le principal intérêt, ainsi que cette plongée dans le monde vénal et immoral de Tony Montana qui s'inscrit dans ce dynamitage radical du rêve américain via l’ascension et la chute d’en arriviste, une trajectoire tendance rise & fall à la façon de Barry Lyndon, mais avec moins de virtuosité et plus de coke.

De Palma a un regard assez lucide là-dessus (même si une partie du grand public qui adule le personnage plus que le film en lui-même ne semble pas l’avoir remarqué suffisamment) lui qui s’intéresse plus à la chute de cet anti-héros pathétique et antipathique, la phase finale de son arrivée au sommet étant vite expédiée par un montage, qui représente presque à lui seul le projet, via son imagerie toc voulue et son enchaînement façon clip aux rythme des billets qui s'accumulent, qui montre mine de rien les prémisses de la chute de l’édifice global (la paranoïa avec les caméras qui pullulent dans la propriété, la relation secrète de Manny et Gina, et l’insatisfaction qui guette derrière l’opulence et l'accumulation ostentatoire de richesses).
Même s'il s'agit pour lui plus d'un film de commande (prévu à la base pour Lumet et inversement pour l’excellent Prince of the City que devait faire De Palma) que d'une oeuvre plus personnelle comme Body Double, cela ne l’empêche d’assurer niveau mise en scène, tandis que le scénario est plus marqué par la patte D’Oliver Stone, ce qui ne m’avait pourtant pas gêné dans L’Année du dragon, faut croire que le rôle du flic bourru et obstiné joué par un Mickey Rourke au sommet y est pour quelque chose (dont l'arc narratif est plus intéressant à suivre au demeurant que celui du cubain nerveux).

La fameuse scène de la voiture avec le mister ding ding de Breaking Bad montre que Montana est faillible et qu'il conserve un semblant de moralité, mais cela ne le dédouane pas et ne le sauve pas bien au contraire, c’est même une preuve supplémentaire que quel qu'un d'aussi instable n’aurait pas dû atteindre cet échelon, cette place cruciale dans la hiérarchie, cette occasion rendue seulement possible par son ambition démesurée et par l’appât du gain de ses collaborateurs, bien à leurs places dans l’Amérique des "années fric".
Montana n’est pas glorifié pour autant loin de là, pas de complaisance vu que les ordures sont montrées comme elles sont, et il ne fait pas exception avec son côté carnassier, prêt à tout pour satisfaire ses pulsions de possession et pour accéder à son mode de vie rêvé, qui ne le satisfait pas finalement.
Pacino a tendance à être un peu pénible dans son cabotinage, c’est le rôle qui veut ça certes, mais généralement je le trouve plus juste dans un registre plus sobre, quand il est plus canalisé, la présence et le charisme qu'il apporte au personnage étant tout de même indéniable, bien différente de la lassitude de Carlito Brigante et du sang-froid de Michael Corleone.

Auteur:  rotary [Bot] [ 10 Juil 2015, 00:15 ]
Sujet du message:  Re: Scarface (Brian De Palma, 1983)

Walt a écrit:
une trajectoire tendance rise & fall

Pour moi, ça n'a rien d'une tendance. C'est le coeur même de film. Si j'aime assez les mécanismes de l'ascension, j'adore la chute. Scarface est la description d'une bombe à retardement. L'énergie malsaine et suicidaire qui a propulsé Montana au sommet finit par lui faire perdre tout discernement. Il explose en plein vol en détruisant toutes les personnes proches de lui. J'aime la démesure du traitement, la bêtise, le parfum de damnation, le feu d'artifice de violence.
J'espère que le film a bien vieilli mais j'hésite à le revoir. Je préfère rester sur l'excellent souvenir qu'il m'a laissé. Mon seul bémol sur ce film est l'interprétation de Pacino qui massacre un peu ce rôle en or.

Auteur:  Walt [ 10 Juil 2015, 00:22 ]
Sujet du message:  Re: Scarface (Brian De Palma, 1983)

rotary [Bot] a écrit:
Walt a écrit:
une trajectoire tendance rise & fall

Pour moi, ça n'a rien d'une tendance. C'est le coeur même de film.


Disons plutôt structure dans ce cas.

rotary [Bot] a écrit:
J'espère que le film a bien vieilli mais j'hésite à le revoir.


De ce côté-là ça passe ou ça casse, c'est vrai qu'on fait difficilement plus 80's.

Auteur:  rotary [Bot] [ 10 Juil 2015, 00:30 ]
Sujet du message:  Re: Scarface (Brian De Palma, 1983)

Walt a écrit:
Disons plutôt structure dans ce cas.

Ce n'est pas comme ça que je le vois. Pour moi, c'est le thème du film. Scarface est le biopic d'un missile. Il monte, monte et explose. Le héros est choisi dans le milieu et avec le vécu adéquat pour que l'explosion soit la plus spectaculaire possible.

Auteur:  Walt [ 10 Juil 2015, 12:42 ]
Sujet du message:  Re: Scarface (Brian De Palma, 1983)

rotary [Bot] a écrit:
Si j'aime assez les mécanismes de l'ascension, j'adore la chute.


Pareil c'est la partie que je préfère (et pas seulement pour ce film, mais aussi pour d'autres qui fonctionnent sur des mécanismes narratifs similaires).

Auteur:  Fire walk with me [ 10 Juil 2015, 15:19 ]
Sujet du message:  Re: Scarface (Brian De Palma, 1983)

Walt a écrit:
rotary [Bot] a écrit:
Si j'aime assez les mécanismes de l'ascension, j'adore la chute.


Pareil c'est la partie que je préfère (et pas seulement pour ce film, mais aussi pour d'autres qui fonctionnent sur des mécanismes narratifs similaires).



Chute déclenchée par un par choix "positif" qui plus est.

Auteur:  rotary [Bot] [ 10 Juil 2015, 16:07 ]
Sujet du message:  Re: Scarface (Brian De Palma, 1983)

C'était une bonne idée. Ça montre que tous les chemins menaient à sa perte, même un vague sursaut moral. Montana a toujours été sur une trajectoire de crash, c'était son destin.

Auteur:  Walt [ 10 Juil 2015, 16:20 ]
Sujet du message:  Re: Scarface (Brian De Palma, 1983)

Oui c'est bien vu, la bombe sous la bagnole n'a pas été déclenchée mais par contre c'est le cas de la bombe à retardement qu'est Montana.

Auteur:  Film Freak [ 03 Juin 2018, 23:39 ]
Sujet du message:  Re: Scarface (Brian De Palma, 1983)

Walt a tout dit.

J'ai vu le film plusieurs fois mais je n'ai jamais été à fond. J'avais acheté le DVD aveuglément à l'époque et je l'avais revendu.

Revu ce soir pour la première fois sur grand écran et c'est fou comme le film est plus stonien (dans son protagoniste, dans ses thèmes, dans sa structure) que depalmaien. Le cinéaste du vulgos est parfait pour conférer à ce rise & fall '80s toute sa décadence kitsch, donnant une véritable identité à ce qui pourrait être un film de gangster de plus, et c'est royalement mis en scène (le travelling circulaire en gros plan qui ouvre le film et présente le perso, la tension lors de la scène de la tronçonneuse avec notamment ce plan qui sort et s'éloigne de la salle de bain et de l'immeuble pour noyer le son, c'est fou comme la simultanéité de deux actions passionne De Palma, entre les allers/retours de Murder à la mod, les split-screen de Carrie, ça...) mais l'ensemble m'apparaît vaguement impersonnel dans le fond.

Et c'est le fond que je trouve le plus intéressant. Ce contexte politique du remake contemporain, son propos sur l'immigration, le Rêve Américain et la Guerre contre la Drogue... Dommage que la deuxième moitié du rise & fall soit plus programmatique, surtout avec un personnage aussi peu attachant. Henry Hill, Ace Rothstein ou Jordan Belfort, je les kiffe. Tony Montana (et le surjeu de Pacino est lié à l'écriture du perso) m'est profondément antipathique. Peu m'importe ce qui lui arrive.

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